Chronique de Kodjo Epou : C’est à peine croyable !


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Que de petits messieurs ! Avez-vous vu ce weekend, vous aussi, à la télévision nationale, le président de la cour constitutionnelle, Abdou Assouma, le président de l’assemblée nationale, Drama Dramani et son Vice, tous les responsables des institutions de la république danser comme les marionettes de Danaye Kanlanfeï, mouchoir blanc en main, s’offrant en spectacle face à la nation, au grand plaisir du prince qu’ils se sont fraîchement choisile 25 avril ? Parce que nous autres, Togolais, avons une élite intellectuelle très faible, paresseuse et très corruptible, “la famille présidentielle” a réussi à faire des élections un creuset de toutes les arnaques, une incroyable auto-reconduction de son système.
 
Il n’est pas seulement fatigué, le Togolais. Il est las. Désabusé et désespéré. Surtout dégoûté, révolté. Au fil des ans, le Togolais a pris son mal en patience. Il a appris à rebondir, à s’adapter aux situations. Même les plus désespérées. Les violentes intrusions à répétition dans ses espaces de liberté déjà étroits, il les encaisse, taisant ses affreuses douleurs au lieu de retourner le coup, proportionnellement à celui qu’il reçoit. Ses misères, il jongle avec, se contentant du minimum, histoire de maintenir le moral. Quand son train-train quotidien est des plus rudes du continent, il regarde le ciel, le Togolais. Il a fait de la débrouille sa seconde nature, de la résilience, sa principale qualité.
 
Il fait semblant de garder espoir, le Togolais. Que les choses vont être mieux. Très bientôt. Même devant le sentiment qu’à défaut de gouverner pour le futur, les gens du pouvoir fanfaron ne travaillent que pour leurs profits, pour entretenir leur train de vie et baigner dans un luxe ostentatoire et indécent qui choque. Oui, des fois, et même trop souvent, le Togolais se confie au ciel d’où, sans raison valable, il attend une sorte de plan miracle. Même si, depuis cinquante ans que son calvaire dure, le « Tout-puissant d’en haut » ne donne aucun signe de vie ou semble occupé à autre chose sous d’autres cieux. C’est à se demander si cette nation togolaise n’est pas maudite pour avoir commis le blasphème de vénérer en lieu et place de Dieu, des décennies entières, un monstre qui a passé sa vie, son règne, dans le deni total de chacun des dix commandements.
 
Aujourd’hui, il doit s’en rendre compte, le Togolais. Que le père céleste n’aime pas le peuple faible et sans génie, qui ne sait pas s’affranchir de la servitude. En effet, l’ère Gnassingbé n’a rien donné de bon. Pendant des décennies, rien n’a évolué. A part le faux mirage des infrastructures que les sbires et certains “anciens opposants fainéants” voient partout sortir de terre. Ces infrastructures, si elles existent, sont-elles une raison suffisante pour qu’on abandonne la République au profit d’une monarchie familiale ? Les cent kilomètres de route que Gnassingbé Faure a tracés – je refuse de dire construits – pendant ses deux mandats sont-ils des signes de prospérité dans un pays qui a tout pour mener une vie décente ? Que constatons-nous ! Le Togo est, au plan mondial, tête de liste des pays du mal-vivre. Le Togolais n’entrevoit même pas une sortie de la crise après la présidentielle d’avril 2015. Jusqu’à quand va-t-il continuer de supporter la tactique de la terre brulée du clan, de regarder, le ventre à moitié vide ou totalement creux, les gens d’en haut couler du champagne au rythme nargueur d’un disque partout ailleurs rayé, “Denyigba”, pour célébrer des victories qui, en réalité, n’en sont point ? Jusqu’à quand le Togolais va-t-il continuer de débourser des tonnes d’énergies avant de maintenir le cœur en activité dans sa poitrine, avant de se chausser, se vêtir, boire de l’eau fraîche, bref vivre comme un homme normal ?
 
Comme si ça ne suffit pas, ses espoirs d’un règlement de la crise par une sortie de Faure à la fin de son second mandat sont douchés. Douchés par une classe politique imbécile, impassible devant ces “souffrances immenses”. Douchés aussi par des discours de toquets comme ceux que nous ont abondamment servis pendant la période de campagne les nouveaux laquais de la dynastie. De quoi donner envie d’affirmer que le Togo sous le régime cinquantenaire a plus généré d’intellectuels sots que d’élites dignes.
 
En effet, trop de Togolais se laissent bougrement débaucher de leurs convictions pour un portefeuille ministériel ou celui d’un directeur de quelquechose, soit-il de second rang ou simplement pour du pain. Entre temps ou en un temps record, des opposants d’hier sont initiés au chapelet de mensonges du RPT conquérant, lequel chapelet ils sont prêts à bûcher par coeur et, qu’aisément, sans pudeur ni honte, ils réciteront, tels des gardiens de zoo devant un public de novices, sans s’encombrer de la moindre gêne pour ses faux témoignages.
 
C’aurait été dans d’autres pays que cette danse de samedi dernier n’aurait jamais eu lieu. Elle a pu tenir parce que notre élite politique de l’opposition, à quelques rares exceptions près, est faible. Que de faux dévots pour la plupart, tête et cerveau entiers bloqués à l’intérieur de leur ventre ! Que de monstres sans intelligence ni mémoire, incapables de distinguer ce qui est bon pour le peuple à côté de ce qui concourt à sa mort lente, de dire « non merci ». A y voir de près, c’est l’avenir de la gûnération montante qui s’écrit ainsi en pointillés. Parce que la République a mal. De partout. Finalement, Que d’enfants condamnés à grandir dans cet environnement de grande insalubrité morale !
 
On espère qu’il existe quelque part un Dieu qui va, un jour, retourner au Togo après un demi siècle d’absence. Ce jour-là, peut-être, les Togolais vont ensemble, comme un seul homme, se lever pour faire savoir à ceux qui, en leur sein, congratulent aujourd’hui les vices, qu’ils sont indignes de vivre tranquillement. Ce jour-là, tous ces individus véreux que depuis 50 ans les Gnassingbé pratiquent aux fins du pouvoir familial, prendront leurs jambes à leur cou. L’histoire, nulle part, ne s’est écrite autrement. La partie n’est pas terminée. Dansera mieux qui dansera le dernier.
 
Kodjo Epou
Washington DC
USA

 

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