Dossier : Le métier de sage-femme au Togo et ses réalités


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Les statistiques de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) voudraient qu’une sage-femme serve 4 000 habitants sur la population générale et une sage-femme pour 300 femmes en âge de procréer.

Au Togo, cette norme n’est pas respectée par manque de personnel prestataire. Ceci étant, une sage-femme dessert 8 000 personnes dont 5 000 femmes en âge de reproduction.

Ce nombre « exorbitant » auquel s’ajoutent les conditions précaires dans lesquelles la sage-femme est formée, les infrastructures d’accueil et la vétusté du matériel de travail constituent des facteurs, méconnus des bénéficiaires des prestations qu’offre la sage-femme. Il lui est souvent reproché également son accueil.

Pourquoi la sage-femme est-elle toujours « accusée » de mal accueillir ses « parturientes » ? Quelle est la part de responsabilité des femmes enceintes ayant besoin des services du personnel sanitaire, en particulier ceux de la safe-femme ? La qualité de la formation reçue par la sage-femme, le manque de matériel de travail et l’exigüité des structures d’accueil ne participent-ils pas à « la mauvaise prestation » de la sage-femme ? Enquête !

La question de l’accueil en milieu hospitalier et surtout dans les maternités remet en cause l’idée selon laquelle « un malade bien accueilli est à moitié soigné ». Et pour trouver quelqu’un qui devait endosser la responsabilité de cette mésaventure, la sage-femme est celle sur qui le dévolu est jeté.

Vu de près, ce problème concerne plusieurs entités dans la chaîne du système sanitaire, partant des décideurs aux bénéficiaires des services en passant par les sages-femmes elles-mêmes.

La sage-femme est formée dans des conditions déplorables

A sa création en 1964, l’Ecole Nationale des Sages-femmes (ENSF) devait former trente (30) étudiantes dans chaque promotion et ce, pendant trois (3) ans pour être déployées dans les hôpitaux intermédiaires, ceux de la périphérie devant plus tard être réservés aux accoucheuses auxiliaires, « une composante propre au Togo ». A partir de l’année 2000, ce nombre a presque doublé sans que les structures d’accueil des étudiantes ne soient rénovées et agrandies. On assiste dès lors à des effectifs pléthoriques et à un manque « criard » du matériel didactique.

« Au début, tout allait bien jusqu’au moment où les autorités ont décidé d’augmenter les effectifs sans toutefois prévoir l’agrandissement des structures d’accueil. C’est à partir de cet instant que tout a capoté », confie Mme Adjowa d’Almeida, sage-femme d’Etat à l’Agence de presse Afreepress.

Aussi, l’école manque de formateurs pour le fait que pendant la formation, il y a une équipe de l’école qui n’a pas reçu une formation adéquate et les mieux formées sont admises à la retraite.A ceci s’ajoute la précarité des conditions de vie des étudiantes qui ne bénéficient plus des avantages des premières années de cette école.

« L’expérience s’ajoute à la science pour plus d’efficacité », dit-on souvent. Dans le cas de figure des élèves sages-femmes, ce principe n’est nullement de mise pour le fait qu’elles n’ont pas facilement accès aux stages de perfectionnement par manque de moyens puisqu’elles se prennent en charge elles-mêmes.

Dans ces conditions, la qualité de la formation pose problème tout en agissant sur la qualité des prestations du personnel de la pratique des soins maternels, néonatals et infantiles qui se traduit souvent par le mauvais accueil que d’aucuns appellent « incivisme dans les maternités ».

Le mauvais accueil en milieu hospitalier, bien que réel, est basé sur l’incompréhension

Nous sommes au Centre Médico-Social de Cacaveli. Il est 8 h. Dans la maternité et sur les bancs d’attente, on dénombre une trentaine de femmes assises et d’autres debout, attendant leur tour pour les consultations prénatales. Au bout de la file d’attente, une jeune dame, 25 ans à peine, toute de blanc vêtue, vérifie les carnets de santé, fait le pesé et prend la tension artérielle des femmes enceintes. Expliquant de même le bien-fondé du port d’habits amples aux femmes qui ne le respectent pas. Celles qui n’ont pas répondu aux rendez-vous antérieurs, se voient réprimander et rappeler à l’ordre de façon courtoise.

Nous demandons à voir la surveillante des lieuxet notre attention est attirée sur le grand nombre des femmes qui attendent pour « une cause beaucoup plus noble ». « Vous pouvez constater qu’un grand nombre de femmes attendent pour se faire consulter. La surveillante ne pourra pas vous recevoir tout de suite. Revenez plus tard », s’excuse la jeune dame.

Le simple constat fait, amène à une interrogation sur ce qui cause le mauvais accueil.

« La pratiquante des soins maternels néonatals et infantiles subie moult frustrations sut toute la ligne. Etant donné qu’elle fait un travail de proximité qui demande de rentrer en contact avec les femmes, elle risque d’en faire ses proies si elle n’a pas reçu une éducation sociale très poussée ». C’est de cette façon qu’Adjoa Sallah, sage-femme d’Etat, amorce les causes du mauvais accueil.

Comme l’insinue les statistiques de l’OMS, une sage-femme doit normalement prendre en charge 300 femmes en âge de procréer. Il se fait que ce nombre est porté à 5000 femmes au Togo et est source de stress dans le rang des sages-femmes.

Le matériel de travail n’est pas adéquat, les appareils d’accouchement presqu’inexistants. Ce manque ne permet pas aux prestataires de service de développer les compétences non techniques relevant du savoir être pour plus de compétitivité en matière d’accueil.

Sur cette question de l’absence du matériel de travail, source de stress, les avis sont partagés dans le rang des sages-femmes.

« Les sages-femmes se retrouvent la plupart du temps en face d’une société qu’elles n’ont pas appris à gérer. Comme leur nom l’indique, elles doivent faire preuve de sagesse dans leur prestation de service quelle que soit la situation dans laquelle elles travaillent. Il faut une adhésion totale au principe selon lequel un malade bien accueilli est à moitié guéri avant que les connaissances techniques ne parachèvent le traitement », remarque Adjoa Sallah, pour qui l’éducation sociale doit être de mise et de mode dans la vie de toute sage-femme. Et pour cause, « la femme est identifiable à l’eau, donc la douceur. On doit percevoir en la femme une fleur et ceci est de la responsabilité des parents d’éduquer leur fille en fonction de ces principes pour que les générations futures ne connaissent pas le problème du mauvais accueil dans les maternités », ajoute-t-elle.

Les parturientes elles-mêmes constituent un facteur favorisant le mauvais accueil

Il est démontré que sur dix (10) femmes enceintes, six (6) ne maîtrisent pas leur cycle mensuel, ni l’âge de la grossesse qu’elles portent. Cette ignorance des questions les concernant brise d’entrée de jeu l’atmosphère qui devait prévaloir lors d’un premier contact devant mettre la bénéficiaire en confiance.

Selon la présidente de l’Association des Sages-femmes du Togo (ASSAFETO), Mme Adjowa d’Almeida, « c’est vrai que les femmes viennent pour obtenir des réponses à un certain nombre de questions qu’elles se posent sur leur santé parce qu’elles ignorent beaucoup de choses. Mais le premier contact joue beaucoup parce que c’est de la manière dont tu introduis que la patiente te fait confiance et participe aux soins que tu es sensé lui donner. Si elle est bloquée, fermée, parce que le contact n’a pas été favorable, la base est faussée ».

« La première fois que je suis allé en consultation prénatale, j’ai pu constater que j’ignorais beaucoup sur ma propre personne et ceci indisposait la sage-femme qui m’avais reçue. Je reconnais que nous les femmes même si nous sommes sous la douleur, nous frustrons les prestataires à cause de notre ignorance », témoigne Clémentine, une mère ayant bénéficié des services d’une sage-femme.

Le rôle de l’Etat dans cette situation

Le favoritisme dans le recrutement et le déploiement des sages-femmes joue un rôle primordial dans la crise que connaissent les maternités. Ceci se couple du bannissement de l’Etat-providence, décision qui fait que l’Etat ne « pourvoit plus les maternités de matériel de travail ».

« Dans une maternité, on trouve un lit, une table gynécologique, un appareil de tension et autres, qui ne sont jamais remplacés. Avec la prolifération des infections, il a été décidé la personnalisation du matériel de traitement. Un seul thermomètre ne peut plus servir à prendre la température de plusieurs patientes. Il faut donc que chaque femme achète son thermomètre alors que plusieurs d’entre elles arrivent sans moyens. Le mauvais accueil commence déjà à ce niveau », explique Mme Adjowa D’Almeida.

A en croire ses propos, la rupture avec l’Etat-providence a accentué ce phénomène puisque les bénéficiaires se doivent de participer à l’achat des produits pour les soins.

L’inadéquation vocation-emploi, est cet autre aspect qui injecte des filles dans ce corps de métier non par passion et vocation mais pour échapper aux turpitudes du chômage.

Il faut reconnaître que des efforts sont en train d’être fait pour l’éradication de ce phénomène qui fait partie des facteurs de la mortalité maternelle néonatale et infantile qui est dans l’ordre de 350 enfants pour 100 000 naissances vivantes selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).

Parmi ces efforts, il faut compter la formation des sages-femmes le 24 juin 2014 sur les techniques d’accueil en milieu hospitalier, sous la direction du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA), partenaire au développement en charge de la santé maternelle et infantile.

Mao R.

 

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