Les diplomaties occidentales, un soutien à la dictature au Togo ?


diplomates_occidentaux_togo


Quand l’argent du contribuable européen sert à entretenir des élections frauduleuses sous les Tropiques
Et c’est parti pour un nouveau quinquennat au Togo, sous le clan qui s’est emparé du pouvoir depuis 48 ans. Au sein de l’opinion, c’est le choc. Dans les ambassades, la situation semble amuser les diplomates qui, tour à tour, se sont précipités pour féliciter le « vainqueur », sans se donner la moindre peine de prendre en considération les réclamations de l’opposition qui crie à la fraude. Si la réaction des diplomates africains est loin de surprendre, puisque la plupart sont des représentants de potentats, l’attitude des ambassadeurs occidentaux suscite de véritables questions. L’Union Européenne, la France, l’Allemagne, les USA et le Système des Nations-Unies ont-elles choisi le camp de la première dictature africaine aux allures nord-coréennes ?
 
Nombreux sont les Togolais qui ont toujours, naïvement, compté sur une certaine « communauté internationale » comme pouvant freiner le clan Gnassingbé et alliés dans leur élan de conserver sur plusieurs générations (un demi-siècle déjà) le pouvoir. Dans l’opposition, plusieurs plusieurs ont pratiquement pris le réflexe de recourir à l’arbitrage des Ambassades occidentales dans certaines situations de blocage, face au pouvoir. Souvent sans grands résultats. Et au fil des années, on constate que l’incapacité desdites ambassades à aider le peuple à asseoir une démocratie exemplaire se fait voir. Cette faiblesse des diplomaties occidentales au Togo est vite manipulée par le pouvoir à son propre profit.
 
En se constituant en « Groupe des 5 », les représentations de l’UE, la France, l’Allemagne, les USA et le système des Nations-Unies ont laissé croire à un changement de stratégie lui permettant de mieux peser sur les évènements et d’obtenir plus de concessions de la part de Faure Gnassingbé et les siens. Les faits sont là : les réformes qui tiennent tant à coeur aux ambassadeurs occidentaux se font toujours attendre. Les quelques timides rappels n’ont en rien poussé le gouvernement à mettre en oeuvre ces réformes issues pourtant d’accords politiques. Pour les narguer, le pouvoir s’est lancé comme défi de se passer des appuis financiers de leurs pays (ou siège) qui sont souvent accompagnés de conditions. A la veille de la présidentielle du 25 avril dernier, Gilbert Bawara, ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des collectivités locales ne s’est pas privé de tourner en dérision l’UE sur une radio de la capitale, qualifiant d’infantilisant le soutien financier européen assorti de conditionnalités. Et pourtant, c’est le même individu qui faisait le couloir de l’UE accroché à son ami « copain » et mafieux Louis Michel pour la reprise de la coopération avec le partenaire européen.
 
Durant toute la période d’organisation de l’élection, le pouvoir a fait montre de mauvaise foi, obligeant par exemple la Délégation spéciale de l’Organisation internationale de la Francophonie et d’autres groupes d’observateurs à intervenir comme arbitre. Depuis la question du fichier électoral jusqu’à la proclamation des résultats, le pouvoir, par le biais de ses représentants à la Commission électorale nationale indépendante (CENI), a suffisamment montré son allergie à la transparence, à la recherche du consensus et au respect de la loi. Tout le monde a pu constater comment la proclamation des résultats a été faite, en catastrophe, sans les membres du CAP 2015, et avec des urnes bourrées, l’usage des spécimens de bulletins de vote, des incohérences dans les chiffres avancés et des hésitations lors de la publication des résultats. De bout en bout, le pouvoir a tout organisé pour imposer son diktat aux autres candidats jusque par exemple sur la disposition des candidats sur le bulletin de vote, après pourtant un tirage au sort assisté par un huissier de justice. Toutes ces anomalies qui ne pourraient en aucun cas être tolérables en France par exemple, aux USA ou en Allemagne, n’ont pourtant pas suscité de réelles réactions de désapprobation de la part des représentants du monde civilisé (sic) dans notre pays. En lieu et place, on a plutôt assisté à une vague de félicitations sournoises qui, finalement plongent plusieurs analystes dans une confusion totale.
 
Il est tout de même utile à ce stade de l’analyse de citer le général Charles de Gaulle qui disait : « Les peuples n’ont pas des amis, mais des intérêts ». Nous sommes loin d’être des naïfs pour croire que la diplomatie occidentale au Togo ne rime pas avec cette phrase, mais de là à vouloir faire fi des valeurs de démocratie, de liberté, de respect des droits de l’Homme, de justice dont les Occidentaux se disent porteurs pour manifester de façon ostensible un soutien sans faille à un régime anachronique, dictatorial, despotique et « humanicide » frise le scandale. Au demeurant, nous sommes dans l’obligation de constater que l’argent du contribuable européen et américain sert à entretenir les régimes les plus sanguinaires et liberticides au monde, comme c’est le cas actuellement au Togo. L’opinion européenne et américaine pourrait-elle s’accommoder d’un soutien financier de leurs pays respectifs à la Corée du Nord ? Pourquoi les contribuables européens et américains s’accommodent-ils si facilement du régime togolais dont les méthodes et pratiques ne sont pas loin du régime de Pyong Yang ? Juste parce que les Togolais sont si dociles et à la limite couillons.
 
L’Union Européenne
 
Depuis quelques mois, l’Union européenne fait face à une déferlante de migrants sur ses terres et se dit très préoccupée par cette situation qualifiée de drame « sans précédent ». La chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, a récemment demandé à la communauté internationale d’aider l’Union européenne à « sauver des vies », estimant que « ce n’est pas seulement une urgence humanitaire, mais aussi une crise sécuritaire ». Elle a même annoncé que « l’Union européenne est finalement prête à prendre ses propres responsabilités: sauver des vies, accueillir des réfugiés, TRAITER LES CAUSES PROFONDES et démanteler les organisations criminelles ».
 
Il est clair aujourd’hui que l’une des causes profondes de l’afflux massif des Africains vers le continent européen, est la persistance sur le continent des régimes comme celui à la tête du Togo depuis un demi-siècle qui rend quasiment impossible l’épanouissement de la jeunesse, contrainte à une vie de débrouillardise, pendant qu’une minorité accapare toutes les ressources du pays qu’elle va dépenser souvent sur le continent européen. Le pillage des ressources africaines n’est pas l’apanage des Africains seuls, mais sont complices plusieurs multinationales européennes qui viennent s’installer dans des conditions opaques sur le contiennent grâce à des réseaux mafieux et qui, elles aussi, renforcent le pillage.
 
Le cas du Togo n’est pas inconnu de l’institution européenne. Au contraire, l’UE avait même rompu sa coopération avec le Togo pour « déficit démocratique ». Même si en 2007, le pouvoir a réussi par ses ruses à faire reprendre sa coopération avec plusieurs de ses partenaires, la situation démocratique a-t-elle pourtant changé de façon profonde ? Les courtisans du pouvoir diraient oui. Mais les analystes objectifs répondent : « assurément pas ». Le même système est aux affaires depuis 1967 et n’est pas prêt à organiser des consultations électorales transparentes et équitables pour passer la main. Les pratiques n’ont pas changé. Ceux qui de l’intérieur du système sont soupçonnés de regarder ailleurs que dans la direction du Prince, sont foudroyés (sic) comme en Corée du Nord.
 
Les différents accords et recommandations dont la réalisation devrait impulser une nouvelle dynamique démocratique au pays ne sont pas honorés par le pouvoir ou sont très superficiellement respectés. Devant l’Union Européenne, les autorités togolaises se sont engagées sur 22 engagements depuis 2004. Ensuite, après les massacres de 2005, le pouvoir s’est engagé par le biais de l’Accord Politique Global (APG) à des réformes profondes. Il y a eu les recommandations de la fameuse Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR). Une Commission qui a englouti des centaines de millions du contribuable européen. Les recommandations des différentes missions d’observation électorale de l’Union européenne ( 2007, 2010, 2013) sont aussi là, sur la table de Faure Gnassingbé. Les recommandations de l’Evaluation Périodique Universelle (EPU) à Genève… la liste des engagements pris par le Togo, mais non respectés est très longue. Toutes les institutions sont caporalisées dans le pays, le parti au pouvoir est devenu un parti-Etat, avec tous les cadres de l’administration de facto membres. Que fait alors l’UE de ses différents rapports de ses missions d’observations ? Que fait l’UE lorsque le pouvoir de Lomé se permet d’expulser un chef de projet comme le cas du Chef projet PASCCRENA juste parce que ce dernier a commandé une étude sur le cadre électoral qui ne fait pas l’affaire du pouvoir ? Que fait encore l’UE lorsque le système à Lomé se permet d’expulser un de ses experts dépêchés auprès de la CENI, Jérôme Leyraud ? Elle se contente d’avaler les couleuvres en sacrifiant ses experts sur les humeurs d’un dictateur sous les tropiques.
 
Cette situation n’est elle pas assez alarmante pour que l’UE cesse de jouer à la diplomatie faite d’hypocrisie ?
 
L’arrivée de l’actuel Chef de Délégation spéciale de l’Union européenne au Togo, Nicolas Berlanga-Martinez, avait donné espoir à plus d’un. Ses premières interventions publiques ont laissé penser qu’il trancherait avec l’attitude de ses prédécesseurs dont un certain Patrick Spirlet qui, eux, étaient carrément au service du réseau mafieux coiffé par un certain Louis Michel qui cirait l’image du régime à Bruxelles. M. Berlanga n’a pas hésité à dénoncer par exemple le manque de rigueur budgétaire dans notre pays. Il a par ailleurs pris à contre-pied sur Twitter le Président de la Cour Constitutionnelle qui déclarait que la page des réformes était tournée. Cet élan semble avoir été brusquement arrêté et le diplomate européen se laisse à son tour gagner progressivement par un vicieux équilibrisme (comme on a pu le ressentir dans son discours fade du 11 mai à l’occasion de la célébration à Lomé de la journée de l’Europe) qui tend à couper la poire en deux, oubliant qu’en situation d’injustice, tout équilibrisme fait le jeu de l’oppresseur. Si, comme il le dit lui-même, la diplomatie européenne est celle qui « nous permet d’établir des partenariats en plaçant l’Homme et le développement inclusif au centre de nos préoccupations et de nos actions », les gestes et paroles doivent suivre. Tant que l’UE continuera à soutenir les régimes despotiques comme celui du Togo, que Bruxelles sache que les candidats à l’immigration en Europe seront encore plus nombreux en dépit des risques. La diaspora togolaise est déjà assez importante sur le vieux continent, mais avec les cinq prochaines années de Faure Gnassingbé qui ne propose rien d’autre à la jeunesse togolaise que le fameux Provonat, les départs en direction de l’Europe et des USA seront encore plus nombreux.
 
La France
 
Ancienne métropole, la France a toujours été un soutien au régime des Gnassingbé. Même lorsque les autres partenaires du Togo se sont retirés, des autorités françaises continuaient de fréquenter Gnassingbé Eyadéma, contre des valises et sacs remplis de liasses d’euros, surtout lors du règne de Jacques Chirac, ami personnel de feu Gnassingbé Eyadéma.. Avec l’arrivée de François Hollande, beaucoup ont cru à la fin du système mafieux connu sous le nom de Françafrique, et par conséquent la fin aussi des relations de complaisance avec les dictatures africaines. Mais avec les intérêts français sur le sol togolais (au Port autonome de Lomé par exemple), François Hollande est-il en train de marcher dans les pas des libéraux pour qui seuls les intérêts comptent ?
 
En tout cas, la politique française au Togo n’est pas encore à la hauteur des attentes, mais toujours très intéressée. Et l’attitude des différents ambassadeurs français au Togo n’est pas pour démentir cette analyse. Comme d’autres pays, à l’instar de la Chine, la France ne vise désormais que les marchés, et une fois que ces marchés sont acquis et sécurisés, le reste (démocratie, droits de l’Homme, élection transparente, alternance…) n’est que détail.
 
François Hollande disait pourtant en novembre dernier à Dakar que « la Francophonie est soucieuse des règles de la démocratie, de la liberté du vote, du respect des ordres constitutionnels et de l’aspiration des peuples, de tous les peuples à des élections libres », citant l’exemple de la Tunisie. Il promettait même : « Là où les règles constitutionnelles sont malmenées, là où la liberté est bafouée, là où l’alternance est empêchée, j’affirme ici que les citoyens de ces pays sauront toujours trouver dans l’espace francophone le soutien nécessaire pour faire prévaloir la justice, le droit et la démocratie. Il y a quelques semaines, le peuple burkinabé a fait une belle démonstration. À lui aussi de maîtriser ce processus, de faire en sorte que les règles puissent être posées et, encore une fois, respectées, que la réconciliation vienne et que l’on évite tout règlement de compte inutile. Mais aussi ce qu’a fait le peuple burkinabé doit faire réfléchir ceux qui voudraient se maintenir à la tête de leur pays en violant l’ordre constitutionnel. Parce que ce sont les peuples qui décident ».
 
Dans le cas du Togo, les conditions générales d’organisation des élections sont très largement en faveur du pouvoir qui, pendant un demi siècle, a caporalisé toutes les institutions du pays et taillé toutes lois sur mesures pour lui même, modifiant la Constitution en 2002 contre toute attente pour sauter le verrou de la limitation des mandats à deux. Et pourtant, la France de François Hollande aussi a félicité le fils d’Eyadéma Gnassingbé qui, soit dit en passant, est venu au pouvoir dans le sang et compte bien y rester, lui aussi, à vie.
 
La France est l’un des pays qui accueillent les plus grands nombres de refugiés politiques togolais. Les cas les plus récents sont ceux de Koffi Kounté, magistrat et président de la Commission nationale des Droits de l’Homme (CNDH) qui est une institution de la République et qui a dû prendre ses jambes à son cou en osant rétablir la vérité dans une affaire de torture qui impliquait de nombreux proches de Faure Gnassingbé. On n’oubliera pas de mentionner le cas de l’ancien ministre de l’Intérieur, François Boko, aujourd’hui consultant de l’Union européenne. Et tous les autres citoyens, aujourd’hui incapables de rentrer chez eux à cause de leur conviction politique. L’opinion a du mal à comprendre que la France de François Hollande fasse fi de cette situation en étant totalement complaisante avec le clan Gnassingbé, entretenant une relation difficilement transparente avec lui.
 
Elle continue d’ailleurs de fournir toute l’assistance nécessaire au pouvoir de Lomé dans les missions de répressions, notamment la formation, la fourniture des gaz lacrymogènes, des matraques. En pleine période électorale, on a appris que Faure Gnassingbé a dû suspendre ses tournées pour une virée rapide en France. Autant sur ce sujet que celui relatif à une éventuelle valise d’argent qui aurait quitté Lomé pour Paris, aucune réaction officielle n’a été enregistrée de la part de L’Elysée ni du Quai d’Orsay. Toutes choses qui trahissent ce que le peuple français dit défendre comme valeurs et qui ne sont pas loin de rappeler les moments sombres de la Françafrique. Au nom donc des intérêts économiques français, les valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité, de démocratie, de respect des droits de l’Homme et de la dignité humaine n’ont pas le même sens dans l’Hexagone que sous les Tropiques.
 
L’Allemagne
 
De toutes les représentations diplomatiques occidentales au Togo, c’est la grosse déception. Il n’y a pas encore longtemps, l’Allemagne était le pays partenaire le moins complaisant vis-à-vis du Togo. Il a suffi du travail de quelques lobbies religieux et du passage de quelques diplomates qui, visiblement étaient emballés par le pouvoir et à qui il ne leur manquait qu’une carte du parti, pour faire changer l’attitude de l’Allemagne à l’égard du peuple togolais.
 
Nous apprenons que le pays d’Angela Merkel, après avoir déployé quelques bureaux de GIZ dans certaines villes du pays, n’a désormais d’yeux que pour ses intérêts au Togo. Après avoir perdu le Port autonome de Lomé, et la Brasserie vendue au clan Gnassingbé, l’Allemagne en 2010 a décroché l’un des plus grands gisements de calcaire à Sika-Kondji géré via le groupe Heildelberg. Il se raconte dans certains milieux que l’Allemagne projette installer une nouvelle brasserie au Togo et aussi obtenir des marchés et de conditions favorables à l’installation des opérateurs économiques allemands. Et pour ne pas trop fâcher les autorités togolaises, qui ont, elles aussi, compris le jeu des Occidentaux en faisant du chantage avec les Chinois et les fonds vautours, la diplomatie allemande préfère se taire que dénoncer les travers politiques. Mais venant d’un pays qui a connu la dictature nazie et ses affres et qui partage une partie de son histoire avec notre pays, qui devrait donc être très sensible aux conditions misérables du peuple togolais soumis à une dictature qui n’hésite pas à emprunter des méthodes aux nazis, cette attitude paraît incompréhensible.
 
Dans le cadre de la reprise de la coopération avec le Togo, l’Allemagne s’est fixé quelques priorités dont la gouvernance décentralisée qui passe forcément par l’organisation d’élections locales. Ces élections, on le sait, font peur au pouvoir qui refuse de les organiser, hypothéquant du coup tous les efforts tendant à donner une chance à l’avènement d’une gouvernance locale moderne dans notre pays. Ne serait-ce que cette seule situation devrait préoccuper l’Allemagne et ses représentants dans notre pays et les situer sur le degré de volonté des dirigeants du Togo à donner une chance à la démocratie dans ce pays. Ses derniers ambassadeurs préfèrent plutôt s’attaquer à l’opposition qui porte les aspirations de changement du peuple. L’ex-ambassadeur, Joseph Weiss, qui a précédé l’actuel, était carrément un véritable cas, qui n’avait d’adversaire que l’opposition, une attitude qui choquait même son propre entourage. Selon les informations, son successeur n’est pas forcément mieux. Avec ces qualités des diplomates envoyés dans notre pays, rien d’étonnant si l’attitude de l’Allemagne devient confuse et incompréhensible.
 
Les Etats-Unis d’Amérique
 
Les USA sont généralement considérés comme un rempart mondial contre les dictatures. Que ce soit en Amérique latine, en Asie ou en Afrique, il arrive très souvent aux Américains de s’auto-le charger d’aller sauver une population aux prises avec des dictatures. Les USA se présentent dans le monde comme le gendarme de l’humanité, prêt à frapper à tout moment, sans même attendre d’avoir une quelconque autorisation des Nations-Unies ou de qui que ce soit. Plusieurs analystes justifient cette propension par l’histoire des Américains qui, eux-mêmes, ont fait face durant des siècles à des luttes contre de graves questions d’injustice et de ségrégation. A l’issue de ce luttes, un sentiment général de fort attachement aux libertés s’est installé dans la conscience collective américaine.
 
La situation au Togo n’est pas si différente de celle qui prévalait aux USA du temps des luttes contre les ségrégations où les mêmes ont droit à tout et sur tout, et les autres sont des esclaves au service des premiers. Au Togo, même Faure Gnassingbé l’a reconnu, une minorité a accès à tout et le reste de la population doit renier ses propres convictions pour venir s’agenouiller devant la caste des Gnassingbé pour avoir accès au minimum. Les divergences de vues sont presqu’interdites et réprimées sans merci. N’eût été la caporalisation des institutions de la République, et surtout la menace permanente de l’Armée brandie chaque fois comme un épouvantail, la situation au Togo connaîtrait un autre sort bien meilleur. On se rappelle comment le président de la Commission nationale des Droits de l’Homme (CNDH), Kofi Kounté a dû détaler pour se mettre à l’abri, sous la menace des tortionnaires du régime. Ce n’est qu’une illustration du rôle que joue l’armée, elle aussi prise en otage par une minorité, dans le démocratique que vit notre pays.
 
Chose curieuse, c’est pourtant vers cette armée que les USA dirigent une bonne partie de leurs efforts de coopération vis-à-vis du Togo. Autrement, les USA qualifiés de pays de liberté, choisissent de renforcer l’instrument de répression par excellence de la dictature sur les populations togolaises. Les rares fois qu’on entend parler de coopération des USA avec le Togo, c’est a priori avec les Forces armées togolaises (Fat) avec à l’image des officiers américains qui posent aux côtés de tortionnaires avérés ou de personnes à la réputation lugubre, sulfureuse dont la simple évocation du nom donne des frissons au sein de l’opinion. C’est comme des officiers poseraient fièrement par exemple aux côtés des officiers de Saddam Hussein du temps de son vivant, d’un certain Idi Amin Dada ou des terroristes de Boko Haram ou du Daesh. Les populations finissent par se demander si les mêmes Américains dont on parle sur les médias internationaux, présentés comme si viscéralement attachés aux valeurs de liberté qui sont représentés dans notre pays. L’actuel ambassadeur (en fin de mission dans notre pays) a fait partie de ceux qui ont poussé l’opposition à participer aux législatives dernières, promettant que les réformes seraient opérées après des élections, mais avant la présidentielle. Deux ans après, rien. Il s’en va, laissant derrière lui un pays toujours coincé aux mains d’une dictature vieille d’un demi-siècle où l’alternance devient de plus en plus une chimère et où plus de 80 % de la population n’a connu que la même famille au pouvoir. Naturellement, on ne demande pas aux Américains de débarquer au Togo avec des tanks pour chasser le clan au pouvoir. Mais lorsqu’on se présente comme un pays si attaché à la liberté, et qu’on a l’occasion d’avoir une représentation auprès d’un pays comme le Togo où les populations sont opprimées, il y a une certaine attitude qu’on se doit d’adopter, ne serait-ce que par principe. Malheureusement, ce n’est pas le cas des USA chez nous. Martin Luther King et d’autres monuments du militantisme anti injustice que brandissent les Américains comme de dignes ascendants seraient vivants qu’ils auraient adopté une autre attitude que celle que l’on voit.
 
On espère bien que celui qui est annoncé fera mieux que son prédécesseur qui a laissé les Togolais sur leur soif et que ses actes seront en harmonie avec les propos de Barack Obama qui, en juillet 2009, lançait, tout près de nous à Accra, à toute l’Afrique : « Votre prospérité peut accroître la prospérité des États-Unis. Votre santé et votre sécurité peuvent contribuer à la santé et à la sécurité du monde. Et la force de votre démocratie peut contribuer à la progression des droits de l’Homme pour tous les peuples. Je ne considère donc pas les pays et les peuples d’Afrique comme un monde à part; je considère l’Afrique comme une partie fondamentale de notre monde interconnecté, comme un partenaire des États-Unis en faveur de l’avenir que nous souhaitons pour tous nos enfants ».
 
Obama, dans son intervention, à Accra, a fait une caricature qui décrivait trop bien la situation du Togo quand il dit par exemple : « Il ne s’agit pas seulement d’organiser des élections – il faut voir ce qui se passe entre les scrutins. La répression revêt de nombreuses formes et trop de pays, même ceux qui tiennent des élections, sont en proie à des problèmes qui condamnent leur peuple à la pauvreté. Aucun pays ne peut créer de richesse si ses dirigeants exploitent l’économie pour s’enrichir personnellement, ou si des policiers peuvent être achetés par des trafiquants de drogue. Aucune entreprise ne veut investir dans un pays où le gouvernement se taille au départ une part de 20 %, où dans lequel le chef de l’autorité portuaire est corrompu. Personne ne veut vivre dans une société où la règle de droit cède la place à la loi du plus fort et à la corruption. Ce n’est pas de la démocratie, c’est de la tyrannie, même si de temps en temps on y sème une élection ça et là, et il est temps que ce style de gouvernement disparaisse ». Sans oublier la phrase devenue célèbre du président du plus puissant pays au monde : « L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais d’institutions fortes». Au Togo, la diplomatie américaine semble s’accommoder à la tête du pays d’un homme fort (ou Faure, c’est selon) au lieu d’institutions fortes. Au Togo malheureusement, les USA n’ont que faire de la démocratie des libertés individuelles et collectives, encore moins de la transparence. Seul l’agenda sécuritaire les préoccupe. Patricia Hawkins en a fait la démonstration avant son départ, Robert Whitehead en fin de mission a également oeuvré dans ce sens. Dans leur retraite paisible, ils seront fiers d’avoir renforcé une dictature familiale de 50 ans au Togo. Comme quoi, avec les Américains, le « Yes we can » de Barack Obama peut toujours prendre un autre sens.
 
Les Nations Unies
 
Au fil des générations, le peu de crédibilité que certains lui ont toujours accordée
s’érode progressivement. Et la principale accusation qu’on lui poste est liée au fait qu’elle assiste impuissante aux supplices des peuples et attend souvent que les situations deviennent irrécupérables pour tenter de jouer au médecin après la mort. Au Rwanda et ailleurs, les Nations Unies se sont rendues coupables de laxisme, laissant commettre l’un des pires génocides du 20e siècle. L’opération « Turquoise » et le livre du général canadien Romeo Dallaire « J’ai serré la main du diable » en sont de véritables illustrations. Non seulement l’institution est devenue une grosse machine qui dévore à la seconde des milliards d’euros, mais aussi ceux qui portent son étendard sont de moins en moins crédibles. C’est le cas du pseudo diplomate ghanéen Ibn Chambas qui est devenu un avocat du régime togolais ou du Prince et qui va jusqu’à demander à Jean-Pierre Fabre de laisser un 3e mandat à Faure Gnassingbé, pour rebondir cinq ans plus tard vu que son âge le lui permettrait encore.
 
Ce monsieur était déjà cité parmi les diplomates qui ont oeuvré à sécuriser en 2005 le pouvoir de Faure Gnassingbé alors que tout le monde savait que l’élection était des plus frauduleuses au monde. Entretemps, Faure Gnassingbé a fait deux mandats de cinq ans au pouvoir (ce qui fait dix ans au total), sans jamais respecter les termes de l’accord qui a légitimé son pouvoir. Et pour le pseudo diplomate onusien, cela ne suffit pas au fils d’Eyadema qui, lui, a dirigé le pays (38 ans durant) jusqu’à sa mort. Se considèrant certainement face à des moutons qui ne méritent pas l’alternance que connaît régulièrement son propre pays le Ghana, il ose proposer qu’on offre un nième mandat au clan qui totalise un demi-siècle de règne à la tête du pays. Si ce sont des sulfureux individus comme Ibn Chambas qui sont les hauts fonctionnaires des Nations-Unies, on a du mal à croire au sérieux de l’institution mondiale et on comprend aisément qu’elle ait pu passer à côté de la plaque dans le cas de certaines crises. En 2005, après avoir vu commettre les massacres de 2005, l’ONU était venue compter les morts, comme à son habitude, et en a trouvé 500. Dix ans sont passés, les mêmes sont aux affaires (les victimes n’ont jamais bénéficié d’une justice) et le commerçant diplomate désigné comme « représentant spécial du Secrétaire Général des Nations-Unies » dit de les laisser continuer au pouvoir. En 2010, les braqueurs d’élections au Togo se sont permis de couper le système VSAT installé par le PNUD et destiné à la centralisation des résultants. Les Nations Unies se sont contentées d’une dénonciation du bout des lèvres et se sont accommodées par la suite.
 
Ce n’est pas parce que le régime de Lomé très rusé envoie quelques militaires togolais dans les missions des Nations Unies, que New York doit continuer par fermer les yeux sur les dérives autoritaires qui perdurent dans ce pays depuis 50 ans. S’il y a un message à adresser aux Nations Unies c’est qu’à force de laisser les frustrations s’accumuler et de choisir le camp de l’oppresseur, elles risqueraient bien un jour de devoir créer une « mission des Nations Unies pour le Togo », MONUSTO. On voit bien que la mission de maintien de la paix passionne particulièrement dans les couloirs de New York. Mais il est encore temps, « chers grands messieurs » de se ressaisir.
 
Tout compte fait, en privilégiant le soutien à la dictature cinquantenaire des Gnassingbé contre les aspirations du peuple togolais au nom de la « real politik » basées sur les intérêts géostratégiques, la diplomatie européenne et américaine est en train de faire fausse route. On a encore en mémoire l’attitude de la France, par le biais de son ministre de l’Intérieur d’alors Michelle Alliot-Marie qui proposait l’expertise de son pays à la Tunisie pendant que le dictateur Ben Ali était sous la menace d’une révolution. La suite est connue de tous. On a assisté à la complaisance de la soi-disant communauté internationale vis-àvis de Blaise Compaoré qui se faisait élire frauduleusement à des scores soviétiques. Là aussi, nous avons tous assisté à la fin du film qui a contraint les mêmes Occidentaux à courir derrière les acteurs de ce pays naguère qualifiés de non crédibles. Les Occidentaux peuvent allègrement continuer par le biais de leurs mandataires, à soutenir le régime despotique et dynastique de Lomé. Ils peuvent, au nom de leurs intérêts et de leurs postes, continuer à filer du mauvais coton; mais les peuples en lutte savent toujours prendre au moment venu le dessus sur les oppresseurs. Et ce jour-là, le souverain peuple togolais aura un regard particulier sur les fameux intérêts de ceux qui, pendant longtemps, ont apporté leur soutien à la dictature qui fait tant de mal à ce pays, sa population et surtout sa jeunesse, car les Togolais aspirent aussi à vivre dans un pays de liberté, d’égalité, de fraternité, de justice comme la France, l’Allemagne, partout ailleurs en Europe et aux USA. Seulement avec le nouveau braquage électoral du 28 avril dernier, nous nous posons la question de savoir si les élections sont encore un mode de dévolution du pouvoir sous le règne des Gnassingbé?
 
Ferdinand AYITE
L’ALTERNATIVE – N°424 du 19 Mai 2015
 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Welcome Back!

Login to your account below

Retrieve your password

Please enter your username or email address to reset your password.