Libération du Joug de la Dictature : Les Nouveaux Paradigmes de la Lutte pour l’Alternance au Togo



Le peuple togolais semble au tournant de son combat pour l’avènement de l’alternance démocratique au Togo, débuté depuis des décennies, mais qui a du mal à être concluant. Mercredi et jeudi, les populations vont encore déferler dans les rues sur toute l’étendue du territoire, à travers des manifestations annoncées grandioses et conçues comme l’apothéose de la lutte, pour dire au régime RPT/UNIR et à Faure Gnassingbé : « 50 ans, ça suffit ! ».
Les manifestants dans les rues de Lomé, à l’appel de l’opposition, le 6 septembre 2017 | Photo : DR / FB
 
Même si ce n’est que le début d’un processus, et malgré les déceptions du passé, un optimisme ostentatoire anime bien de leaders et de citoyens quant à son succès. Cela tient sans doute aux nouveaux paradigmes de la lutte pour l’avènement de la démocratie et surtout de l’alternance tant espérée. Passage en revue de ces nouveaux paramètres du combat démocratique.
 
Duo Atchadam-Fabre. Des alliances entre leaders ou partis, dans la longue lutte pour l’avènement de l’alternance au Togo, il y en a eu à foison. Mais toutes se sont soldées par des échecs pour des raisons diverses, au grand désarroi du peuple togolais. Mais depuis l’émergence de Tikpi Atchadam et de sa formation, le Parti national panafricain (PNP), le rapprochement Atchadam-Fabre était rêvé par les Togolais assoiffés d’alternance. Aujourd’hui, c’est une réalité. Si le pouvoir en avait la possibilité, il n’aurait jamais laissé ce couple se former, car ce sera à ses dépens. D’ailleurs il a tenté beaucoup de choses. D’abord en essayant de salir Tikpi Atchadam, présenté dans des articles signalés versés dans la masse comme un terroriste, et son parti comme une organisation extrémiste. Ensuite en semant la zizanie entre le leader du PNP et le chef de file de l’opposition, Jean-Pierre Fabre, juste pour entraver leur union. Mais c’est peine perdue. Faure Gnassingbé, par son opacité aux aspirations du peuple, aura réussi à rapprocher les deux mastodontes de l’opposition, ainsi que leurs partis respectifs. Le reste n’a été que simple formalité, et aujourd’hui c’est toute la crème de l’opposition qui s’est unie autour de ce noyau. Et si entre-temps les ego et autres querelles de clochers ne prennent pas le dessus, ce duo risque de faire mal au pouvoir en place.
 
Osmose entre l’opposition et le peuple. Voici un demi-siècle que le Togo est sous le joug des Gnassingbé et court derrière l’alternance. Dans les années 90, il y a eu une révolte populaire, incarnée par des partis et leaders de l’opposition et suivie par les populations. Entre-temps la lassitude devant l’inefficacité de la lutte, les trahisons des leaders de l’opposition, le recours à la force brute, etc. ont entrainé une démotivation générale au sein du peuple togolais qui ne répondait que timidement aux appels de l’opposition pour la défense des causes légitimes. La dernière illustration était la faible mobilisation lors de la marche organisée par le CAP 2015 en mars dernier suite à la hausse scélérate des prix des produits pétroliers le 28 février 2017. Mais tout cela n’est qu’un lointain souvenir. Les Togolais ont pris conscience des enjeux et aujourd’hui, c’est l’osmose parfaite entre l’opposition et le peuple, et les populations sont engagées à répondre à ses appels pour sauver la patrie. L’avant-goût a été donné le 19 août dernier, avec la marche réussie du PNP qui a eu ses effets jusqu’au-delà des frontières. La suite sera sans doute les manifestations de demain et de jeudi annoncées pour être la consécration du long combat politique engagé par le peuple togolais depuis des décennies. Visiblement, plus rien ne sera comme avant.
 
L’alternance, « adviendra que pourra ». Retour à la Constitution de 1992, vote de la diaspora, révision du cadre électoral, ce sont là les deux exigences phares de l’opposition. A celles-ci, viennent se greffer d’autres relatives à la dénonciation de la répression sauvage des manifestations du 19 août dernier, à la libération des personnes arrêtées, à l’ouverture d’une enquête indépendante, à la traduction en justice des auteurs, etc. Mais, personne n’est dupe, encore moins le pouvoir, ces motivations ne sont juste qu’un paravent. Ce qui est réclamé, c’est le départ de Faure Gnassingbé, c’est l’alternance au pouvoir. Et personne ne saurait blâmer le peuple togolais de trop demander, lui qui a supporté une seule famille depuis 50 ans et a vu des pays voisins connaitre plusieurs alternances au pouvoir. Et dans cette lutte, les Togolais sont prêts à transcender la violence traditionnelle du régime en place et faire tous les sacrifices, même le suprême. Ce paramètre relevé au cours d’une récente intervention par Dodji Apevon des Forces démocratiques pour la République (FDR) à un « p’t » zélateur de Faure Gnassingbé a mis son interlocuteur en boule.
 
Une lutte nationale qui transcende les clivages. Jusqu’à présent, la lutte pour la libération du Togo ne semblait concerner qu’une partie du territoire. Ce sont les populations du Sud qui étaient fichées comme opposées au régime RPT/UNIR, et celles du Nord peintes comme favorables à la minorité pilleuse. Les actions de contestation étaient pour la plupart circonscrites dans des villes du Sud, ou carrément à Lomé et aux quartiers Bè, Nyékonakpoè, Kodjoviakopé, entre autres, qui souffraient le martyre de la répression. Mais les paramètres de la lutte ont changé aujourd’hui. Elle est devenue nationale et emballe toutes les populations du Sud au Nord. La preuve, c’est sur toute l’étendue du territoire que se dérouleront les manifestations des 6 et 7 septembre, notamment dans les chefs-lieux de toutes les préfectures. La vieille rengaine selon laquelle ce sont les « gens du Sud » qui veulent éjecter ceux du Nord du pouvoir et prendre leur place, et ensuite chasser leurs ressortissants des terres cultivables qu’ils occupent dans les régions Sud, est battue en brèche par la dynamique Tikpi Atchadam. Les Tems que l’histoire nous a appris formant le même groupe ethnique que les Kabyès, veulent l’alternance au sommet de l’Etat. Toutes les populations ont compris que c’est un lavage de cerveaux qui leur était fait par le régime afin de les embrigader dans l’inaction. Au-delà des appartenances ethniques, ce sont tous les Togolais, sans aucune distinction, qui veulent le départ du système RPT/UNIR incarné par un homme : Faure Essozimna Gnassingbé !
 
Implication active de la diaspora. Tout comme le peuple togolais à un moment donné, la diaspora togolaise a été amorphe. Elle est même taxée, à tort ou à raison, d’être la plus indolente de toutes les diasporas du monde, longtemps restée indifférente à la situation de sa terre natale. La plupart des compatriotes vivant à l’extérieur, s’il leur arrive de parler de la crise au Togo, c’est de s’en prendre aux leaders de l’opposition qui, à leur corps défendant, essaient de maintenir le flambeau de la lutte. D’aucuns disent même qu’ils assurent juste la maintenance. Mais aujourd’hui, s’il y a un reproche (sic) à faire aux Togolais de la diaspora, c’est d’être omniprésent dans la lutte depuis plusieurs semaines. Les manifestations publiques se multiplient dans des villes occidentales et ont l’effet d’interpeller les dirigeants de ces pays sur la situation du Togo. La dernière annoncée, c’est une manifestation devant le siège de la Cour pénale internationale (CPI) à la Haye où venait d’être assigné le ministre de la Sécurité et de la Protection civile, le Col Yark Damehame. S’il y a une note à donner à cette diaspora, elle devrait être un 10/10…
 
Tino Kossi
 
Source : Liberté
 

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