Togo : A Vo-Asso Djogbédji  » L’EAU, C’EST LA MORT « 


Le manque d’eau potable dont souffrent la plupart des localités du Togo, est plus épineux et préoccupant par endroits. Vo-Asso Djogbédji est l’un des villages où les ménages se décarcassent avant d’obtenir ce liquide vital.
 
Au Togo, dans le petit village de Vo-Asso Djogbédji dans le préfecture de Vo au sud du pays, voici l’eau que les habitants sont obligés de boire. Le reste est sans commentaire…| Crédit Photo : Liberté
Au Togo, dans le petit village de Vo-Asso Djogbédji dans le préfecture de Vo au sud du pays, voici l’eau que les habitants sont obligés de boire. Le reste est sans commentaire…| Crédit Photo : Liberté


Situé à une soixantaine de kilomètres au nord-est de Lomé, ce petit village de la préfecture de Vo qui compte environ 500 habitants, vit depuis des décennies un drame humain sans précédent dû à la quasi-absence d’eau dans cette localité. Une visite dans la localité a permis de découvrir un village aux verdures charmantes à première vue, mais dont les habitants meurent à petit feu car la seule source d’approvisionnement en eau reste la pluie.
L’eau de Vo Asso, pas vraiment incolore
 
Dès la classe de CE1 (cours élémentaire 1ère année), les instituteurs apprennent aux élèves que l’eau est un liquide incolore, inodore et sans saveur. Mais pour les enfants de Vo-Asso Djogbédji, cette leçon est probablement erronée, car depuis leur naissance, l’eau utilisée dans le village a toujours une couleur. Noire, jaune ou rougeâtre, elle prend la couleur de l’endroit où elle a été recueillie. Ce constat a été effectué juste à notre arrivée dans le village puisque l’eau qui nous a été servie est simplement imbuvable. « C’est tout ce qu’on a comme eau dans le village et c’est ce qu’on sert même à tous nos invités. On nous dit souvent que l’eau c’est la vie. Mais ici à Vo-Asso Djogbédji, l’eau c’est la mort », lance notre hôte.
 
Servie dans un gobelet en aluminium, l’eau laisse transparaître des résidus et quelques vers de terre visibles à l’œil nu. Mais ce n’est que la face visible du désastre humain que vit cette petite agglomération du canton de Dagbati. « Dans notre village, et depuis que nous sommes nés, nous n’avons jamais bu d’eau potable, et seul Dieu nous sauve ici », affirme un cultivateur, la quarantaine qui s apprêtait à se rendre au champ.
Le ciel, le seul sauveur
 
Pour trouver de l’eau acceptable dans le village de Vo-Asso, il faut attendre la saison des pluies afin recueillir de l’eau tombée du ciel. A part l’eau de pluie, il existe juste un puits qui n’en est un que de nom. Construit à l’époque coloniale, ce puits est dans un état de décrépitude avancé, jonché de moisissures et ne sert pratiquement à rien. Il est aussi approvisionné par l’eau de pluie par le biais d’un trou qui fait la liaison entre ce dernier et le sol et qui laisse entrer l’eau de ruissellement. Profond d’une trentaine de mètres, ce puits d’une vétusté remarquable tarit la plupart du temps. Les braves femmes de ce village passent toute la journée autour de ce fameux puits afin de pouvoir se ravitailler en eau. Malheureusement, la plupart du temps, elle est boueuse et impropre à la consommation.
 
L’eau du puits, c’est presque la boue. Quelques femmes rencontrées en plein midi, certaines faisant même le pied de grue pour avoir quelques litres de « boue », n’ont pas hésité à manifester leur désarroi face à cette situation lamentable.
 
« C’est de la boue que nous buvons depuis des temps à Vo-Asso. Ce puits n’a jamais contenu d’eau à proprement parler, et il faut passer des heures ici avec une débauche d’énergie afin de recueillir au moins une bassine d’eau pour le ménage », darde dame Adoukoe, une quinquagénaire visiblement épuisée par cette corvée qui ne dit pas son nom.
 
Il arrive malheureusement que le puits soit totalement sec pendant la saison sèche. Pour pouvoir trouver de l’eau de survie, les villageois ont eu l’ingénieuse idée de creuser des trous. Une vingtaine environ dans une brousse à proximité du village. Et pendant que certaines femmes tentent l’impossible pour avoir quelques gouttes d’eau au puits, d’autres convergent vers la brousse pour voir si l’eau a fait son apparition dans quelques trous. Des trous à ciel ouvert, ils sont en majorité constitués de boue sur laquelle flotte une quantité insignifiante d’eau. Une des femmes rencontrée sur place nous fait savoir qu’elles passent parfois des nuits blanches dans cette brousse pour pouvoir être la première à recueillir l’eau tôt dans la matinée afin de permettre à leur famille de pouvoir en disposer pour la journée.
Parfois cette eau même boueuse n’est pas disponible dans le village. La population est alors obligée d’aller dans des villages environnants situés à des dizaines de kilomètres à l’instar de Dagbati, Vo Ativé ou même Akoumapé pour pouvoir s’approvisionner en eau. Aussi les trous creusés dans les carrières de phosphate et où s’abreuvent les bœufs, servent-ils de sources d’eau pour les villageois. Et pour ceux qui ont un peu de moyens, ils arrivent à commander de l’eau de pompe depuis Vogan ou Akoumapé, et à un prix d’or qui varie parfois de 200 FCFA à 300 FCFA le bidon de 25 litres, selon la distance parcourue. Ce luxe n’est pas permis à tout le monde.
Un désastre humain et sanitaire
 
L’eau recueillie dans le village ne subit aucun traitement avant sa consommation. Telle que puisée à la source, elle est directement prête à usage. Déjà même au puits, on voit certains boire l’eau sans qu’elle ne soit filtrée. Les villageois ne disposent d’aucun moyen pour rendre partiellement potable cette eau. Avec cette eau se font la cuisine, la lessive et d’autres tâches ménagères. C’est rarement que certains ménages y mettent quelques quantités de sulfate d’aluminium pour la désinfecter. Femmes, enfants, vieux ou jeunes, eux tous boivent cette eau qui est la principale source de leurs ennuis de santé.
Au Togo, dans le petit village de Vo-Asso Djogbédji dans le préfecture de Vo au sud du pays, le manque d’eau force les habitants à boire l’eau boueuse ci-dessus. Le reste est sans commentaire…| Crédit Photo : Liberté
Au Togo, dans le petit village de Vo-Asso Djogbédji dans le préfecture de Vo au sud du pays, le manque d’eau force les habitants à boire l’eau boueuse ci-dessus. Le reste est sans commentaire…| Crédit Photo : Liberté

 
Contraints de boire une eau vraiment impropre à la consommation, les villageois n’ont d’autre choix que de s’en remettre à Dieu. Outre le manque d’infrastructures éducatives, de pistes de production, l’inexistence de poste de santé constitue également un problème majeur pour cette communauté rurale. Les enfants sont obligés, faute d’eau, d’aller parfois à l’école sans se doucher. Le seul centre de santé qui est proche du village de Vo-Asso se trouve à Dagbati à une dizaine de kilomètres.
 
Selon l’infirmier en poste à l’USP Dagbati, M. Kpodo Komlan, « les maladies les plus fréquentes sont la dysenterie, la diarrhée, les parasitoses et la pneumopathie ». Il a également souligné que ces pathologies d’origine hydrique sont en augmentation depuis 2010 où il est en poste. Ces maladies sont causées pour la plupart par la mauvaise qualité de l’eau. Il arrive parfois à être confronté à certains cas assez graves qui nécessitent même des perfusions voire des hospitalisations pour des jours. Certains succombent malheureusement à ces maux. Par exemple en 2014, il y a eu 101 cas de parasitose et on enregistre déjà 51 cas pour cette seule année de 2016. Et pour lui, les enfants sont les plus exposés et vulnérables face à cette situation dramatique. On estime que la grande majorité des décès d’enfants de moins de cinq ans régulièrement enregistrés dans le village et relatifs aux maladies diarrhéiques sont liés à l’eau, l’assainissement et l’hygiène.
 
Le plus triste est que le centre de santé de Dagbati ne dispose guère d’eau potable. Il utilise également une eau qui laisse à désirer. « Un centre de santé a besoin en permanence d’eau potable, mais malheureusement l’eau se fait rare et nous n’en trouvons même pas actuellement pour nous laver les mains », explique-t-il.
Vo-Asso Djogbédji, un village abandonné
 
Situé dans une zone minière où le phosphate est exploité à ciel ouvert, le village est abandonné. Sa population sinistrée ne bénéficie d’aucune aide ni des autorités politiques, ni de ceux de la Société nouvelle des phosphates du Togo (SNPT). En dehors de l’école primaire et secondaire, ce village ne dispose pas d’autres infrastructures comme des latrines publiques. Les enfants sont obligés de faire leurs besoins un peu partout alors que le village vit en grande partie des eaux de ruissellement. Le problème d’eau aurait pu être résorbé si « le projet d’approvisionnement en eau potable et assainissement en milieu rural et semi-urbain dans les régions maritime et savanes » qui a permis la construction d’une station pompe, a été bien conduit. Rappelons que de cette station pompe, l’eau potable n’est jamais sortie. Cette fontaine offerte par le peuple japonais à travers ce projet n’a été qu’une farce, s’emporte un homme. Bien que le chef du village ait, plusieurs fois, écrit aux autorités publiques pour qu’elles planchent sur le problème de manque d’eau potable dont souffre sa localité, il n’a jamais reçu de suite favorable. Ce sentiment d’abandon crée un désespoir chez certains.
 
Âgée d’une quarantaine d’années et mère de six enfants, Mme Trompéssi est une veuve qui jure la main sur le cœur qu’elle ne peut plus supporter ce calvaire. Non seulement elle n’a pas de quoi nourrir ses nombreux marmots, mais aussi son âge ne lui permet plus de passer toute la journée autour du puits à chercher le précieux sésame : « Sans cette eau, nous ne pouvons ni faire la cuisine ni laver la vaisselle. La seule chose que nous demandons aux autorités, c’est de nous aider à disposer d’une eau potable abondante pour survivre et faire face aux nombreux problèmes de santé publique ».
 
Pour un village qui attache tant d’importance à l’agriculture, le manque d’eau est la hantise de la population. L’urgence est d’abord de mettre en place un programme de construction d’un château d’eau capable de desservir l’ensemble du village afin de palier définitivement ce problème d’accès à l’eau potable. Des experts doivent être déployés pour voir si la nappe phréatique est capable de fournir une eau de qualité à cette population. Il est souhaitable de rapprocher du village un poste de santé pour que les habitants ne parcourent plus des kilomètres avant de se faire soigner. Les populations lancent également un cri de détresse à l’endroit des ONG.
 
Mais pour une réussite des projets, il va falloir un travail de prospection et d’étude de terrain afin d’éviter les erreurs du passé. En plus, il est important de demander des comptes à ceux qui ont eu à piloter le projet d’approvisionnement en eau potable et assainissement en milieu rural et semi-urbain financé par le Japon.
 
Source : [23/05/2016] Shalom Ametokpo, Liberté Nº 2198 / 27avril.com
 




 

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