Togo, Alternance : « Fais les réformes et dégages », ènième message de François Hollande à Faure, via Ouattara et Compaoré


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Alors que l’actualité sociopolitique était assez surchauffée au Togo et méritait une attention sérieuse des gouvernants, Faure Gnassingbé a cru devoir s’envoler en début de semaine pour une visite surprise de 24 heures en Côte d’Ivoire. Officiellement, il s’est agi d’une visite d’amitié et de travail. Mais si l’on en croit les indiscrétions qui nous parviennent des milieux diplomatiques et d’autres sources renseignées, le Prince qui est dans la disposition d’esprit de s’offrir un 3e mandat au pouvoir, advienne que pourra, était à Abidjan pour recevoir un message à lui destiné par Paris sur la présidentielle à venir au Togo.
 
Officiellement, une visite d’amitié et de travail
 
C’est la formule consacrée souvent utilisée pour apprécier les déplacements présidentiels, et c’est elle qui a été avancée pour justifier ce voyage de Faure Gnassingbé en Côte d’Ivoire. Au menu des échanges, rapporte-t-on, les questions d’intérêts communs sur les plans politique et économique. Et comme pour attester tout cela, il a été signé trois accords de coopération entre le Togo et la Côte d’Ivoire, par les sceaux de leurs ministres des Affaires étrangères respectifs, Robert Dussey et Charles Koffi Diby. Le premier porterait sur la création d’une Commission mixte, le second serait un Mémorandum d’entente relatif aux consultations politiques régulières entre les deux pays et le troisième prévoit la création d’un Comite conjoint de suivi et d’évaluation des décisions et recommandations de la Commission mixte de coopération.
 
Il a été aussi question de la situation politico-sécuritaire dans certains pays du continent et d’Ebola. « Evoquant la situation actuelle de la sous-région, le Président de la République togolaise qui s’est dit préoccupé par les attaques terroristes de Boko Haram, a exprimé toute sa solidarité envers les pays engagés dans la lutte contre cette secte. Pour lui, il est urgent de prendre des mesures idoines pour juguler cette crise et favoriser le retour de la quiétude aux frontières de nos pays, à travers notamment la consolidation de la croissance en cours et l’accélération du processus d’intégration qui est également un facteur de développement », nous renseigne le communiqué de presse conjoint scellant la visite, qui ajoute, s’agissant de la maladie à virus Ebola qui sévit en Guinée, au Liberia et en Sierra Leone, que l’hôte togolais « a exprimé sa compassion et celle du Président Alassane Ouattara à toutes les victimes, avant de saluer les efforts des Chefs d’Etats des trois pays affectés ». « Des efforts qui nous permettent, a-t-il souligné, d’avoir une lueur d’espoir avec la régression de cette épidémie ».
 
Faure est allé s’enquérir d’un message de Paris sur le scrutin
 
Même s’ils semblent aphones et laisser Faure Gnassingbé foncer dans ses desseins obscurs, l’imminence de l’élection présidentielle au pas de charge avec les risques de conséquences fâcheuses ne laisserait pas indifférents certains décideurs du monde. Loin de l’indifférence apparente, Paris serait préoccupé par ce scrutin et userait des réseaux diplomatiques et autres canaux, loin des regards indiscrets, pour faire entendre raison à Faure Gnassingbé et éviter un chaos de plus au Togo.
 
Selon les indiscrétions, François Hollande lui aurait justement adressé un message sur cette élection par l’intermédiaire d’Alassane Ouattara, et c’est de ce message qu’il est allé s’enquérir à Abidjan. « Il lui est demandé d’opérer les réformes et de quitter élégamment le pouvoir. Le messager c’est Alassane Ouattara, mais il y a aussi Blaise Compaoré qui vit en exil en Côte d’Ivoire et a été associé à cette démarche. Il représente toute une symbolique et est bien placé pour conseiller Faure », nous confie-t-on.
 
Ce ne serait d’ailleurs que la nième démarche dans ce sens du pouvoir français. A en croire les sources, le Quai d’Orsay a envoyé plusieurs courriers au pouvoir de Lomé pour l’appeler à mettre en œuvre les réformes, et Faure Gnassingbé à « tirer les bonnes leçons et entrer dans l’histoire de son pays ». La même exhortation lui aurait été adressée par le biais du président nigérien, Mahamadou Issoufou en visite il y a quelque temps au Togo.
 
Au demeurant, la visite de travail et d’amitié alléguée n’était qu’un paravent pour camoufler les réelles motivations de cette fugue (sic). Les observateurs avisés ont d’ailleurs suspecté ce déplacement inopiné de Faure Gnassingbé et fait très tôt le lien avec la présidentielle dans notre pays. Pour beaucoup, il était allé chercher un hypothétique soutien auprès d’Alassane Ouattara devenu le pion majeur du réseau Françafrique en Afrique de l’Ouest après la chute de Blaise Compaoré.
 
Faure va-t-il enfin entendre raison ?
 
C’est la grande question qu’il urge désormais de se poser. Car cette intervention n’est que la énième manifestation de l’impopularité des envies de Faure Gnassingbé et de son lâchage par ses soutiens traditionnels au sein de la communauté internationale. Sur cette problématique des réformes et de la présidentielle à venir qui fait couler de l’encre et de la salive au Togo, ce ne sont pas les pressions et interpellations qui ont manqué. Opposition, société civile, églises, personnes ressources et diplomates occidentaux accrédités dans notre pays auront tout essayé, mais Faure Gnassingbé est resté impassible. Son refus de mettre en œuvre avant le scrutin les réformes recommandées par l’Accord politique global (Apg) et la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (Cvjr) de Mgr Nicodème Barrigah est manifeste. La création de la fameuse Commission de réflexion sur ces réformes en est la preuve ultime.
 
D’habitude diplomatiques dans leur approche des questions sensibles, les leaders du monde civilisé abordent désormais, depuis la chute de Blaise Compaoré au Burkina Faso, la problématique de l’alternance en Afrique sans gants. Quelque temps avant même ces événements malheureux, François Hollande a appelé l’ancien président burkinabé à la raison et lui a même proposé de l’aider à se refaire une place dans les instances internationales s’il se retirait du pouvoir au terme de son second mandat.
 
Après une interview à des médias français dans laquelle il a abordé la question de l’alternance en Afrique, il a réitéré sa position à l’occasion du sommet de la Francophonie à Dakar le 29 novembre 2014. Le président français, tout en relevant que « le peuple burkinabé a fait une belle démonstration », a appelé les dirigeants africains « au respect des ordres constitutionnels et des aspirations des peuples ». « Là où les règles constitutionnelles sont malmenées (…), là où l’alternance est empêchée, j’affirme, ici, que les citoyens de ces pays sauront toujours trouver un soutien dans l’espace francophone », a-t-il déclaré.
 
Le 30 janvier 2015 lors du sommet de l’Union africaine, c’est le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-Moon qui y était allé de sa touche, exhortant les présidents africains à « ne pas s’accrocher au pouvoir » de quelle manière que ce soit. « Les échappatoires que l’on retrouve dans certaines législations ne doivent pas être utilisés pour s’accrocher », a-t-il relevé, pour couper l’herbe sous les pieds de ceux qui prétexteraient des Constitutions taillées sur mesure pour rempiler.
 
Ces leaders du monde civilisé, à défaut de doigter des dirigeants, s’adressaient à tous les chefs d’Etat du continent obsédés par le pouvoir. Certains finissent par entendre raison. Les exemples de Boni Yayi du Bénin et de Joseph Kabila de la République démocratique du Congo (Rdc). Faure Gnassingbé sera-t-il le prochain ? Ou va-t-il vouloir tenir les câbles ? C’est le wait and see.
 
Source : [20/02/2015] Tino Kossi, Liberté N°1888 / 27avril.com
 
Caricature : Liberte-Togo
 

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