Tragicomédie de 2015 : Le président de la CVJR Mgr Nicodème Barrigah aux abonnés absents !


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Moments de simple compétition et de joie sous d’autres cieux, les élections se conjuguent sur la Terre de nos aïeux avec coulées d’adrénaline, hold-up, violences, mort d’homme et crise.
 
La présidentielle de l’année prochaine ne présage rien de bon, au vu des conditions de sa préparation. C’est une tragicomédie annonciatrice d’un drame qui se joue. En toute indifférence de la communauté internationale, mais surtout des personnes ressources du Togo dont l’une nous tient ici à cœur : Mgr Nicodème Barrigah-Bénissan, le président de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation.
 
Le Togo va tout droit dans le mur
 
L’appréciation n’est pas exagérée, pour qui est conscient de la situation ; et c’est même un euphémisme. Il faut le dire, l’élection de 2015 ne présage rien de bon. C’est un hold-up que le pouvoir Faure Gnassingbé s’emploie à préparer, en verrouillant le processus. Règles du jeu taillées par le régime tout seul, kits électoraux reconditionnés dans des circuits obscurs, caporalisation de la Commission électorale nationale dite indépendante (Céni) et de la Cour constitutionnelle…telle est la température de la préparation du scrutin visant à faciliter la victoire au Prince qui veut bien rempiler. Et tout cela va de pair avec la force.
 
C’est une tradition au Togo, les corps habillés sont toujours instrumentalisés par le pouvoir de Père en Fils et embarqués dans l’aventure électorale pour imposer les desiderata du clan ; et leur intervention est toujours funeste. L’illustration la plus vivace encore dans les mémoires est sans doute la présidentielle d’avril 2005. Et pour le scrutin à enjeu majeur de l’année prochaine où se joue l’alternance devant se conjuguer avec la perte du pouvoir de la famille Gnassingbé, le même appel du pied est fait à l’armée. De façon malhabile et sous le prétexte d’une certaine refondation de l’armée pour, raconte-t-on, répondre au défi du terrorisme, de la piraterie maritime et consorts, on procède à une militarisation et à un quadrillage du territoire dans la perspective de 2015. « Ainsi, les interventions pour la répression seront facilitées. On n’aura plus besoin d’appeler par exemple des troupes en renfort depuis Kara ou Lomé pour mater la contestation à Atakpamé », a jeté laconiquement un concitoyen.
 
Parallèlement, de grandes manœuvres directement en lien avec l’élection sont entreprises à la tête des différents corps de l’armée pour placer les inconditionnels du Prince. Le cas le plus illustratif est sans doute celui de Yotroféi Massina, un tortionnaire assermenté parachuté à la tête de la Gendarmerie nationale, un corps souvent requis pour assurer la sécurité (sic) lors des périodes électorales. Cette décision de Faure Gnassingbé a été logiquement fustigée par les organisations de défense des droits de l’Homme qui ont exigé son annulation. Mais des voix et non des moindres ont cru devoir apporter leur soutien à cet homme adepte de la méthode forte et de la torture, cité par ses victimes et dans le rapport de la Commission nationale des droits de l’Homme (Cndh). On fait allusion ici à l’inénarrable ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales, Gilbert Bawara et au conglomérat des associations de soutien à Faure Gnassingbé qui, eux, voient un monsieur propre, un enfant de chœur incapable de tuer même une mouche. Des propos qui n’auront l’effet que de le doper. Même la Force sécurité élection présidentielle de 2015, la Fosep est placée sous le ministère de la Défense – même si les officiels parlent de lapsus.
 
Frustrations du côté de l’opposition et du peuple assoiffé d’alternance, détermination du clan Rpt/Unir à garder le pouvoir et préparation de la répression…Ce tableau n’est pas loin des conditions qui ont précédé les violences meurtrières de 2005 et leurs lots de conséquences. Un simple euphémisme car les circonstances sont pratiquement les mêmes. Il n’en faut pas plus pour se rendre à l’évidence que la paix et la sécurité sont menacées en 2015 et le Togo court le risque de la récidive…
 
Où est diantre le président de la CVJR?
 
Que l’équivoque soit levée tout de suite, Mgr Nicodème Barrigah n’a rien à avoir avec la préparation calamiteuse du scrutin. Mais le volet paix et sécurité le concerne à plus d’un titre, en tant que président de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation. La finalité de la mission à lui confiée en 2009, c’est la paix et la réconciliation des fils et filles du Togo, après qu’ils se seront pardonné les torts du passé. Tout cela donnerait lieu à un Togo paisible et mieux vivable pour tout le monde. C’est d’ailleurs l’espoir de bâtir une telle Nation qui l’avait décidé à répondre à l’appel à lui lancé et accepter cette lourde mission.
 
Au terme des travaux, il a remis le 3 avril 2012 un rapport à Faure Gnassingbé et fait une pile de recommandations touchant bien de domaines de la vie politique togolaise et dont la mise en œuvre apaiserait le climat sociopolitique. Pour des élections transparentes et paisibles au Togo, une bonne dizaine de recommandations avaient été formulées sur la nécessité de la mise en œuvre des réformes constitutionnelles et institutionnelles formulées par l’Accord politique global (Apg) du 20 août 2006. Mais son mandant n’a pas cru devoir les mettre en œuvre. Mieux, on a assisté à une mauvaise blague, avec le rejet le 30 juin dernier du projet de réformes soumis par le gouvernement. Bien plus, il compte rempiler en 2015 après deux mandats passés au pouvoir. Faisant ainsi courir un grand risque au peuple tout entier.
 
Mgr Barrigah, c’est celui qui est souvent appelé au secours par le régime lorsqu’il se retrouve dans le pétrin. En amont des législatives du 25 juillet 2013, il a accepté jouer ce rôle de caution morale. Le pouvoir s’en est sorti haut les mains ; mais a oublié ses promesses de mettre en œuvre les réformes après le scrutin.
 
Le prélat s’est toujours mis dans la peau de magicien de la paix au Togo, quelles qu’en soient les conditions ; et cela lui a valu des lauriers de la France. Cette paix et la réconciliation tant recherchées sont compromises justement par la boulimie du pouvoir de son propre mandant qui est décidé à s’éterniser au pouvoir. C’est aussi l’alternance recommandée en démocratie qui est remise en cause. Bien plus, le Togo court un grand danger du fait de Faure Gnassingbé qui l’amène tout droit dans le mur, avec ses envies démocraticides. On le relevait tantôt, ce sont les conditions presque similaires qui avaient conduit aux événements de 2005 qui ont coûté la vie à un millier de Togolais. Et les plaies ne sont pas encore cicatrisées. Ce qui jette davantage un voile noir sur l’avenir, c’est l’impunité accordée aux commanditaires de ces événements sanglants et bien d’autres violations des droits de l’Homme au Togo. Ils sont même promus par Faure Gnassingbé, qui s’était pourtant engagé à tout faire pour « pour prévenir et empêcher la répétition de ces actes attentatoires à la dignité humaine », et ce sont eux qu’il a parachutés à des postes stratégiques de l’armée et chargés d’assurer la sécurité du scrutin et des populations…
 
Certains rétorqueront que l’église catholique à laquelle il appartient a déjà rompu le silence sur la question des réformes. Soit. Mais c’est un drame qui est en train d’être préparé en douce au Togo, et le rôle que Mgr Nicodème Barrigah a accepté jouer le contraint à briser le silence et interpeller le pouvoir, afin d’éviter le pire à notre pays. Mais pour l’instant, il regarde les bourreaux conduire le peuple de Dieu à…l’abattoir.
 
Source : Liberté N° 1813 du mercredi 29 octobre 2014
 

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