Le dégoût que le peuple togolais éprouve pour le pouvoir Faure Gnassingbé n’est plus à démontrer. Même bien avant l’avènement de la démocratie, les Togolais ne portaient plus le régime de son défunt père dans leur cœur. Cela s’est montré à travers des élections présidentielles et même législatives fraudées et remportées haut, les mains par le régime. Le « moi, c’est moi ; lui, c’est lui » prononcé par Faure Gnassingbé pour tenter de gagner la confiance des Togolais au lendemain de sa prise meurtrière du pouvoir (plus de 500 Togolais tués) en avril 2005 ne trouve pas d’écho favorable. Les artifices montés un peu partout pour faire croire à l’opinion que le pays est redevenu normal sous le règne du fils ont commencé très tôt à faire déchanter ceux qui ont voulu avoir un brin d’espérance. Même les bras forts qui ont porté l’«Esprit nouveau » au pouvoir regrettent d’avoir rendu service à un homme qui passe son temps aujourd’hui à les espionner ou tout simplement à les traquer. Le cas du Général Tidjani dont le cadavre a refusé la nationalité togolaise est évocateur.
L’objectif principal que poursuivent Faure Gnassingbé et son entourage reste aujourd’hui la conservation du pouvoir. Ce qui fait qu’ils n’arrivent plus à élaborer des projets qui puissent véritablement contribuer au développement du pays. Ils sont en panne d’initiative, comme on dit. Le pouvoir les a tellement aveuglés qu’ils voient des fantômes partout. Le Togo est dirigé malheureusement par des gens qui prennent des hallucinations pour des réalités. Leur sommeil est hanté par leurs adversaires politiques qu’ils considèrent comme des ennemis à abattre à tout prix. Ils n’osent pas imaginer leur vie après le pouvoir. Ce serait d’ailleurs une épreuve très difficile à composer pour eux, puisqu’ils ont passé toute leur existence à penser, cultiver et faire le mal. Le mal est caractéristique de ce pouvoir qui rame à contre-courant. Et ce qui est aujourd’hui triste pour ce régime qui pense détenir le droit de vie ou de mort sur le peuple, c’est sa propension à continuer dans le mal, malgré les nombreux rappels à l’ordre venant tant de l’opinion nationale qu’internationale.
On a comme l’impression aujourd’hui que le pays n’est pas dirigé. Les Togolais se sentent dans une jungle où ce sont les plus forts qui dictent les règles de conduite. La Justice semble reléguée au second plan. Certains individus érigent leur propre loi et l’appliquent cyniquement au nez et à la barbe des magistrats qui n’ont en réalité aucun pouvoir pour faire cesser cet arbitraire. On se demande d’ailleurs s’ils sont eux-mêmes à l’abri de cet arbitraire, puisque ceux d’entre eux qui refusent de se mettre au pas se voient larguer à l’intérieur du pays. Tout compte fait, deux hypothèses se dégagent de l’image que présente le Togo aujourd’hui : ou on est à la fin d’un régime moribond en perte de vitesse, ou c’est le début d’une autre dictature plus méchante que celle qu’on avait connue sous feu Gnassingbé Eyadéma.
La fin d’un régime en perte de vitesse… ?
En tout cas, les signaux ne semblent pas tromper les Togolais. Devant les gémissements et les cris de détresse des populations, Faure Gnassingbé et son pouvoir ne sont frappés que d’inertie. Tout ce qui est proposé au peuple est rejeté par ce dernier qui n’est animé que du désir de changement à la tête du pays. La forte adhésion des Togolais à la dynamique du Collectif « Sauvons le Togo » qui, en un an seulement, a réussi à mettre en déroute le pouvoir, en est la preuve parfaite. Pour redorer le blason, le régime invente une kyrielle de programmes dont la finalité ne sert qu’à flouer les partenaires en développement. Seuls ceux qui pilotent ces programmes (des privilégiés de Faure Gnassingbé) bénéficient des retombées. Les populations au nom desquelles ces projets sont initiés et financés, et qui, lors des lancements, chantent et dansent sous le chaud soleil ou même sous la pluie, sont abandonnées à leur triste sort. Peu de gens qui se mettent à des initiatives privées trouvent difficilement de l’aide pour arriver à leur but.
Aujourd’hui, la grogne couve dans tous les secteurs du pays, sauf dans les instances dirigeantes des sociétés d’Etat où on se la coule douce. Mais devant cette crise sociale, le gouvernement n’a d’autre réponse que l’immobilisme, entrecoupé d’une répression sauvage et aveugle lorsque, exaspérées, les populations veulent exprimer leur ras-le-bol. Mais quel est ce régime qui reste toujours sourd aux cris de son peuple ? La question n’est pas superflue. Puisque quelque part, on est tenté de croire à une nouvelle dictature qui germe sur la terre de nos aïeux.
…Ou une autre forme de dictature ?
« Pour tuer, les hommes débordent d’ingéniosité, et pourtant, le monde périra faute d’imagination », disait un grand homme politique. Le Togo ne semble pas se dérober de cette assertion quand on voit les mises en scène, les manipulations grotesques, les orchestrations d’une époque révolue que le régime met en place dans le seul but de conserver le pouvoir. Pendant que le paysan manque cruellement de machines modernes pour augmenter sa productivité et passer de l’agriculture de subsistance à celle d’exportation, au moment où les Universités du Togo sont en désuétude totale (manque criard d’infrastructures et de moyens pour favoriser de bonnes études aux jeunes), où les CHU du pays n’ont même pas un seul scanner, le pouvoir Faure Gnassingbé ne tarit pas d’initiatives pour mettre en prison les opposants. Les services de renseignement acquis à la cause du régime ne cessent d’opérer dans le faux pour accuser, arrêter et torturer. L’affaire d’incendie des grands marchés de Kara et de Lomé et les nouveaux rebondissements avec les révélations de Mohamed Loum alias Tométy Toussaint ont fait découvrir ce que sont ces services de renseignements. Sur de simples déclarations d’un individu, des leaders politiques sont jetés en prison sans autre forme de procès.
L’autre stratégie du régime RPT/UNIR est de tenter de polir son image sur le plan international, au moment où il maintient ses populations dans le dénuement total. Les autorités togolaises sont les premières à répondre aux sollicitations internationales pour l’envoi des troupes pour sécuriser les zones en conflits. Cependant, aucune action de contestation du pouvoir (aussi légale soit-elle) ne reste sans répression.
La dictature semble ne pas trouver d’adversaire devant elle. Mais les mensonges et les montages commencent par rattraper le régime qui s’appuie aujourd’hui sur des griots, ces intellectuels aveugles qui ne pensent qu’avec leur ventre, pour redorer le blason. Le propre des dictatures, c’est de réussir à trouver parmi le peuple des gens sans conviction, prêts à manger dans tous les plats et à ravaler des ignominies déjà vomies par la majorité, qui tentent de défendre le pouvoir par des arguments tirés par les cheveux. Le régime Faure Gnassingbé est à toute épreuve et il ne tient qu’à un fil. Même les dictatures les plus coriaces ont fini par être emportées. Ce n’est qu’une question de temps. Et celle du clan Gnassingbé semble proche.
K. I.
source : L’Alternative Togo