Depuis quelques jours, la Guinée est en ébullition. Ceci, du fait de la mobilisation populaire du peuple guinéen vent debout contre un troisième mandat du président Alpha Condé. Vraisemblablement, celui qui a été médiateur de la crise togolaise, en 2017, pour le compte de l’Union Africaine (Ua) vit, à son tour, son «19 août».
De l’électricité dans l’air…
À Conakry, particulièrement, la tension est vive, l’atmosphère très heurtée et délétère. Et pour cause, les manifestations contre un 3ème mandat d’Alpha Condé paralysent le pays depuis lundi où banques, stations-services et boutiques tournent au ralenti. À l’origine, l’appel de l’opposition regroupée au sein du Front national pour la défense de la constitution à tous les Guinéens à s’abstenir d’aller travailler et à protester dans leurs quartiers respectifs.
Lundi dernier, les rues étaient restées désertes, les banques et les stations-services fermées dans la banlieue de Conakry. Dans certains quartiers de la capitale et dans plusieurs villes du pays, des manifestants ont barricadé les routes et brûlé des pneus sur la chaussée. Aussi, en réponse au tirs de gaz lacrymogènes des forces de l’ordre, ces derniers ont répondu avec des jets de pierres, semant des courses poursuites et une horde de violences à travers le pays. Faisant le point de la situation, le gouvernement guinéen, dans un communiqué, dit déplorer des blessés et deux morts dont un à Conakry et le second, un gendarme tué par balle, à Mamou à 265 km de la capitale. Pendant ce temps, l’opposition annonce, elle, quatre morts et une vingtaine de blessés.
Et Condé vit son 19 août
De Lomé à Conakry, les lieux diffèrent, mais les faits se ressemblent, pourraient-on dire. La réalité sociopolitique actuelle en Guinée fait rappeler aux Togolais de déchirants souvenirs d’un passé récent et dont les conséquences traversent toujours le temps et l’espace. En effet, tout comme au Togo, les guinéens, debout comme un seul Homme, s’insurgent, corps défendant, pour défendre le respect de la démocratie. Au Togo où le débat se posait en terme du retour de la constitution de 1992, le peuple de Guinée Conakry refuse, lui, tout changement de la Constitution devant offrir un mandat supplémentaire au Prof Alpha Condé. L’un mis dans l’autre, l’on se rend compte d’une chose, la détermination des peuples africains à ne plus laisser les politiques manipuler, à leur guise, leur destinée commune. Mais si Faure Gnassingbé a pu être sauvé des griffes d’une population déchaînée, au travers d’un dialogue politique imposé aux acteurs par la Cedeao et la l’Union africaine, son «sauveur» Alpha Condé, lui, ne sait pas encore à quel Saint se vouer. Entre panique et espoir du retour de l’ascenseur au travers d’une mission de bons offices, Alpha Condé joue au dur, menaçant et réprimant tous voix et mouvements contestataires contre son plan funeste.
Comme il y a deux ans au Togo pour Faure Gnassingbé, le soldat Condé attend visiblement que son salut vienne de ses frères de syndicat de Chefs d’Etat. Un club d’amis du continent qui, ironie du sort, aura passé par ce même président aujourd’hui contesté de ses concitoyens pour étouffer les cris de détresse du peuple Togolais qui ploie, depuis des décennies, sous le poids de l’injustice sociale et de l’arbitraire, à la limite de la tyrannie. «Et Dieu fit le palabre des Togolais !», est-ton en droit de s’exclamer.
De nouveaux lauriers pour Dussey !
Mais dans l’ensemble, la situation telle qu’elle est actuellement en Guinée est une sorte de confirmation de l’assertion selon laquelle, l’Afrique n’est vraiment malade que de ses Hommes politiques. Mais aussi et surtout de sa classe élitiste qui, avec le temps, se montre plus retord à jamais, incapable d’aider le continent à se refaire une santé politique et démocratique. Autrement, les intellectuels africains sont une sorte de calamité qui fait saigner le contient.
La déception est encore plus grande, au regard du passé glorieux de Alpha qui a, pendant des années durant, incarné une opposition élitiste, intelligente, radicale et constructive en Afrique. Mais dix ans après l’accession de ce dernier au pouvoir, que ne fut grand la surprise de tout observateur de constater la métamorphose de l’Homme, démocrate hier aujourd’hui complètement méconnaissable. Visiblement, l’intellect n’a pu permettre à cet universitaire de se démarquer du lot des fossoyeurs de la démocratie en Afrique. Au contraire, il en est un grand artisan, donnant ainsi pleine raison au chefs-d’œuvre du ministre Togolais des Affaires Étrangères, Prof Robert Dussey.
Jusqu’où ira Alpha Condé ?
Dans un contexte sociopolitique marqué par le réveil des peuples contre les longs règne, il va sans dire que des Chefs d’Etat à l’accabie de Alpha Condé de la Guinée, Alassane Dramane Ouattara de la Côte d’Ivoire, Paul Biya du Cameroun, Denis Sasso Nguesso du Congo ou encore Faure Gnassingbé du Togo constituent, à tout point de vue, les derniers de cette race de dirigeants gourmands aux appétits insaisissables. Aujourd’hui plus que jamais, les yeux sont rivés vers Conakry et verront là où ira Alpha Condé dans sa course aveugle vers un troisième mandat, surtout face à une population guinéenne très engagée et déterminée à faire échouer le projet de réforme constitutionnelle !
Source : Fraternité No.333. du 15 octobre 2019