Les commerçantes des grands marchés de Kara et de Lomé ne se sont pas encore remises du choc des incendies. C’est lundi dernier que certaines victimes de Lomé internées pour des soins psychologiques, sont retournées à la maison. A quelque chose malheur est bon, dit-on. La gestion de ces sinistres ou plutôt la persécution des leaders et militants du Collectif « Sauvons le Togo » révèle justement la petitesse d’esprit de ceux qui tiennent les rênes du pays. La sortie à la Gbadagog de Yark Damehame en est l’illustration parfaite. C’est un vrai numéro de comédien qui présage du sort que le pouvoir Faure Gnassingbé réserve aux victimes des incendies.
Montage grotesque et d’amateur
« Il en faut plus pour convaincre l’opinion. Si ces gadgets peuvent suffire pour causer une telle désolation, Oussama Ben Laden ne se serait pas donné la peine d’utiliser deux avions pour faire écrouler les tours jumelles du World Trade Center en 2001. Cela signifie aussi qu’on a la solution au problème togolais à portée de main… », se gausse un compatriote qui résume la sortie vendredi dernier de Yark Damehame à une « GBADAGOGuerie », c’est-à-dire un numéro du duo d’humoristes togolais Gbadamassi et Gogoligo.
Eh oui, un bidon et quelques bouteilles cassées, des fils et des clous découverts au siège de l’Alliance nationale pour le changement (Anc), voilà la logistique qui aura permis d’incendier le grand marché d’Adawlato, si l’on en croit le Derrick togolais, le super ministre de la Sécurité et de la Protection civile. Et il brandit cela comme corps du délit, pour charger le parti et le Collectif « Sauvons le Togo ». Mais pas sûr que les victimes de ces incendies elles-mêmes qui souhaiteraient ardemment que les pyromanes et leurs commanditaires qui sont à la source de leur malheur soient démasqués et châtiés avec extrême rigueur, en soient séduites, tant cette mise en scène manque de professionnalisme et de vraisemblance et ne convaincrait même pas les pensionnaires du Centre psychiatrique de Zébé. Sauf peut-être les journaleux qui ont été intéressés pour intoxiquer l’opinion et faire porter le chapeau au Cst et ses composantes ; et ils s’y emploient fort bien.
Le montage est plein de mensonges et pue l’amateurisme, et il est démonté comme un château de cartes. Dans son communiqué pondu samedi, le Procureur de la République, Essolizam Poyodi a laissé entendre que la perquisition s’était déroulée en présence du président de l’Anc Jean-Pierre Fabre. Mais ce dernier a démenti à travers une déclaration faite le lendemain. Premier mensonge.
L’un des jeunes hommes présentés comme les exécutants, Mohamed Loum, alias Toussaint Tométy serait même connu comme un activiste au service du pouvoir, visible aux manifestations du Cst et spécialisé dans la provocation des forces de sécurité, histoire de la mettre sur le cou des organisateurs. Son oncle surpris de l’entendre réclamer l’incendie du marché d’Adawlato est monté au créneau au lendemain du montage pour rétablir la vérité et exprimer toute sa désolation. Il nous revient même que certains de ces jeunes seraient bien à la solde des hommes du pouvoir et auraient même pris des dispositions et avisé leurs proches quelques jours avant la survenue des sinistres. Chose bizarre, les téléspectateurs ont vu des jeunes gens tout souriants devant les caméras. Ce qui ne trompe personne.
Les observateurs n’ont cessé de dire que l’arrestation et l’audition des vigiles seraient très importantes pour les enquêtes, car ce sont eux qui étaient en charge de la sécurité du marché. Au cours de sa sortie, Yark Damehame a laissé entendre que certains ont été appréhendés, et l’opinion s’attendait à des révélations de leur part. Malheureusement, les téléspectateurs n’ont entendu aucun d’entre eux parler. Ce sont seulement les fameux jeunes instrumentalisés par les leaders du Cst (sic) qui l’ont fait. Pourquoi doit-on cacher les pseudos vigiles s’ils ont vraiment été arrêtés ? Yark et le pouvoir ont tout simplement raté le coche, et il en faut plus pour convaincre.
Les victimes laissées pour compte
On ne le dira jamais assez, il y a bien nécessité de découvrir les véritables causes de ces incendies et démasquer les auteurs et leurs complices. Raison pour laquelle l’opinion apprécie à sa juste valeur l’assistance des experts français en feu, mais aussi la requête d’une mission d’enquête internationale faite par le Cst pour plus de crédibilité. Les victimes aussi en auraient hâte de voir clair dans cette affaire et, éventuellement, voir punir les pyromanes et leurs commanditaires. Mais ce qui doit plus les intéresser, ce sont sans doute les mesures à prendre par le gouvernement pour leur permettre de se relever, leur indemnisation. Et c’est justement à ce niveau qu’elles ont des craintes à nourrir.
Ce qui préoccupe pour l’instant Faure Gnassingbé, c’est comment profiter de la situation pour décapiter le Cst qui trouble son sommeil et casser ainsi la dynamique populaire que ce regroupement incarne. La première tentative vient visiblement d’échouer, parce que le montage est grotesque et pue l’amateurisme, et il faut souffrir de trisomie 21 ou de la maladie d’Alzheimer pour en être séduit. Mais le laboratoire du pouvoir va continuer à mélanger les potions pour trouver une autre formule un peu plus plausible. Et cela prendra le temps qu’il faudra, car c’est essentiel pour Faure Gnassingbé par rapport aux prochaines législatives qu’il veut pousser le Cst à boycotter ou l’empêcher d’y participer, et ainsi s’offrir un boulevard pour 2015.
L’indemnisation va attendre encore longtemps, si ce n’est éternellement. Et si elle devrait être effective, ce serait seulement au profit des victimes qui auront fait leur adhésion à l’Union pour la République (Unir). Les manœuvres ont même commencé dans ce sens sur les sites où elles ont été conviées à aller se faire recenser. Une ministre récemment débarquée du gouvernement serait au centre de la manœuvre et convierait les commerçantes à venir à la réunion du parti pour se voir indemnisées. D’ailleurs les mesures de sollicitudes claironnées à la TVT au lendemain du sinistre de Lomé ne sont restées que des effets d’annonce. Les commerçantes risquent donc d’être des laissées pour compte.
Tino Kossi
source : liberte-togo