Interview de Dr Yves Ekué AMAÏZO : « Sous prétexte de garantir en dernier ressort de la faillite du FCFA, la France a instauré une dépendance monétaire et politique »


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Le Francs Cfa créé depuis 1945 par la France pour ses colonies, continue d’être l’unique monnaie des pays de l’Afrique subsaharienne francophone, plus de 50 ans après leurs indépendances. Son arrimage à la monnaie européenne, son processus de fabrication en France et l’obligation faite à la BCEAO et la BEAC, les deux plus grandes banques centrales, de déposer 50 % de leurs réserves de change auprès du trésor public français, suscite débat et colère en Afrique. Aujourd’hui, beaucoup s’interroge sur le rôle réel de cette monnaie dans le développement de l’Afrique. Dans cette interview, l’expert économiste, Yves Ekoué AMAIZO, Directeur d’Afrocentricity Think Tank explique mieux.
 
AfreePresse : Bonjour Docteur Yves Ekoué AMAÏZO. Parlez-nous un peu du franc CFA. Comment est-il devenu la monnaie des anciennes colonies françaises d’Afrique ?
 
Docteur Yves Ekoué AMAÏZO : Je vous remercie pour l’invitation. Pour répondre sérieusement à votre question, il y a lieu de se replonger un peu dans l’histoire des colonies de la France et d’aller à l’essentiel car ce thème est l’objet de mémoires et thèses de doctorat de pratiquement près de 40 % des étudiants africains en économie. Il est difficile d’être succinct sans passer sous silence plus d’un siècle d’exploitation monétaire des économies de la zone franc.
 
Les monnaies utilisées en colonie par la France étaient toutes reliées directement à la France quand il ne s’agissait pas tout simplement du Franc utilisé en métropole mais avec un différentiel. Afin de permettre une ponction systématique et indolore sur les matières premières africaines, le commerce sans transformation était le droit commun et la transformation l’exception. Si une valeur ajoutée devait être créée, cela devait se faire en métropole. Aussi, l’évolution entre la parité du Franc français en cours en métropole ne faisait globalement que s’apprécier par rapport à celle utilisée en colonie, quel que soit le nom utilisé en colonie. À l’époque de la création du franc CFA le 26 décembre 1945, 1 F CFA valait 1,70 FF. Puis suite à la dévaluation du franc français (FF) le 17 octobre 1948, 1 F CFA valait 2,00 FF. Il fallait valoriser les produits issus des colonies et enrichir rapidement les colons.
 
C’est donc la logique de transfert des richesses des colonies vers la métropole qui sous-tend l’utilisation du Franc dans les pays francophones africains et la France. Aussi, après les banques coloniales et suite à la défaite de l’Allemagne au cours de la 2e guerre mondiale, les pratiques instaurées par l’Allemagne au temps d’occupation de la France sous le régime collaborateur de l’Allemagne, dit Régime de « Vichy », n’ont jamais été abolies pour les pays francophones faisant usage de la monnaie imposée par la France. C’est donc entre le 10 juillet 1940 et le 20 août 1944 sous le Maréchal Philippe Pétain durant l’occupation de la France par les forces armées d’Hitler, obsédées par la création du Troisième Reich allemand, que le principe de ponctionner la France sans contrepartie équitable a été instauré. Ce principe aurait dû disparaître avec la fin de la guerre et la fin du nazisme. Loin s’en faut. La France du Général Charles de Gaulle a créé par décret le 26 décembre 1945 le franc CFA, le franc des colonies françaises d’Afrique. Plusieurs pays d’Afrique du Nord l’ont abandonné tour à tour.
 
Pour évacuer l’aspect colonial et coercitif mais aussi asymétrique des relations entre la France et ses anciennes colonies africaines au sud du Sahara, le Franc CFA après plusieurs appellations (en 1958, le franc CFA été le « franc de la communauté française d’Afrique » est actuellement désigné comme le Franc de la Coopération Financière en Afrique. Il s’agit du nom de deux monnaies communes à plusieurs pays d’Afrique constituant en partie la zone franc d’Afrique centrale (CEMAC) et celle d’Afrique de l’Ouest (UEMOA) avec des parités officiellement identiques sur papier et variables dans la pratique quand il ne s’agit pas de non-convertibilité d’une zone à l’autre. La zone Franc constitue des espaces monétaires et économiques autonomes avec chacun sa banque centrale et sa monnaie. L’appellation officielle de la devise FCFA est XOF (Afrique occidentale) et XAF (Afrique centrale) avec sur papier la même valeur alors que qu’il n’y a pas d’interchangeabilité, ni de convertibilité entre le Franc CFA d’Afrique de l’Ouest et celui d’Afrique centrale. Il s’agit donc bien de deux zones non communes.
 
Lors de l’instauration du nouveau franc français (FRF) le 27 décembre 1958, 1 F CFA valait 0,02 FRF. Puis il y a eu la dévaluation de 100 % du franc CFA le 11 janvier 1994 où 1 F CFA ne valait plus que 0,01 FRF. Pour faire oublier cette véritable arnaque organisée des richesses africaines, les repères se sont perdus avec l’arrimage du franc CFA à l’Euro au 1er janvier 1999 sans que le nom Franc ne disparaisse avec 1 € qui valait 655,957 F CFA.
 
Au Comores, c’est le Franc comorien qui prévaut avec depuis le 1er janvier 1999, un taux de change recomposé à partir de la parité entre le Franc français et l’Euro, à savoir 1 € pour 6,55957 FF, ce qui revient malgré une certaine volatilité sur les marché à 1 € pour 491,968 Franc comorien (FC).
 
Depuis leur origine et reconfirmé en 1992 par le Traité de Maastricht, un des traités constitutifs de l’Union européenne, (entrée en vigueur en 1993), les devises FCFA (Afrique de l’Ouest et Afrique centrale) ne sont que des contrevaleurs à parité fixe avec l’Euro, dont la valeur est garantie par le Trésor public français. Il s’agit donc bien d’un crédit octroyé à la France avec une reconnaissance de dette dont les termes dépendent de manière unilatérale de la France, membre du conseil d’administration de la Zone franc avec voix de véto. Aussi, cette monnaie de la France et non de l’Afrique comme l’a affirmé le Président tchadien Idriss Déby, n’est pas une monnaie africaine.
 
Aussi il ne faut pas s’étonner que sous prétexte de garantir en dernier ressort de la faillite du FCFA, la France a instauré une dépendance monétaire et politique doublée par une forme moderne d’instauration d’un avantage concurrentiel dans la zone franc avec une zone économique considérée comme une chasse gardée de plus en plus lézardée par la concurrence des pays émergents, notamment la Chine. Concrètement, aucune décision ne peut être prise au sein de la zone franc (CEMAC, UEMOA, Banque centrale des deux zones) sans l’accord du représentant de la France.
 
Il semble alors que la notion de convertibilité du FCFA devrait permettre une certaine crédibilité économique. Mais avec une monnaie surévaluée et des économies africaines non diversifiées avec une mauvaise gestion et beaucoup de corruption de part et d’autres, ce sont les dévaluations qui ont servi de thermomètre. Bref, le FCFA a empêché l’industrialisation, la transformation, la création d’emplois décents et pérennes. D’ailleurs les institutions financières de la zone franc sont de véritables usuriers qui obtiennent des taux entre 2,5 et 3,5 % de la banque centrale de la zone et les re-prêtent aux États membres à un taux près de 3 à 4 fois supérieur. Comme soutien à l’économie, on peut faire mieux. C’est une véritable guerre contre la montée en puissance du secteur privé industriel africain.
 
Pour ce qui est des avantages de la mise en commun des réserves de change où tous les pays devaient contribuer au pot commun, il faut bien se rendre compte que ce sont les plus gros qui étaient toujours créditeurs (Côte d’Ivoire, Cameroun, Gabon, etc.) sans d’ailleurs véritablement diversifier leur économie au plan industriel. Mais avec le boom pétrolier, ce sont ces derniers pays qui sont devenus créditeurs, sans d’ailleurs eux-aussi, opter pour l’industrialisation de leur économie. En réalité, la garantie monétaire de la France qui n’intervient qu’en dernier ressort -et de fait quasiment jamais-, est devenu inutile. Mais le FCFA est inconvertible en tant que tel. Essayez d’acheter avec cette monnaie en dehors de votre zone, personne ne l’accepte. Donc ce papier-monnaie n’a aucune valeur libératoire au plan mondial. Pourtant il faillait déposer encore récemment près de 50 % des réserves de change auprès du Trésor public français qui pouvait d’ailleurs faire un mauvais placement et justifier ainsi une usurpation de fait. La faillite de la banque internationale  de l’Afrique occidentale (BIAO) s’explique en partie par ce genre de manège.
 
Mais ce qui est caractéristique de la dépendance monétaire volontaire est qu’aucun des États africains faisant usage du FCFA n’a eu le courage collectivement ou individuellement d’imposer la création de la monnaie en Afrique par les Africains. Le FCFA (pièces et billets) se crée en France dans une petite ville de la Chamalières où réside l’imprimerie de la Banque de France. Alors, les pays africains ne font que subir l’inflation externe sans pouvoir réagir au plan monétaire. Avec le mode de calcul du prix à la consommation, il est impossible en utilisant les statistiques officielles de démontrer qu’il y a une grande inflation dans les pays de la zone franc, pourtant c’est la dure et triste réalité. Le faux « bas » niveau de l’inflation en zone France,
 
Selon les dernières statistiques d’avril 2016 du Fonds monétaire international,  le produit intérieur brut par habitant de la zone franc,  autrement dit la richesse par habitant de ladite zone, est restée dans l’état, à savoir de 1,7 % en 2004 à 1,8 % niveau en 2015 avec des disparités internes énormes entre les 70 % de la classe pauvre et le reste de la population. La zone d’Afrique australe et de l’est (COMESA) se situe simplement à l’étage supérieur avec 3,5 % en 2004 et 3,6 % en 2015. L’Afrique anglophone détachée des liens avec la France semble mieux distribuer les fruits de la croissance aux populations même si tout n’y est pas rose. Donc, les pays francophones n’ont aucune souveraineté monétaire et les dirigeants africains qui sont adeptes de la contrevérité des urnes ne sont pas prêts à changer cet état de fait. Ce deal malsain entre j’accepte l’inacceptable et je me maintiens au pouvoir en usurpant l’autodétermination des peuples africains de la zone franc est une constante de la post-colonie moderne.
 
Enfin, avec des taux d’inflation ne reflétant pas la réalité du terrain, les pays de la zone franc font une concurrence déloyale aux pays qui ont choisi de maîtriser leurs finances publiques. Entre le Ghana et le Togo et si la frontière était effectivement ouverte comme le prévoient les accords de la CEDEAO, le Togo se viderait au profit du Ghana qui bénéficie d’ailleurs de l’apport de la Diaspora africaine en général, ghanéenne en particulier. Au Togo, c’est le contraire, la Diaspora togolaise n’est pas recensée et n’est sollicitée que pour s’aligner sur  le pouvoir en place.
 
Les pays de la zone franc peuvent se permettre d’avoir une gestion des finances publiques peu rigoureuse, voire promouvoir la corruption d’État, tout étant « garanti » de pouvoir bénéficier de liquidité de la France, qui ne se gêne pas pour prendre possession des capacités productives via les forces du marché et le patronat, parfois mafieux compte tenu de la faiblesse de plus en plus avancée de la compétitivité des entreprises françaises en zone franc. Aussi les dépenses publiques des économies de la Zone franc servent souvent de soupape de sécurité pour octroyer des contrats qui sauvent des entreprises en France. Les endettements sont alors exclusivement conservés à la charge des pays africains qui peuvent alors bénéficier de « l’avocat » France pour recevoir des aides et un programme d’ajustement et de transfert de propriété au profit de son bienfaiteur. À défaut, ce sont des coups d’État et autres déstabilisations sauvages et primaires. L’insolvabilité des pays de la zone franc permet d’instaurer des programmes de redressement économique coercitifs où la privatisation sert de transferts des richesses du pays vers les pays créanciers, à commencer par les plus influents.
 
Enfin, il n’y a eu aucune intégration entre les deux principales parties de la zone franc (afrique de l’ouest et Afrique centrale). Au contraire, le Franc CFA a servi justement à empêcher cette intégration.
 
Le Franc CFA est un vestige colonial anachronique qui n’a pas servi les intérêts des populations africaines mais plutôt une classe de dirigeants africains qui se sont coalisés pour défendre d’abord les intérêts de la France (publiques comme privés) avant de servir les intérêts de leur population. Ces espaces monétaires distincts n’ont pas permis d’améliorer l’intégration régionale qui stagne toujours autour de 10 % alors que l’Union européenne oscille entre 60 % et plus.
 
Le Franc CFA Profite-t-il réellement aux Africains ?
 
Il faut préciser votre définition du mot « Africain ». Si vous parlez des populations africaines sans influence qui constituent les 70 % de la classe pauvre, la réponse est NON. Pour la classe moyenne et surtout celle qui doit son existence au pouvoir en place, la réponse est oui. Mais est-ce que cela a contribué à sortir les Africains collectivement de la pauvreté, la réponse est non. Les dirigeants africains sont d’ailleurs principalement les premiers responsables du fait de leur choix stratégiques de s’aligner sur les anciennes puissances coloniales et moins de leur résister collectivement comme cela a eu lieu en Asie ou partiellement en Amérique latine.
 
Est-ce que la France a intérêt à ce que cette monnaie soit maintenue ?
 
Bien sûr ! Mais le FCFA est un réseau de puissance, d’amis qui se tiennent par la barbichette dans des réseaux occultes, mafieux, politiques, sociaux et culturels. Donc, ce n’est plus un problème de la France seule mais de la communauté liée à ce Franc CFA dont certains, incompétents, ne comprennent pas les enjeux, et d’autres profitent de l’aubaine de voir les erreurs de gestion et la corruption couverts par la garantie d’un État fort comme la France.  Cette dernière n’est pas seule responsable d’ailleurs, car le poids du secteur privé français et son impact sur les élections françaises est tel que l’État français peut parfois devenir celui qui promeut ce que veut le secteur privé français en Afrique, ce sans état d’âmes. C’est ce qu’on appelle, je crois, la « real politik ».
 
Le Franc CFA n’est-il pas une preuve que l’Afrique est encore dépendante économiquement de son ancienne métropole ?
 
Je ne sais pas s’il s’agit d’une preuve. Mais le développement que j’ai fait plus haut, vous permet de saisir la profondeur de la dépendance-interdépendance entre la France et les dirigeants africains. D’ailleurs, une gestion non postcoloniale de cet ensemble aurait pu donner de meilleurs résultats et profiter aux deux partis. Mais la puissance a des règles qu’ignore l’éthique.
 
La monnaie a déjà subi deux dévaluations. La dernière en 1994. Est-ce que ces dévaluations ont été profitables pour l’industrie africaine ?
 
Certainement pas. Pour qu’une dévaluation soit considérée comme compétitive, il faut que l’économie soit elle-même bien avancée sur le plan industriel et de la transformation locale avec du contenu technologique, des infrastructures et logistiques performantes.  Ce n’est pas du tout le cas de la plupart des économies de la zone Franc. À ce titre, la responsabilité de la France et des élites africaines sur le retard des infrastructures en zone franc est engagée. En moins de 12 ans, ce que réalise la Chine en infrastructure est impressionnant, et ce malgré la corruption.
 
Mais malgré les effets de manche ici et là, les dirigeants africains collectivement n’ont jamais été véritablement engagés dans l’industrialisation car demandant plus d’expertise, de stratégie et surtout de compétence. Lors de la Conférence des Chefs d’États de juillet 2016, l’industrialisation africaine est revenue en force sur papier. Mais rien en termes de budget. Les dirigeants africains se contentent de vouloir la sous-traiter à la Chine. Il suffit de voir les avancées en Éthiopie ou au Rwanda, par exemple.
 
L’industrie de l’Afrique francophone peine à se développer, comparativement aux pays anglophones. Est-ce que le Franc CFA y est pour quelque chose ?
 
Pour être factuel et selon les institutions financières internationales, l’Afrique représente à peine 1,2 % de la valeur ajoutée manufacturière mondiale alors que la région Asie et Pacifique vaut 26 % dont 19 % pour la Chine.
 
Lorsqu’un continent entier voit la valeur ajoutée manufacturière progresser rapidement, c’est que le pays ou le continent progresse. Autrement dit, la capacité à générer de la valeur ajoutée à partir de la modernisation de sa technologie, son management et ses industries sans compter ses échanges internet sans fil contribuent directement à la progression de la valeur ajoutée manufacturière de l’Afrique au sud du Sahara. Aussi et selon la Banque mondiale (2016), la VAM de l’Afrique subsaharienne est passée de 45 milliards de $ des États-Unis en 2000 à 161 milliards de $EU en 2014. En comparaison, la région Asie est et pacifique est passée de 1 859 à 4 945 milliards de $EU. L’écart entre les deux régions en 2000 était de 41,3 et le fossé s’est rétréci à 30.7 en 2014. Il y a donc bien une prise de conscience sur l’industrialisation en Afrique mais collectivement les dirigeants africains ont choisi de la sous-traiter à la Chine, à l’Inde, à la Turquie, et bien d’autres pays émergents y compris l’Afrique du sud qui s’impliquent de plus en plus dans les économies africaines. Les pays de la zone franc n’ont pas réussi à mettre en place la francophonie économique, alors il n’est même pas question de parler de francophonie industrielle.
 
L’Afrique peut-elle abandonner le Franc CFA et créer sa propre monnaie ?
 
Quand vous parlez d’Afrique, il faut préciser que vous faites allusion aux pays francophones car de nombreux pays africains ont déjà leur propre monnaie. Aussi, la réponse est oui. Mais pour créer une monnaie, encore faut-il le vouloir, s’organiser en conséquence en favorisant la création de valeurs ajoutées, l’équilibre des finances publiques, la prévisibilité de l’environnement des affaires et mettre en place un fonds monétaire africain sans oublier de respecter les textes sur l’intégration régionale. Alors ces préalables n’étant pas remplis, les dirigeants africains ont donc d’autres priorités, qui sont d’abord de se maintenir au pouvoir avec tout l’arsenal répressif.  Mais ceci n’est plus de l’économie.
 
Qu’est-ce que cela implique comme moyens et peut-être comme risques ?
 
IL s’agit d’une décision collective politique et n’implique aucun risque majeur mais du courage. Pour ce qui est des moyens, si le Ghana ou le Nigeria sont indépendants et souverains au plan monétaire, on peut se demander ce qui empêche ceux de la zone franc d’aller prendre des leçons et d’éviter les écueils.
 
Merci Docteur d’avoir accepté notre invitation.
 
Interview réalisée par Fousseni SAIBOU
 
source : afreeepress
 

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