Interview exclusive de Jean Pierre Fabre, chef de file de l’opposition

20 août 2006 – 20 Août 2016 : 10 ans déjà pour l’Accord Politique Global (APG). Quel bilan pour ce document signé sous l’égide de l’ex-président burkinabè Blaise Compaoré ? Réponse de M. Jean Pierre Fabre, président de l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC) et chef de file de l’opposition, dans une interview exclusive accordée à l’Agence Savoir News Ce dernier est également interrogé sur d’autres sujets d’actualité notamment le récent atelier du Haut Commissariat à la Réconciliation et au Renforcement de l’Unité Nationale (HCRRUN) et le dossier Wacem.

 
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Savoir News : 20 août 2006-20 Août 2016 : 10 ans déjà que l’APG a été signé. Quel bilan dressez-vous ?


 

Jean Pierre Fabre : Le bilan est totalement négatif. Ces dix années ont été essentiellement marquées par le refus obstiné du régime en place, de mettre en œuvre les réformes prescrites par l’APG et par diverses manœuvres de diversion pour s’y soustraire.

 

La grande bataille menée par l’opposition ces quatre dernières années, est celle des réformes politiques. Apparemment, les lignes sont coincées. Comment expliquez-vous cela ?

 

D’abord, il est inexact de dire que la bataille pour les réformes n’est vieille que de quatre ans. L’APG ne peut avoir dix ans et la bataille pour les réformes quatre ans. C’est incohérent. Car, la signature d’un Accord déclenche ipso facto l’exigence de sa mise en œuvre. Ensuite, il est inexact de dire que les lignes sont coincées. La mise en œuvre de l’APG est attendu de celui à qui elle a été confiée et qui a, à plusieurs reprises affirmé sa disponibilité à cet effet.

 

C’est le gouvernement togolais qui refuse d’honorer sa signature. C’est sa ligne qui est coincée. La nôtre pas à être coincée ou à ne pas l’être ! L’APG est lui-même le résultat d’un consensus. Pourquoi faut-il encore rechercher le consensus d’un consensus qui a été laborieusement obtenu sous l’égide de la communauté internationale ? Il revient peut-être à cette communauté internationale d’user de son influence sur le régime pour l’amener à respecter son engagement. Il n’y a rien à attendre de nous. Le responsable de la situation actuelle est connu. Aujourd’hui, tout le monde sait vers qui il faut se tourner.

 

C’est qui ?

 

Le pouvoir en place. Et l’incarnation de ce pouvoir, c’est le chef de l’Etat.

 

Dans une interview accordée tout récemment à l’Agence Savoir News, Agbéyomé Kodjo, le président de l’OBUTS (opposition), déclarait (suite à la même question) : « nous avons manqué de stratégie, de vision prospective, de discernement politique, et de pragmatisme, car les conditions politiques d’aboutissement furent réunies en octobre 2014, mais notre extrémisme et notre radicalité ont porté un coup d’arrêt à toute perspective de débouché et a mécaniquement tout compromis ».

 

Je suis sûr que celui que vous venez de citer sait de quoi il parle. Je crois que nous n’avons pas la même vision du combat politique. Il connaît ceux dont il affirme qu’ils ont fait preuve de « radicalité et d’extrémisme ». Il sait en son âme et conscience que ce n’est pas nous.

 

Car, il n’ignore pas que c’est le pouvoir en place qui, en refusant obstinément de respecter son engagement, fait preuve « de radicalisme et d’extrémisme ».

 

Nous n’avons pas la même compréhension du pragmatisme. Ce qu’il appelle pragmatisme s’apparenterait plutôt à l’incohérence ou à la lâcheté. Pour moi, la paix s’arrache par le combat. Car, celui qui veut la paix sans combattre, n’a jamais la paix. Il n’a que le déshonneur. En ce qui me concerne, je ne poursuis pas le pouvoir politique à tout prix.

 

Je poursuis avec détermination, la libération du Peuple togolais du joug d’un clan qui l’opprime depuis un demi-siècle. Le pouvoir politique viendra certainement après. Merci pour le « pragmatisme, la stratégie, et la vision prospective » qui consiste à négocier un consensus difficilement obtenu sous le regard vigilant des populations.

 

Vous appelez au dialogue et dans le même temps vous faites la déclaration suivante : « Il n’y a pas de concession à faire pour obtenir l’exécution d’un accord qu’on a signé ». Alors comment vont se dérouler les discussions ?

 

Ne faites pas semblant de ne pas comprendre ce que je vous dis. Nous allons nous retrouver au dialogue pour examiner ensemble, comment exécuter l’APG à la satisfaction de tous. Puisqu’il ne peut être question de renier ou de revenir sur le contenu de l’APG.

 

C’est le sens que vous donnez au dialogue ?

 

Bien sûr.

 

Mais en politique, quand on va au dialogue, c’est dans l’optique de faire des concessions.

 

Je vous l’ai déjà dit au début de notre entretien. Les concessions ont déjà été mutuellement accordées il y a dix ans. Le consensus a été réalisé il y a dix ans. Les réformes prescrites pour remettre notre pays sur pied ne peuvent être renégociées. Le contenu de l’APG est toujours d’actualité. Le dialogue, c’est pour discuter des modalités de la mise en œuvre de l’APG. C’est très clair.

 

Pensez-vous, dans ce contexte, que vous pouvez dialoguer ?

 

Ça dépend de l’Etat d’esprit de chacun. Si quelqu’un veut renier le contenu de l’APG, qu’il le dise au cours des discussions.

 

CAP 2015 entame une tournée à partir du grand nord. Quel sera message ?

 

C’est une tournée nationale qui commencera de Dapaong, au nord du pays pour descendre vers le sud. C’est une tournée de sensibilisation, d’explication et de relance de la mobilisation pour obtenir les conditions de l’alternance politique. Et la condition essentielle de l’alternance politique : ce sont les réformes. Donc, il faut expliquer la situation aux populations, parce qu’il y a tellement d’intoxication et de désinformation, qu’il est nécessaire d’aller à la rencontre des populations pour leur parler.

 

D’aucuns estiment que le temps n’est plus aux meetings de sensibilisation, mais plutôt à des jeux de couloirs entres politiques, pour opérer les réformes. Qu’en dites-vous ?

 

Les partis politiques ont le devoir d’aider les populations à faire des choix éclairés. C’est ce à quoi nous nous attelons. Les jeux de couloirs comme vous dites, ne peuvent précéder le travail de terrain.

 

Selon un député de l’opposition, « les conclusions issues de l’atelier du HCRRUN ont ouvert une nouvelle opportunité que toute la classe politique doit savoir saisir » et il va loin en disant : « Si nous tous – sans exception – nous nous mettons autour des conclusions de cet atelier, nous obtiendrons les réformes ». Que répondez-vous à ce dernier ?

 

Votre député est simplement préoccupé de justifier sa présence à cet atelier. Pour moi, cet atelier n’a qu’un but très éloigné de celui proclamé : venger l’affront de la Conférence Nationale Souveraine (CNS) et enterrer l’APG. Cela a d’ailleurs été dit au cours de la dernière réunion de la Commission des lois de l’Assemblée nationale, consacrée à l’examen de la proposition de loi de révision constitutionnelle. Faut-il rappeler que l’Atelier du HCRRUN a eu lieu au même endroit et dans le même format, que la Conférence nationale Souveraine ? Malheureusement, l’histoire ne s’efface pas.

 

N’avez-vous pas commis une petite erreur, en boycottant les travaux de cet atelier ?

 

Pas du tout. Ce genre de décision se prend après mures réflexions par l’instance adéquate du parti, pour éviter les risques d’erreur.

 

Vous avez écrit récemment au Chef de l’Etat et au Premier ministre, dans le dossier Wacem. Ont-ils répondu ?

 

Je viens de leur envoyer les lettres. La loi oblige le gouvernement, donc le Premier ministre à me donner les informations que je demande. La lettre envoyée au chef de l’Etat est destinée à l’informer de la demande adressée au Premier ministre, afin qu’il ne puisse prétendre ignorer la démarche et qu’il aide à son aboutissement.

 

Qu’allez-vous faire, si vos deux courriers n’ont pas eu de suite ?

 

Il n’y a pas de raison qu’ils ne me répondent pas. De toute façon, j’ai une autre action en cours. Je vais interpeller le Premier ministre à l’Assemblée nationale.

 

Terminons avec la dernière manifestation des habitants de Zéglé. Quelle est votre réaction.

 

Je condamne fermement les violences exercées contre les populations de Zéglé le lundi 22 aout 2016, comme j’ai eu à condamner en son temps, la répression des populations de Mango.

 

Je dénoncerai et condamnerai, chaque fois que le pouvoir utilisera la violence pour empêcher l’expression de la contestation populaire, car la solution ne vient jamais de là. Je vous remercie. FIN

 

Propos recueillis par Junior AUREL

 
source : savoir news
 

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