L’alternance toujours en fuite, les réformes un produit marchand


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La fin de l’année est l’heure de bilan dans les différents compartiments de la société, la classe politique n’est pas en marge de cette exigence. L’année qui vient de s’achever a été une année électorale au Togo ainsi donc le scrutin crucial a concentré toutes les attentions depuis le début de l’année. Et à l’heure du bilan ou de la rétrospective de cette année 2015 qui laisse tomber ses rideaux dans une dizaine de jours, on ne saurait passer sous silence ce grand évènement dans la vie politique togolaise. Qu’est-ce qui a marché ou non au cours de cette année pour l’opposition ou encore pour le pouvoir en place ?
 
Les frasques au sein de la coalition CAP (Combat pour l’Alternance politique) 2015 et ODDH (Organisations de défense des droits de l’Homme) qui ont fixé l’attention de l’opinion nationale en fin d’année 2014 ont connu une montée en puissance début 2015. Le très tonitruant Abass Kabou du Mouvement des Républicains Centristes (MRC) au cours d’une conférence de presse vers fin janvier 2015, s’est insurgé contre une éventuelle participation de CAP 2015 à la présidentielle sans la mise en œuvre des réformes constitutionnelles, institutionnelles et électorales. Une insurrection qui s’explique d’ailleurs mieux quand on sait que l’homme avaient exclu de gré ou de force de la Coalition, même s’il criait à tous ceux qui voulaient l’entendre que ses anciens collègue n’avaient aucun droit de l’exclure.
 
Faute du vrai amour entre CAP 2015, un regroupement à visée électoraliste, et la Synergie des ODDH, on assistera par la suite à un retrait du défenseur de droits de l’homme et star des medias, Jil Benoit Afangbédji. Il s’exécutera au travers d’une lettre dans laquelle, il dénonçait la création d’un autre mouvement politique regroupant les partis politiques et les mêmes organisations comme ce fut le cas du CST (Collectif Sauvons le Togo). Il regrettait l’option qui consistait à faire passer la participation au scrutin en préparation au détriment des réformes politiques.
 
Dans la foulée et comme pour donner raison à Afangbédji et certaines autres organisations de la société civile et des partis politiques dont la plupart ne sont que l’ombre de leurs leaders qui s’organisent en front, c’est le CAR ira de par son analyse de situation pour faire constater que l’ANC et les autres partis de CAP 2015 qui ont opté pour une participation à n’importe quel prix, ont complètement sacrifié la lutte pour les réformes au profit d’une candidature unique de l’opposition. Le parti n’est pas ménagé outre mesure par les responsables de cette alliance électorale qui croyait dur comme fer sur ses capacités à mettre le peuple d’accord sur son programme de société.
 
La polémique enfle et les organisations politiques au sein du CAP 2015, ne chercherons pas à leur tour de 0 Heure à 23 heures 59 Min 59 secondes… pour renvoyer les accusations au camp d’en face. La formation politique créée par Me Yawovi Agboyibo, aujourd’hui dirigée par Me Dodji Apévon, est traitée de tous les noms d’oiseaux dont le plus retenu est celui de traitre. Conséquence, le parti semble être livré à la vindicte populaire. A preuve, c’est le premier responsable qui, sortant d’une pharmacie à Lomé, a failli les jours suivants se faire lyncher par les individus se réclamant militants de l’ANC de Jean-Pierre Fabre. La condamnation de l’acte par ce dernier et ses lieutenants sera timide voire quasi absente. En tout cas, dans un tel contexte où la présidentielle approchait à grand pas, UNIR ne pouvait que s’en réjouir de ce que l’opposition elle-même se pose en son propre obstacle pour le bouscule dans sa course royale pour faire rempiler à nouveau son champion. Et ce n’est pas les candidatures en rangs dispersés de quatre candidats de l’opposition dans toutes ses composantes (radicale, participative, modérée … et que sais-je encore) qui l’en empêchera.
On connaitra un peu plus tard en février les noms des candidats au scrutin présidentiel. Il s’agit de Me Mohamed Tchassona-Traoré (MCD), du Professeur Aimé Tchabouré Gogué (ADDI), de l’ancien corps habillé, Gerry Tamaa (NET), de Jean-Pierre Fabre (ANC-CAP 2015) et du président sortant et candidat à sa propre succession, Faure Gnassingbé (UNIR).
Alors que les réclamations pour un report du scrutin afin de faire les réformes et pour l’épuration des listes électorales des électeurs fictifs, dont le porte-voix sera le président du Parti des Togolais, Alberto Olympio, continuent de s’abattre sur le pouvoir, la Cour constitutionnelle ne trouvera aucun obstacle sur son chemin pour valider ces candidatures. Alberto Olympio ne se présentera pas au scrutin puisque sa réclamation n’a pas été acceptée, mais mieux que cela, il se verra impliquer dans une affaire de détournement de fonds dans sa société que l’un des actionnaires a porté devant la justice. En tout cas, la coupe était bien pleine pour qu’il puisse jeter l’éponge. La seule alternative qui restait à celui qui aurait pu bousculer la donne n’était autre qu’un ralliement au combat de certaines organisations de défense et des partis politiques qui également pensent qu’il faut plutôt aller aux réformes avant toute organisation d’élection présidentielle. Ce qu’il fera dès le mois de mars de cette année 2015.
En tout cas, c’est un mois de mars qui ne sera pas de tout repos pour les acteurs politiques. On en était là quand, à un mois du scrutin prévu pour le 15 avril, quand une bisbille éclatera au sein du PDP (Parti Démocratique Panafricain).
 
À l’origine de cette bisbille, il y avait la décision du retrait du parti de CAP 2015 pour question de commodité, pise par le président de cette formation politique, autrefois membre de la Coalition Arc-En-Ciel elle-même explosée par une affaire de candidat unique à la candidature unique de l’opposition, Bassabi Kagbara. Ce qui n’a pas été du goût de son seul député à l’Assemblée nationale, Nwanki Targone, qui se rebelle contre la ligne du parti. Il a dès lors failli claquer violemment la porte n’eût été que la crise ait été gérée autrement.
Au fur et à mesure que la date du scrutin approche les préparatifs se précisent. A partir du 17 mars précisément, le positionnement des candidats sur le bulletin de vote est connu mais il est très vite contesté par CAP 2015.
 
On en est là quand, au terme d’une visite à Lomé, le président en exercice de la CEDEAO et celui de l’UEMOA, parviendront à obtenir que le scrutin soit repoussé du 15 au 25 avril soit un report de 10 jours.
Début avril, la commission de consolidation du fichier électoral sous l’égide de l’OIF, entre temps mis en place et comportant des représentants des candidats livre son travail et met à la disposition de la machine électorale, un fichier dit consensuel.
 
Dès lors, le jeu est relancé et l’on peut voir les partis qui ne présentent pas de candidat, donner des consignes de votes à leurs militants. C’est le cas par exemple de CLE de Me Yacoubou Agnina qui penche pour CAP 2015 alors que ‘‘Le nouveau Regard’’, un regroupement de trois partis politiques (CPP, NDP et PDR), apporte son soutien au candidat Faure de UNIR. Le parti Organisation pour bâtir dans l’union un Togo solidaire (OBUTS) s’est prononcé le mercredi précédent le scrutin. Alors qu’on l’attendait, le bureau politique de ce parti autrefois partenaire de l’ANC dans le CST avant de prendre ses distances, dribblera tout le monde en ne donnant pas de consigne de vote claire et précise.
L’Union des forces de changement (UFC) de Gilchrist Olympio s’est de son côté prononcée à travers un mémorandum dans lequel, elle estime que Jean-Pierre Fabre n’est pas l’homme qu’il faut pour diriger le pays.
 
La campagne électorale s’est déroulée de façon responsable, les principaux candidats ont sillonné les différents coins et recoins du pays. A l’arrivée, Faure Gnassingbé a été proclamé vainqueur. Ce qui n’est pas du goût de CAP 2015, et qui n’étonne d’ailleurs pas puisque c’est à cela on nous a habitué dans ce pays sous les tropiques. Une position de CAP 2015 qui contraste avec celle des observateurs internationaux qui n’ont pas hésité un seul instant à confirmer la crédibilité du scrutin.
Le Combat pour une alternance politique en 2015 conteste les résultats et proclame par après son candidat vainqueur, en annulant les votes de certaines circonscriptions, avec un score autre que celui proclamé par la CENI et confirmé plus tard par la Cour constitutionnelle. Timide sera d’ailleurs la contestation qu’organisera CAP 2015.
 
En tout cas, au retour de ce scrutin, les partis politiques, surtout ceux de l’opposition, ne se feront pas de cadeau. Les uns ont tiré sur les autres pour tel ou tel autre rôle joué au cours du processus électoral.
 
Le 5 juin, Sélom Klassou remplace Ahoomey Zunu qui a démissionné le 22 mai, à la primature. Le premier Ministre a présenté devant l’Assemblée Nationale du Togo la politique générale du nouveau gouvernement le 28 juin 2015.
 
Un évènement majeur sur la scène politique quelques mois après le scrutin, c’est le retrait de Santé du peuple de Dr Georges-William Kuessan, un des piliers de l’organigramme de la coalition CAP 2015.
Au mois d’août, un Mémorandum de CAP 2015 sur la présidentielle de 25 avril 2015 est rendu public après un long moment d’absence sur la scène politique au lendemain du scrutin.
 
C’est dans ce contexte que la Convention démocratique des peuples africains (CDPA), ira en congrès statutaire pour la sixième fois depuis sa création, le samedi 5 septembre à la Maison de la santé à Lomé. Ce fut autour du thème « repenser la lutte pour mieux relever les défis ». Brigitte Adjamagbo est confirmé S.G de la formation.
 
Au demeurant, on peut retenir au cours de l’année écoulée qu’à l’arrivée le CAP n’a pu atteint sa cible, à savoir le fauteuil présidentiel, comme souhaité par le peuple et promis par ses leaders. Ont-ils trop vite vendu la peau de l’ours sans l’avoir encore tué ?
 
Reste à savoir dès lors si les nouveaux nés de la période postélectorale, « Le Togo Autrement » de Fulbert Sassou Attisso, ou encore le Parti « Les Démocrates » de Nicodème Habia (ancien député de l’UFC dont il a été exclu le 21 octobre 2013), tous deux anciens leaders de l’éphémère mouvement du nom de MCA (Mouvement citoyen pour l’Alternance), au slogan made by Thomas Sankara, « l’Alternance ou la mort, nous vaincrons » initié à la veille de la présidentielle de 2010, ne commettront pas les mêmes erreurs que leurs prédécesseurs. Ils ont en tout cas intérêt à se défaire de ces erreurs, surtout que l’on ne saurait pardonner à des responsables politiques qui ne sont pas à leur premier pas sur la scène politique nationale.
 
Vue d’ensemble sur la politique togolaise en 2015
 
Sans être loquace, on peut pointer du doigt le fait que l’opposition n’a pas été soudée et des messages contradictoires aient été envoyés à la population par rapport à la posture à adopter durant le processus électoral ouvert vaille que vaille par le pouvoir.
 
En octobre 2014, CAP 2015 était composé des partis suivants : l’Alliance nationale pour le changement (ANC) ; la Convention démocratique des peuples africains (CDPA) ; le Mouvement des républicains centristes (MRC) ; le Parti démocratique panafricain (PDP) ; le Parti socialiste pour le renouveau (PSR) ; Santé du peuple ; l’Union démocratique et socialiste du Togo (UDS-Togo) mais en mars 2015, peu avant le scrutin, CAP 2015 ne comprenait que la CDPA ; l’ANC ; l’UDS-Togo ; le parti Santé du peuple ; le PSR (9 mars 2015).
Le problème de leadership, la recherche permanente de l’intérêt personnel provoquant souvent l’impasse dans de nombreux débats, une crise de confiance particulièrement prononcée entrainant souvent de la méfiance et des tentatives, presque systématiques, de substitution des propositions des uns par celles des autres, ont eu raison de cette union que l’on avait voulu forte pour faire obstacle au régime en place.
D’autre part, le CAR et son président, Paul Dodji Apévon, de par la suggestion de boycott du scrutin n’ont aucunement fait les affaires de l’opposition mais plutôt du parti au pouvoir et de son candidat. « Quand les conditions ne sont pas remplies, et quand on est en train de vous tromper une fois de plus, quand rien n’est fait mais que le pouvoir va sortir encore gagnant, moi, personnellement, je n’irai pas voter », cette déclaration de Me Apévon continue, même plusieurs mois après le scrutin, par résonner dans les oreilles de ceux qui se sont entêtés à y aller au point que l’on n’aille jusqu’à déclarer combattre ce parti au même titre que le parti au pouvoir UNIR. Suivez mon regard…
 
Une fois n’est pas coutume, le pouvoir en place à Lomé s’est tiré d’affaire en cette année électorale sans trop forcer. Parmi les raisons qui ont concourir à cette victoire sans péril et à un triomphe sans gloire, on peut citer entre autres, la fragilité de l’opposition, la paix des braves à l’interne, l’étouffement des voies discordantes et les quelques projets pour soulager les peines des populations. Et les curieuses rumeurs de candidatures multiples venant du même parti UNIR se sont avérées fausses et ont fondu comme la cire exposée au soleil.
 
Une nouvelle année s’annonce pour la classe politique, le passé étant derrière, un nouveau compteur va s’ouvrir pour un futur rayonnant ou non sur le plan politique. Tout sera en tout cas question de la justesse des options que prendront les acteurs politiques.
 
Germain D.
 
source : Telegramme228

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