Le Togo, l’or de l’humanité


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Nous vivons à un moment de l’histoire de l’humanité durant lequel des intérêts se heurtent toujours impudemment entre eux et surtout aux valeurs, aux concepts, aux mythes et à la morale. Cette réalité, corollaire de l’interdépendance accrue des nations et de la globalisation de l’économie mondiale, doit entraîner inévitablement une redéfinition du divin, de la justice, de l’amour, du pouvoir, etc. Elle commande d’adopter des idées, des attitudes, des analogies inédites pour détrôner les anciennes notions du temps, de l’espace, de la matière et de la causalité. Malheureusement, nous assistons à la poursuite de la légitimation des théories et des axiomes dominants du passé que l’on cherche à inculquer ou à imposer aux nouvelles générations, les privant ainsi de la clé leur permettant d’appréhender objectivement le monde dans lequel nous vivons et du pouvoir de préparer le monde de demain.
 
Le conflit idéologique, qui a caractérisé le 20è siècle et qui a conduit à deux guerres mondiales, avait ses champions de l’individualisme et de la libre entreprise et ses chantres du collectivisme et du socialisme. D’abord cantonné essentiellement en Europe, il se propagea sur toute la planète, en répandant des doctrines catégoriques et créant un marché mondial ou de vastes pans de celui-ci. Les frontières doctrinales entre les deux camps idéologiques avaient rarement été aussi tranchées depuis le grand affrontement entre les catholiques et les protestants au temps de la réforme.
 
Si les parties en présence semblaient défendre chacune son idéologie propre et si les dogmes politiques et les programmes économiques paraissaient radicalement opposés, leurs postulats de base étaient identiques. C’est de la sorte que les missionnaires catholiques et protestants, farouchement attachés à leur vision particulière de la Bible, répandaient les uns et les autres la parole du Christ ; les capitalistes et les anticapitalistes, les marxistes et les anti-marxistes, qui pénétraient l’Afrique s’accrochaient aveuglément aux mêmes principes clés. Les uns et les autres prêchaient la supériorité de la civilisation judéo-chrétienne ou gréco-romaine. Leur vision du monde est fondée sur le darwinisme social dont le fondement est l’idée selon laquelle l’homme doit exercer sa domination sur la nature et sur les autres hommes.
 
L’alibi commode est qu’il y a essentiellement des gouvernants et des gouvernés. Ces derniers doivent se résigner à la pauvreté et accepter les conditions de leur domination. Aussi, s’il existait de violentes divergences entre communistes et capitalistes ou entre socialistes et libéraux sur la manière de partager les fruits de la nature ou du travail, ils voyaient tous la nature et le travail d’un même œil. Les uns et les autres se sont lancés allègrement dans le pillage effréné des ressources de la planète, déversant par leurs industries des vapeurs empoisonnées dans l’atmosphère, déboisant des régions entières dans leur quête sans limite du profit et faisant la guerre partout où c’était nécessaire pour leur domination.
 
Pour assujettir le reste de l’humanité, ils ont mis en place un ordre mondial dont les conséquences sont aujourd’hui dévastatrices et funestes. Du Programme d’Ajustement Structurel (PAS) au Programme des Pays Pauvres et Très Endettés (PPTE), ils sont parvenus à imposer finalement aux peuples européens leur Programme d’Austérité contre lequel se rebellent les dirigeants grecs avec le soutien du peuple grec. Les autres peuples européens, déroutés et subissant amèrement les conséquences sinistres de la politique de financiarisation extrême des économies, se révoltent en votant de plus en plus pour des partis d’extrême droite. C’est en prévoyant les crises actuelles que nous avions proposé la mise en œuvre d’un plan de co-développement entre l’Europe et les Pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP). J’avais développé le concept et son utilité à mon passage au Ministère français de la coopération et du développement avec le soutien du Ministre Jean-Pierre COT. J’avais fait sa promotion en tant que membre du Parlement Européen des jeunes auprès des parlementaires européens pour enrichir la Convention ACP-CEE de Lomé et soutenir la candidature de notre pays pour la signature de la Convention. Avec mes amis du Mouvement Européen, de la Maison de l’Europe de Paris et en tant que Président de l’association ACP-CEE, nous avons organisé le 28 Février 1984 au Grand Amphithéâtre de la Sorbonne sous la présidence du Président Léopold Sedar Senghor et la participation effective à la tribune du Président Edgar Faure, de l’académicien Louis Leprince-Ringuet, du recteur de l’académie de Paris Madame Hélène Arhweiller, du Président de la Sorbonne Jacques Bompaire, etc, pour appeler les étudiants d’Europe et ceux des ACP à s’engager pleinement pour travailler en commun pour la promotion et la réalisation des idéaux du co-développement. C’est donc avec tristesse que nous avions constaté que le concept du co-développement avait été abandonné pour celui du développement durable.
 
Nous pouvons recenser maintenant tous les courants qui semblent nous mener irrésistiblement à la catastrophe. Nous avons le sentiment que les gouvernants politiques sont soumis à l’oligarchie financière supranationale et qu’ils sont paralysés. Les événements se déroulent dans une apparente incohérence. Un raz de marée de violences déferle sur le Moyen-Orient, sur l’Afrique et nous nous débattons au milieu de courants politiques, économiques et sociaux extravagants. Les systèmes de valeurs craquent ou s’écroulent et les peuples ont le sentiment que les décisions de leurs gouvernants sont décousues ou inopérantes.
 
Il est impératif qu’après avoir appréhendé la signification profonde des événements, qui semblent isolés les uns des autres, nous ne continuons à vouloir entrer dans l’avenir en laissant des millions de personnes dans la misère et en titubant sans plan et sans espoir. Pourtant, il n’est pas difficile de définir un cadre intellectuel systématique permettant d’identifier les forces antagonistes à l’œuvre dans le monde. Pour y parvenir, nous devons éviter les confrontations et nous battre pour remettre en cause la plupart de nos prédicats traditionnels, nos anciens modes de pensée, nos anciens dogmes, nos anciennes formulations, nos anciennes idéologies, autrefois si utiles mais qui ne correspondent plus aux réalités d’aujourd’hui.
 
Les nouvelles technologies, les nouveaux rapports géopolitiques, les nouveaux styles de vie, les nouveaux moyens de communication exigent des idées, des catégories et des concepts entièrement neufs. Les attitudes et les mentalités orthodoxes ne sont plus de saison. Le passé nous enseigne qu’il y a eu des batailles parmi les plus féroces dans les pays aujourd’hui développés et démocratiques. Le coup d’Etat de Cromwell en Angleterre, les révolutions françaises, la guerre de sécession aux Etats-Unis, les assassinats de Abraham Lincoln, de John Kennedy et de son frère Robert Kennedy, les luttes de classe en Pologne et en Union Soviétique, la longue marche ou la révolution culturelle en Chine, etc, sont des sommets de la barbarie humaine et de la virulence accrue des batailles politiques et sociales.
 
Désormais, les heurts violents entre les groupes politiques rivaux du passé ne se développent plus de la même manière. Ces groupes font d’ailleurs un front commun implicite contre les nouvelles forces politiques, qui cherchent à réaliser la synthèse ou qui remettent en cause leur accord tacite de partage du pouvoir et de l’alternance par les élections. C’est la raison pour laquelle les partis politiques, dont les structures sont aussi périmées que leurs idéologies, donnent l’impression d’être chacun l’image déformée de l’autre. En France, il n’y a plus un grand nombre de français pour faire la différence entre les socialistes au pouvoir et l’UMP ou les Républicains. D’ailleurs, les socialistes ne sont-ils pas aussi des républicains ? En Allemagne, la CDU gouverne avec le SPD. Qu’importe donc la manœuvre pour parvenir au pouvoir, le premier objectif des partis en occident est d’abord et avant tout la sauvegarde de l’ordre économique, financier, social et industriel agonisant.
 
Pour la paix dans notre pays et pour notre salut, il nous faut expérimenter une forme de démocratie anticipatrice, plus directe et favorable aussi aux minorités. C’est crucial pour la réhabilitation de notre génération et pour le bonheur de nos enfants. Pendant 25 années, la crise politique permanente a profondément déréglé notre vie. Elle a provoqué des malheurs dans nos familles. Elle nous empêche de mener des réflexions sérieuses sur le choix du type de société que nous souhaitons léguer à nos enfants. Les grandes décisions ne peuvent pas être prises dans le cadre politique permanemment conflictuel et étroit actuel car elles nécessitent la cohésion sociale, l’adhésion massive des populations et l’ardeur au travail de tous les citoyens. Les réalités nouvelles ne peuvent plus s’accommoder avec les concepts archaïques de la démocratie représentative majoritaire. Cela signifie qu’il ne peut plus y avoir une majorité gouvernant et une opposition unique contestataire. Presque tous les pays européens vivent cette réalité avec des frondeurs au sein même des partis au pouvoir comme dans les oppositions. La posture d’une opposition cherchant à se débarrasser à tout prix du pouvoir en place ou à écarter les autres partis minoritaires est tout aussi désuète que néfaste. Chacun d’entre nous doit être utile à la société, tout en étant humble car aucun savoir ne peut être total de nos jours. Une nation a besoin de tous ses enfants pour sa construction. C’est l’exemple que nous donne l’Allemagne avec la CDU et le SPD gouvernant ensemble.
 
Nous devons reforger notre foi et solliciter le concours de la divine providence pour nous fortifier afin que nous puissions nous pardonner réciproquement. Comme la nouvelle marche hier à une époque de triomphalisme sur notre continent du monopartisme, nous devons ici et maintenant engager un nouveau départ pour préserver la paix sociale et nous attaquer de front à nos problèmes. Nous sommes capables de réorienter notre destinée, en créant un nouveau système politique, économique, social et moral, qui protègera les libertés de tous nos compatriotes et leur assurera la dignité et le bien-être. Pour cela, nous devons triompher de nos ressentiments, de nos rancœurs, avoir de la compassion pour nos frères et sœurs, apaiser nos cœurs en souffrance, faire confiance à Dieu et admettre avec l’ecclésiaste que tout est vanité dans ce monde.
 
Il nous faut faire preuve d’humilité personnelle mais de grande ambition pour notre patrie et d’un audacieux esprit d’innovation pour pouvoir participer à la transformation en profondeur de notre société. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il serait surprenant que nos pays échappent au chaos qu’avaient connu les nations devenues démocratiques aujourd’hui sans de la modération, de la sagesse et du courage. Les nations occidentales réalisent-elles les désordres et les tragédies sanglantes que leurs intimations à adopter la démocratie représentative produisent dans des pays fragiles comme l’Irak, la Syrie, la Libye, etc ? Ne voyons-nous pas ce que la révolution orange a créé en Ukraine et les malheurs du peuple ukrainien ? Que peut-on attendre de la RDC, de la RCA, du Burundi ? Qu’est-ce qui provoque les migrations forcées à travers la méditerranée, la Turquie, la Serbie vers l’Europe occidentale ?
 
Nous devons savoir que les instabilités sociales et les incertitudes politiques peuvent libérer des énergies d’une brutalité inouïe. Tout dépend et dépendra de la plasticité et de l’intelligence de nos élites politiques et sociales. Nous avons tout à gagner en veillant à ce que les changements nécessaires s’effectuent pacifiquement. La volonté de défendre ce qui est périmé et injuste crée le danger de sanglants affrontements. Il est également vrai que la volonté de révolutionner un peuple tolérant de nature provoque de longues convulsions violentes. Nous sommes suffisamment intelligents pour dégager un ample éventail de propositions de restructuration politique et pour ouvrir les vannes d’un torrent d’idées neuves.
 
Nous savons tous qu’il y a actuellement une désillusion largement partagée, une sourde colère et de l’amertume dans notre société. Au lieu de les laisser se transformer en fureur frénétique, agissons pour qu’elles deviennent plutôt les leviers d’un processus de reconstruction de notre démocratie. Chacun étant comptable du changement, il doit commencer par se changer lui-même. Toute proposition nouvelle n’est pas irréalisable. C’est d’elle qu’émane souvent et toujours le changement. Soyons au Togo les pionniers de la démocratie du 21è siècle et les enfants de Dieu engagés pour la paix, la grandeur de notre patrie et le bonheur de nous tous. C’est la seule voie pour que le Togo devienne l’or de l’humanité.
 
Nicolas LAWSON
Président IAE – TOGO.

 

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