Nouveau coup de force contre Bodjona, la Cour Suprême s’enlise dans le non-droit


abdoulaye_yaya


Après avoir inhumé samedi un de leurs braconniers du droit, les magistrats de la Cour Suprême du Togo se sont retrouvés ce jeudi pour leur dernière audience avant leurs vacances.
 
Et comme on pouvait s’y attendre et vu le niveau de la fronde politique dressée contre l’ancien Ministre Pascal Bdjona, son recours a été purement et simplement rejeté y compris la requête d’incompétence soulevée par les avocats de ce dernier contre les juges Yaya et Bassa qui avaient déjà connu de son dossier il y a seulement quelques mois.
 
Le peu que l’on puisse dire, c’est que le Prince a ainsi fini de brader toutes les institutions de la République pour installer définitivement sa dictature hors pair au Togo et sur les togolais.
 
Pour éviter trop de commentaires qui prêteraient à confusion, nous proposons à nos lecteurs, tout le pourvoi formulé par Pascal Bodjona et ses conseils, en vue de leur permettre d’apprécier par eux-mêmes la pertinence des points de droit soulevés par ceux-ci.
 
 
 REQUETE A FIN DE POURVOI EN CASSATION
 A
Monsieur le Président et Messieurs les Conseillers composant la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême du Togo
 
POUR  : BODJONA Akoussoulèlou Pascal
 Demandeur au pourvoi…………………………Me Ahlonko Robert DOVI
 Me TALBOUSSOUMA Euloge
 Me TCHASSANTE-T. Gbati
 Me AGBAHEY Edoh
 Me APEVON Dodji
  Me LAWSON Latévi Georges
 Me KPANDE-ADZARE Raphael
  Me AMEGAVI Manavi Isabelle
 Me AJAVON Zeus
 Me AFANGBEDJI K. Jil Benoit
 Me ABI Tchessa
 
CONTRE : – Ministère Public
Défendeur au pourvoi ………………………………………..Procureur Général
 
ABASS AL Youssef
Défendeur au pourvoi …………………………………………En personne
 
 PLAISE A LA CHAMBRE JUDICIAIRE DE LA COUR SUPREME
Statuant sur le pourvoi No 002/14 formé le 15 janvier 2014 contre l’arrêt No 005/2014 rendu le 14 janvier 2014 par la Chambre d’Accusation de la Cour d’Appel de Lomé ;
 
EN LA FORME
 
Le pourvoi ayant été formé dans les forme et délai de la loi, il convient de le déclarer recevable ;
 
AU FOND
 
Suivant arrêt No 05/2014 rendu le 14 janvier 2014, la chambre d’accusation de la cour d’appel de Lomé a rendu la décision ci-après :
 
« Statuant en chambre du conseil contradictoirement à l’égard de l’inculpé Pascal Akoussoulèlou BODJONA, par défaut à l’égard de la partie civile et sur requête de l’inculpé ;
  En la forme
Reçoit BODJONA Pascal Akoussoulèlou en sa requête
 Au Fond
Le dit partiellement fondé ;
 
Annule le Procès-verbal d’audition de Pascal Akoussoulèlou BODJONA faite par le Service de Recherches d’Investigations de la Gendarmerie Nationale en date du 18 mars 2011 (doc No 5 sur l’enquête préliminaire)
 
Déboute l’inculpé Pascal Akoussoulèlou BODJONA du chef des autres demandes
 
Réserve les dépens »
 
Cette bien curieuse approche de la chambre d’accusation en rapport avec les exigences juridiques liées à l’espèce, trahit des insuffisances qui font dangereusement offense aux prescrits légaux et jurisprudentielles, toutes choses qui justifient amplement une utile contribution de la cour suprême.
 
C’est à cette fin que le Ministre Pascal Akoussoulèlou BODJONA a du, à son corps défendant, formaliser un pourvoi en cassation le 15 janvier 2014 contre l’arrêt No 005/2014 rendu le 14 janvier par la Chambre d’Accusation ( Doc No 1 Bis et P)
 
Pour permettre à la cour de s’ouvrir conséquemment à une saine compréhension des circonstances de la cause, un édifiant rappel des faits et de la procédure s’impose, utile préalable qui conduira à l’articulation des moyens de droit qui sous-tendent le pourvoi formé par Monsieur le Ministre Pascal BODJONA.
 
 • FAITS ET PROCEDURE
 
Dans le but de donner corps à une volonté acharnée de rentrer, à tous prix, en condamnation pénale contre le Ministre BODJONA, une information sera ouverte sur le fondement d’une 1ère plainte présentée le 02 mars 2011 par le Sieur Abbas Al YOUSEF pour des faits d’escroquerie et de complicité d’escroquerie.

 
Poursuivant l’information ouverte contre les présumés auteurs des faits articulés par Abbas Al YOUSEF dans cette 1ère plainte, l’accusation ne trainera point les choses. Aussi, dès le 18 mars 2011, le Ministre BODJONA sera entendu comme témoin par la Gendarmerie Nationale sur réquisition de Monsieur le Procureur de la République le tout, en violation criante de l’article 422 du code de procédure Pénale.

 
L’implication de la Gendarmerie dans le traitement de l’information ouverte contre le Ministre BODJONA nécessitait déjà un débat pour clarifier la portée de l’article 422 du CPP et éviter toute spéculation y relative quant à son impact sur la procédure telle diligentée contre BODJONA depuis ce 18 mars 2011, étant bien évident que la procédure dont pourvoi n’est que le prolongement de cette diligence fortement viciée le 18 mars 2011 par la gendarmerie Nationale (Doc No PG : Monsieur le PG reconnaissant dans son réquisitoire de saisine de la chambre d’accusation en date du 6 janvier 2014 dans l’affaire dont pourvoi ce qui suit :
 
« Attendu enfin que c’est à tort que l’inculpé parle de la procédure initiée par le juge d’instruction le 04 décembre 2013, alors qu’aucune autre nouvelle procédure n’a été initiée contre lui à cette date ; qu’en effet, le 04 décembre 2013, le juge d’instruction a simplement inculpé BODJONA Pascal Akoussoulèlou dans une vielle procédure d’information ouverte suivant réquisitoire introductif en date du 23 mars 2011 »
 
Ainsi donc, au dire de l’accusation elle-même, le 04 décembre 2013, Monsieur le Magistrat instructeur du 4ème cabinet s’était bel et bien obstiné à construire son édifice procédurale sur une fondation entièrement et complètement érodée par l’intervention inappropriée de la gendarmerie dans le traitement du dossier, à un moment où seul Monsieur le Président de la cour d’appel pouvait le faire en vertu de l’article 422 du CPP !!!
 
A partir de cette affirmation unanimement partagée, toutes les parties en cause doivent se rendre à l’évidence de ce que la cause est entendue, qu’elle est bel et bien entendue, tellement est-il désormais indéniablement établi que ce 04 décembre 2013, Monsieur le Magistrat instructeur du 4ème cabinet a tout simplement et de la manière la plus inappropriée, essayé de tisser sur une corde entièrement pourrie et insusceptible de produire effets.
 
Dès lors, l’on peut se demander pourquoi s’obstine-t-on à entretenir une fausse querelle suivant des motifs difficiles à cerner et sur des bases juridiques profondément corrompues ?
 
A la vérité, il faut bien souligner que ce débat ne devrait même pas avoir lieu en respect scrupuleux àla position sans équivoque développée par la cour suprême qui, restituant à l’article 422 du CPP sa portée conforme, précisera dans son arrêt No 48/12 la structure légalement habilitée à recevoir la déposition du Ministre BODJONA au sens dudit article 422 CPP (Doc No 3 : arrêt No 48/12 rendu le 20 juin 2012 par la chambre judiciaire de la cour suprême).
 
On en était là quand, contre toute attente, après le remaniement ministériel intervenu le 31 juillet 2012, Monsieur le Ministre BODJONA Akoussoulèlou Pascal se retrouvera le 10 août 2012 devant le Juge en charge du 4ème Cabinet d’instruction sur convocation de ce dernier, et a été entendu comme témoin sous la foi du serment conformément aux dispositions de l’article 84 du code de procédure pénale.
 
Plus grave, l’on rappellera que dans son acharnement à vouloir absolument rentrer en condamnation contre BODJONA, l’accusation commettra la plus monstrueuse des maladresses en soutenant une 2ème plainte diligentée par le même plaignant pour les mêmes faits, 2ème plainte dont le traitement était initialement confié au 1er cabinet d’instruction.
 
Edifiantes à ce propos sont les vaines et hasardeuses tentatives du magistrat instructeur visant à retenir absolument l’inculpation de BODJONA aussi bien, toute cette longue et inutile poursuite développée par l’accusation autour de cette fameuse 2ème plainte a dû aboutir le 06 décembre 2013 à l’annulation pure et simple de toute la procédure fondée sur ladite deuxième plainte à laquelle était, rappelons le, jointe la première. (Autre maladresse susceptible d’impacter fondamentalement tout le dossier en faveur de BODJONA) -Doc No 6 et 6 Bis
 
L’on lira en effet dans ladite décision No 169/2013 rendue le 06 décembre 2013 par la chambre d’accusation notamment ce qui suit :
 
« Statuant en chambre de conseil et sur saisine du Ministère Public et de l’inculpé BODJONA Akoussoulèlou Pascal ;
 
En la Forme :
 
Reçoit les saisines du Ministère Public et de l’inculpé ;
 
Au Fond
 
Les déclare fondées
 
Annule purement et simplement la procédure initiée contre l’inculpé BODJONA Akoussoulèlou Pascal devant le premier cabinet d’instruction pour complicité d’escroquerie »
 
Met les dépens à la charge du Trésor Public (Doc No 6 et 6 Bis).
 
Victoire de la raison et de la rigueur juridique à même d’apporter une sérénité dans les débats ; il fallait donc s’en féliciter !
 
Mais seulement voilà, l’accusation, toujours égale à elle-même, n’a pas su exploiter avec pertinence et perspicacité cette brèche à elle si généreusement ouverte par l’annulation de la 2ème plainte.
 
Aussi bien, l’accusation va-t-elle exceller de plus bel, de maladresses en maladresses, de couacs en couacs pour servir sur un plateau d’or à la défense, toutes les raisons susceptibles de remettre, une fois encore, en cause la reprise de la poursuite conduite sur le fondement de la 1ère plainte du 02 mars 2011 !
 
La remise en cause d’une telle procédure amplement gorgée de vices s’impose d’autant qu’elle mettra en évidence, par ailleurs, de criantes insuffisances en conflit notamment avec les articles :
 
84-144-145-159-422-178 du Code de Procédure Pénal, le tout, au mépris magistral des considérations à tirer des arrêts ci-après :
 
-Arrêt No 009//12 du 23 janvier 2012 (Doc No 2)
-Arrêt No 169/2013 rendu le 06 décembre 2013 par la Chambre d’accusation (Doc No 6 Bis)
-Arrêt No 22/13 rendu le 24 janvier 2013 par la chambre d’accusation (Doc No 3 bis)
-Arrêt No 48/12 rendu le 20 juin 2012 par la cour suprême du Togo (Doc No 3)
 
En effet, le 04 décembre 2013, à un moment où le Ministre BODJONA souffrait déjà les affres d’une première inculpation retenue contre lui de la manière la plus cavalière, inculpation au demeurant renforcée par un contrôle judiciaire plutôt drastique,
 
À un moment où la chambre d’accusation était déjà saisie de la demande tendant à voir prononcer la nullité de la procédure sus diligentée sur le fondement de la 2ème plainte,
 
À un moment où ladite chambre ne s’était pas encore prononcée sur la demande ainsi soumise à son appréciation,
 
Ce 04 décembre donc, sur le fondement de la 1ère plainte, le Ministre BODJONA sera, dans une précipitation particulièrement suicidaire et contre toute attente, convoqué, inculpé et mis sous contrôle judiciaire, faisant ainsi de lui de la manière la plus atypique, un justiciable deux fois inculpé, deux fois mis sous contrôle judiciaire le tout, sur le fondement des mêmes faits d’escroquerie et de complicité d’escroquerie articulés contre lui par le même plaignant !!!
 
 Une telle aberration procédurale aboutit indéniablement à entretenir, au même moment, par le même plaignant et contre la même personne, pour la même cause et le même objet, deux procédures parallèles portant, toutes les deux, sur les mêmes faits, le tout en offense criante à la règle non bis in idem.
 
Il va sans dire que les multiples et incessantes aberrations mises en évidence dans une telle procédure singulièrement hors paire, procédure entretenue contre toute raison par l’accusation, porte en elle-même des vices substantiels sévèrement corrosifs pour corrompre en profondeur la démarche procédurale initiée et entretenue par l’accusation et conduire fatalement à la nullité pure et simple de toute la procédure liée à la 1ère plainte, celle là même qui porte la décision objet du présent pourvoi.
 
Face à une telle situation, juridiquement et judiciairement intenable et inconcevable, la défense du Ministre BODJONA a dû saisir la chambre d’accusation par requête adressée le 9/12/13 à Monsieur le juge en charge du 4ème cabinet d’instruction, pour voir redresser les torts à lui causés par cette reprise inopportune et inappropriée de l’instruction du dossier dans les conditions sus rappelées.

 
Ladite requête qui sert de base à la saisine de la Chambre d’accusation sera développée autour de sept moyens de droit articulés dans le mémoire présenté devant la chambre d’accusation le 08 janvier 2014 (Doc No M ) et fondée, en amont, sur l’incompétence ratione materiae et ratione personae de Monsieur le juge d’instruction en vertu de l’article 422 du code de procédure pénale, de l’arrêt No 48/2012 de la cour suprême (Doc No 3 ) et de la règle non bis in idem.
 
Suite à cette utile démarche procédurale de la défense, la chambre d’accusation rendra le 14 janvier 2014 l’arrêt No 05/2014 portant annulation du procès-verbal d’audition de Pascal Akoussoulèlou BODJONA par la gendarmerie Nationale le 18 mars 2011, faisant ainsi bon marché de la portée et des conséquences induites par la violation de l’article 422 du code de procédure pénale, faisant également bon marché de la demande unique du requérant visant clairement l’annulation pure et simple de toute la procédure.
 
(Lire arrêt dont pourvoi, page 2 :
 
AU FOND :
 
Attendu que……tous avocats à la cour, évoquent à l’appui de sa demande en nullité de toute la procédure…)
 
L’on remarquera en effet que pour aboutir à l’arrêt contesté, la chambre d’accusation se livrera à une gymnastique de dénaturation périlleuse des moyens et demandes présentées par la défense pour tenter de justifier l’injustifiable au risque de s’induire en erreur dans la compréhension, la portée et les conséquences juridiques à tirer des textes et jurisprudences de référence.
 
Dès lors, une telle décision en total déphasage tant avec les réalités factuelles, textuelles, jurisprudentielles que doctrinales, est tout simplement dangereuse et appelle, de toute urgence, une nécessaire remise en ordre par la cour suprême.
 
C’est ces nombreuses insuffisances reprochées à la Chambre d’accusation qui motivent le présent pourvoi formé contre l’arrêt No 005/2014 du 14 janvier 2014 qu’il plaira à la cour suprême d’apprécier à travers les cinq (5) moyens de droits ci- après :
 
II- MOYENS DE CASSATION
 
*1er MOYEN TIRE DE LA MAUVAISE APPLICATIONDE L’ARTICLE 422 DU CPP EN TOUTE SES BRANCHES
 
Préalablement aux débats, en tout état de cause, il n’est point superflu de souligner que l’art 422 rend compte de la volonté du législateur de soustraire les membres du gouvernement de la procédure de droit commun, pour les soumettre à une procédure spéciale, comme l’art 442 CPP l’a fait pour les magistrats de l’ordre judiciaire et l’art 447 CPP pour quelques autorités administratives subalternes.
 
Rappelons que l’article 422 CPP alinéa 2 et 3 dispose en substance :
 
« ……….. Les membres du gouvernement ne peuvent témoigner qu’après autorisation écrite donnée par le Président de la République. La demande est transmise avec le dossier par l’intermédiaire du Garde des sceaux, ministre de la justice.
 
Leur déposition est, dans ce cas, reçue par écrit dans la demeure ou le cabinet du témoin par le président de la cour d’appel »
 
Bien entendu, les termes dudit article ne souffrant d’aucune ambiguïté, le juge reste tenu au respect strict de ses prescriptions.
 
Il est reproché à l’arrêt dont pourvoi d’avoir fait bon marché de l’exception d’incompétence alors même qu’il est constant et non contesté que ladite exception a été, de surcroit, soulevée in limine litis (ce qui n’était du reste pas indispensable) et d’autant plus qu’elle aurait même pu être soulevée d’office.
 
Pour une lecture conséquente et édifiante des observations qui vont suivre, ce 1er moyen sera analysé en ses trois branches, lesquelles convergent, toutes, à l’annulation pure et simple de toute la procédure liée à la 1ère plainte à savoir :
 
a)-Nullité absolue fondée sur l’incompétence du juge d’instruction en vertu de l’article 422 CPP alinéa 2
 
b)-Nullité absolue définie à l’article 422 alinéa 3 et confortée par l’inobservation des acquis clairement consacrés par l’arrêt No 48/2012 de la cour suprême, réglant ainsi le débat quant à l’autorité judiciaire habilitée à recevoir la déposition du Ministre BODJONA.
 
c)Nullité absolue liée à l’appréciation erronée du critère d’application de l’article 422 dans le temps
 
En tout état de cause, il est utilement de rappeler qu’en matière pénale les règles de compétence sont toujours d’ordre public et leur méconnaissance entraine l’application des règles qui gouvernent les nullités absolues.
 
En effet :
 
Les règles de procédure et de compétence tirent leur source de l’intérêt général, elles sont d’ordre public et prescrites à peine de nullité absolue, le procureur doit les interroger avant de déclencher l’action publique parce qu’il n’est que le serviteur de ces lois ;
 
 Elles sont immuables et ne peuvent fléchir ;
 
L’ordre des juridictions domine toutes circonstances de fait, toutes les considérations qu’on pourrait faire valoir dans chaque procès » :
 
(Crim. 14 févr. 1868 S. 1868,1, 418- Crim. 08 mars 1961, Bull.crim., n°145-Crim. 2 juill. 1970, n°70-91. 678, Bull.crim., n°227).
 
Et selon une jurisprudence jamais reniée par la Cour de Cassation :
 
« L’exception d’incompétence peut être soulevée en tout état de cause et même pour la première fois devant la Cour de Cassation  » :
 
 (Crim. 22 nov. 1934, Bull. Crim., n° 201. Crim. 15 avr. 1948, Bull. Crim. n° 104- Crim. 4 janv. 1978, n°76-92 446, Bull. Crim. n° 6. Crim., n° 121).
 
Il en résulte que toute juridiction doit vérifier sa compétence, même d’office.
 
Ceci étant précisé, passons à l’analyse des différentes branches.
 
A) 1ère branche :
 
 NULLITE ABSOLUE FONDEE SUR L’INCOMPETENCE RELATIVEMENT A L’ABSENCE DE L’AUTORISATION ECRITE DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE.
 
Rappelons que le 09 décembre 2013, dans sa requête portant saisine de la Chambre d’accusation, la défense du Ministre BODJONA écrivait notamment ce qui suit :
 
« Les motifs qui sous-tendent la présente démarche du Ministre BODJONA seront articulés notamment autour de trois points :
 
….3- Motif tiré de l’incompétence du juge d’instruction et ce, en ses deux branches :
 
 • Incompétence ratione materiae
 
 • Incompétence ratione personae, l’inobservation de l’article 422 du CPP »

 
Dès lors et dans la mesure où il est constant que cette exception d’incompétence a été soulevée par la défense (et de surcroit in limine litis), la Chambre d’accusation se devait d’apporter réponse en rapport avec les exigences liées à l’article 422 CPP alinéa 2 qui dispose en substance :
 
« ……….. Les membres du gouvernement ne peuvent témoigner qu’après autorisation écrite donnée par le Président de la République. La demande est transmise avec le dossier par l’intermédiaire du Garde des sceaux, ministre de la justice »
 
Tels sont les termes, on ne peut plus clairs, définissant les conditions de forme et de compétence prévues à peine de nullité à l’art 422 du CPP alinéa 2
 
En tout état de cause, il conviendra de noter utilement que de la même manière que la gendarmerie est incompétente à recevoir la déposition du Ministre BODJONA ce 18 mars 2011, de même Monsieur le Magistrat instructeur est incompétent pour, ce 04 décembre 2013, à suivre contre BODJONA l’information ouverte sur le fondement de la 1ère plainte aussi bien, l’inobservation, tant par la gendarmerie que par le juge d’instruction, des préalables prévus à l’article 422 CPP emporte à l’endroit de ces deux autorités, une incompétence et par voie de conséquence, la nullité de toute la procédure ensemble avec toutes les pièces subséquentes.
 
Observons les conditions prévues à peine de nullité par l’article 422 CPP :
 
Pour retenir sa compétence comme il a cru pouvoir le faire ce 04 décembre 2013, le Magistrat instructeur était préalablement tenu de prendre en considération, et les formalités préalables prévues à l’article 422 CPP, et l’autorité judiciaire habilitée à accomplir une telle diligence.
 
Deux considérations se dégagent ainsi des prescrits de l’article 422 CPP à savoir :
 
-La formalité liée à l’autorisation écrite du Président de la République
 
-L’autorité judiciaire à même de recevoir une telle déposition.
 
Relativement à ces deux conditions édictées par l’article 422 CPP, il faut dire que Monsieur le Magistrat instructeur du 4ème cabinet, à la suite de la gendarmerie agissant sur instruction de Monsieur le Procureur de la République, a tout simplement choisi de marcher sur cette volonté exprimée du législateur en procédant à l’audition du Ministre BODJONA sans se préoccuper aucunement de faire siennes les conditions préalables édictées à l’article 422 CPP.
 
A ce mépris souverain affiché par le Magistrat instructeur, la Chambre d’accusation, au lieu de verser dans une interprétation absolument erronée, aurait dû apporter la sanction qui s’impose en relevant l’incompétence du Magistrat instructeur en vertu du non respect des prescrits de l’article 422 en son alinéa 2, toutes choses qui concourent à la cassation certaine de l’arrêt dont pourvoi.
 
Pour revenir sur cette autorisation expresse préalable et écrite du Président de la république lui-même, Il est utilement rappelé que de cette exigence découle le caractère d’ordre public de l’article 422, dès lors qu’il impose au Président de la République le respect d’une forme rigide, l’écrit.
 
Si la loi exige du Président de la République un écrit pour donner son autorisation, c’est que son refus d’autorisation est présumé par l’absence de cet ECRIT.
 
Ainsi donc, sans écrit autorisant l’audition du Ministre BODJONA, tout acte de procédure, peu importe par qui il fut accompli (Gendarmerie Nationale, Magistrat instructeur ou même le Président de la Chambre d’accusation !) visant des faits qui auraient été commis sur la période où il exerçait ses fonctions de Ministre, est NUL et d’une nullité absolue.
 
Dès lors que la Chambre d’Accusation a constaté elle-même que le service des Renseignements et des Investigations de la Gendarmerie nationale a auditionné le Ministre BODJONA Akoussoulèlou Pascal sans autorisation écrite préalable du Président de la République, elle devait annuler par voie de conséquence, toute la procédure qui a été initiée contre lui dans le prolongement de cette audition.
 
 Rappelons-nous utilement que la Chambre criminelle de la Cour de cassation considère en effet que :
 
« Les actes subséquents sont viciés par contagion par l’acte dont l’irrégularité a été constatée » (Crim 22 janvier 1953, J.C.P. 1995, II, 7456. Crim. 26 janvier 2000, Bull. N° 46).
 
En d’autres termes, « sont nuls les actes qui procèdent d’actes eux-mêmes annulés  » (Crim. 4 juin 1997, B.C N° 221, procédure, 1997, commun 296, Obs. J. buisson) ;
 
 Dans le même esprit et suivant la même logique, dès lors qu’il est constant que le Magistrat instructeur du 4ème cabinet a, le 04 décembre 2013, auditionné le Ministre BODJONA sans autorisation préalable du Chef de l’Etat, la chambre d’accusation ne pouvait plus passer sous silence cette insuffisance qui caractérise amplement l’incompétence du juge d’instruction du 4ème cabinet sans violer royalement les édifiantes dispositions de l’article 422 alinéa 2, surtout que, de l’aveu express de Monsieur le Procureur Général lui-même, ce 04 décembre 2013, le Magistrat instructeur du 4ème cabinet n’a initié aucune procédure nouvelle mais aura simplement inculpé BODJONA Pascal Akoussoulèlou dans une vielle procédure d’information ouverte suivant réquisitoire introductif en date du 23 mars 2011

 
En clair, ce 04 décembre 2013, le Magistrat instructeur du 4 ème cabinet n’a initié aucune nouvelle procédure, mais a tout simplement repris l’instruction du dossier suivant réquisitoire introductif pris le 23 mars 2011 sur la base du Procès verbal d’audition du Ministre BODJONA établi par la gendarmerie Nationale le 18 mars 2011 !
 
A partir de cet instant, il faut se rendre à l’évidence de ce que cette intervention inopportune et inappropriée du Magistrat instructeur est empreinte de vices et ce, dans tous les cas de figure :
 
-Ladite intervention est en effet sujette à nullité pour n’avoir pas respecté les prescrits de l’article 422 CPP
 
-Elle est aussi nulle pour avoir été conduite sans tenir compte des éclairages fournis par l’arrêt No 48/12 rendu par la cour suprême le 20 juin 2012
 
-Elle est également nulle pour être construite sur une vielle procédure elle-même nulle pour non respect de l’article 422 CPP (la vielle procédure du 18 mars 2011 par la gendarmerie)
 
-Elle est aussi nulle pour être entretenue au mépris de la règle non bis in idem.
 
Dans le même ordre d’idée et la même logique, l’on peut comprendre aisément pourquoi il est juridiquement insoutenable que le procureur général près la chambre judiciaire engage et exerce l’action publique contre un magistrat de l’ordre judiciaire qui n’appartient pas à la cour suprême sans avoir préalablement sollicité et RECU des instructions de poursuites du ministre de la justice (art 442) mutadis mutandis pour l’application de l’art 422 en l’espèce.
 
Par la force des insuffisances liées au non respect de l’article 422 en son alinéa 2, l’arrêt querellé doit souffrir la sanction de la cour suprême.
 
B) -2ème branche :
 
 NULLITE ABSOLUE TIRE DE L’INCOMPETENCE EN VERTU DE L’ARTICLE 422 alinea 3 ET DE L’INOBSERVATION DE L’ARRET No 48/12 DE LA COUR SUPREME.
 
Qui donc peut auditionner BODJONA sous réserve de l’autorisation écrite du Président de la République ?
 
L’article 422 al 3 nous en fourni la réponse lorsqu’il dispose comme suit :
 
« Leur déposition est, dans ce cas, reçue par écrit dans la demeure ou le cabinet du témoin par le président de la cour d’appel »
 
Ainsi apparait-il sans ambiguïté aucune, que Seul le Président de la cour d’appel à l’exclusion de tout autre magistrat à pouvoir à accomplir cette diligence.
 
A ce propos justement, s’il est vrai quela Chambre d’Accusationde la Cour d’Appel de Lomé a, elle aussi, adhéré au principe du bénéfice du privilège de juridiction en faveur de BODJONA dans son arrêt N° 009/2012 en date du 23 janvier 2012, il n’en demeure que cette option trahit cependant une insuffisance en désignant pour la recevoir, le Président de ladite Chambre d’accusation.
 
Aussi bien, pour remettre les choses en ordre conforme aux prescrits de l’article 422 du CPP, la Chambre judiciaire de la Cour Suprême a, par arrêt N°48/12 rendu le 20 juin 2012, cassé l’arrêt N°009/2012 de la Chambre d’Accusation en ce qu’il a dit que la déposition du Ministre BODJONA Akoussoulèlou Pascal sera reçue par le Président de ladite Chambre d’Accusation (Doc No 2) et la cour suprême de préciser que seul le Président de la cour d’appel est habilité à recevoir une telle déposition et non le Président de la chambre d’accusation :
 
 « Casse et annule l’arrêt No 009/2012 rendu le 23 janvier 2012 par la chambre d’accusation de la cour d’appel de Lomé, en ce qu’il a dit que la déposition du Ministre BODJONA Akoussoulèlou Pascal sera reçue par le Président de la chambre d’accusation au lieu du Président de la cour d’appel de Lomé »

 
S’il en est ainsi, quid des diligences accomplies le 04 décembre 2013 par Monsieur le Magistrat instructeur du 4ème cabinet dans le cadre de la présente affaire dont pourvoi ?
 
La réponse à cette question va de soi !
 
Il est en effet clair et éloquemment acquis que le fait d’avoir entendu le Ministre BODJONA le 18 mars 2011 par la gendarmerie Nationale, ou même d’avoir cru pouvoir retenir la compétence de Monsieur le Président de la Chambre d’accusation à cette fin, est en conflit ouvert avec les édifiants prescrits de l’article 422 du Code de Procédure Pénale qui retient à cette fin, la compétence unique et exclusive du Président de la cour d’Appel lui-même.
 
Si donc, même le président de la Chambre d’accusation n’a pas compétence à auditionner BODJONA, Monsieur le juge d’instruction le serait-il alors même que la cour suprême avait déjà rappelé que seul le Président de la cour d’appel avait reçu cette compétence de par la loi ?
 
A partir de cet instant, l’on retiendra que les exigences de la loi et de la jurisprudence nous invitent à comprendre que Monsieur le Magistrat instructeur du 4ème cabinet, ou tous autres juges d’instruction, ne pouvait pas suivre contre le Ministre BODJONA ce 04 décembre 2013 sans faire offense aux prescriptions de l’article 422 CPP et à l’arrêt No 48/2012 rendu par la cour suprême le 20 juin 2012.
 
L’ayant tout de même fait au mépris évident des pertinentes indications dudit article 422 CPP, la nullité pure et simple de toute la procédure s’impose.
 
Assurément qu’à la faveur des prescrits de l’article 422 CPP confortés par la position définie par la cour suprême, l’on doit se rendre compte de ce que ce 18 mars 2011, la gendarmerie nationale a tout simplement procédé à l’audition du demandeur au pourvoi alors même qu’elle n’avait ni la compétence ni la qualité et ce, en violation flagrante de l’art 422 CPP al 3.
 
Ce faisant, la gendarmerie nationale agissant sur les instructions du Procureur de la République, a impliqué le ministre BODJONA dans une procédure à laquelle le législateur entend soustraire les membres du gouvernement pour les soumettre à la procédure édictée par le livre III du CPP : « des procédures particulières ».
 
De la même manière le 04 décembre 2013, Monsieur le Magistrat instructeur du 4ème cabinet n’avait ni qualité ni compétence à suivre contre le Ministre BODJONA aussi, le forcing par lui opéré ce 04 décembre 2013 sans se préoccuper aucunement, ni du préalable formel prévu à l’article 422 al 2, ni de la compétence de l’autorité judiciaire habilitée à cet effet, constitue, à n’en point douter, une violation délibérée des édifiantes dispositions de l’article 422 CPP.
 
*Rappelons utilement et avec insistance que cet acte de la gendarmerie nationale intitulé : « Procédure d’Enquête Préliminaire Procès verbal d’audition de témoin » (Doc No 5) ».
 
 constitue le support nécessaire de la procédure subséquente ayant conduit à l’inculpation du ministre BODJONA ;
 
Dès lors, sa nullité entraine nécessairement et fatalement l’anéantissement total et complet de tous les actes postérieurs dont il en est le fondement.
 
Dans cette logique, la procédure suivie contre le Ministre BODJONA le 04 décembre 2013 par le 4ème cabinet d’instruction avec toutes ses insuffisances en rapport avec l’article 422 CPP, l’arrêt No 48/2011, la règle non bis in idem, conduit indiscutablement et irrémédiablement à la nullité radicale et absolue de toute la procédure liée à la 1ère plainte, d’autant qu’il est désormais clairement établi que la reprise de l’instruction ce 04 décembre 2013 par le 4ème cabinet n’est que le prolongement des actes accomplis le 18 mars 2011 par la gendarmerie Nationale et ce, au dire de Monsieur le Procureur Général lui-même (Doc No PG : Réquisitoire de saisine de la Chambre)
 
N’est-ce pas vrai au sens d’une jurisprudence constante que  :
 
 « Sont nuls les actes qui procèdent d’actes eux même annulés » crim. 4 juin 1997, BC No 221, procédure, 1997, commun 296, Obs. J. buisson ?
 
Si donc l’arrêt dont pourvoi reconnait que l’implication de la gendarmerie ce 18 mars 2011 dans le traitement de l’information ouverte sur la base de la 1ère plainte du 02 mars 2011 est nulle pour être traitée en violation de l’article 422 CPP, elle se doit d’aller jusqu’au bout de sa logique en retenant la nullité pure et simple de toute la procédure assise justement sur cette 1ère plainte objet de l’audition déclarée nulle.
 
Dès lors, toute tentative destinée à s’y soustraire ne saurait produire aucun effet.
 
Bien entendu, la Cour Suprême ne saurait admettre que l’on s’abstienne, sans raison aucune, d’exécuter son arrêt N° 48/12 du 20 juin 2012 qui a prescrit l’audition du requérant par le Président de la Cour d’Appel pour justifier plus tard l’inculpation de ce dernier par le fait qu’il n’est plus ministre. (Hypothèse au demeurant absolument vaine comme il sera démontré plus loin).
 
Autrement dit, on ne peut pas s’abstenir d’exécuter cet arrêt en attendant de retirer au requérant la qualité de ministre et le faire inculper pour les mêmes faits incriminés ;
 
Dès lors que l’audition du Ministre BODJONA Akoussoulèlou Pascal par le Président de la Cour d’Appel a été ordonnée, si l’absence de l’autorisation du Président de la République a pu constituer valablement un obstacle à cette audition, l’annulation de l’audition faite par le Service de Renseignements et d’Investigations de la Gendarmerie Nationale, sans cette autorisation, ne peut qu’entraîner l’annulation de toute la procédure subséquente, puisque l’audition prescrite par l’article 422, alinéa 3 du code de procédure pénale est un privilège que lui reconnaît la loi, lequel ne saurait lui être retiré par un manquement, ou mieux par un refus d’exécution de l’arrêt.
 
Par ailleurs, l’on ne saurait être admis à s’abstenir de respecter les dispositions d’une décision de justice protectrices des droits d’un individu, pour invoquer plus tard contre ce dernier, l’application des textes de loi qui lui sont défavorables.
 
L’obligation pour l’Etat d’exécuter les décisions de justice est à la fois impérative et positive (Cour Européenne des Droits de l’Homme, Airey C/ Irlande 9 octobre 1979, série A, n° 32 ; J D I, 1982, 187, chron. P. Rollanes ; AFDI, 1980, 323, chron. R. Pelloux).
 
C’est pourquoi, « Elle interdit au législateur de remettre en cause les décisions de justice devenues définitives et d’intervenir dans une procédure juridictionnelle en cours en vue de modifier le dénouement du procès  » (Cour Européenne des droits de l’Homme Zielinski et Pradal Gonzalez et al. C/ France, 28 Octobre 1999, Rec. 1999. VII ; RFDA, 2002, 1254 Obs.S. Bolle. AJDA, 2000, 533, chron. J.-F Flauss ; RAP, 2000, 716 Obs., G. Gonzalez ; RTD Civ 2000, 436, obs. J.-p. Margenaud ; JCP, 2000, I, 203, n° 11, obs. F. Sudre).
 
Mieux, l’obligation d’exécuter des décisions de justice « contraint l’Etat à organiser son système juridictionnel de manière à éviter tout obstacle à l’exécution des jugements définitifs des juridictions » (Cour Européenne des Droits de l’Homme, Pibernik C/ Croatie, 4 mars 2004) ;
 
A fortiori, la modification de la situation juridique d’un individu par le fait de l’Etat qui n’a pas cru devoir lever l’obstacle à l’exécution de la décision qui protège ce dernier, ne saurait justifier la perte par celuici du droit ou mieux, du privilège que lui reconnaît la loi, lequel n’est pas détachable de la qualité qui lui ouvre droit au privilège et en constitue l’essence.
 
Autrement dit, ce que la loi ne peut pas faire, un décret ne saurait se le permettre.
 
Il va sans dire que l’arrêt déféré doit être cassé du chef de l’appréciation erronée de l’article 422, alinéa 2 et 3 du code de procédure pénale.
 
Au regard de l’interprétation juridiquement pertinente et rigoureuse consistant à annuler toute la procédure, la Cour doit faire passer l’éponge sur le fiasco judiciaire mis en évidence dans cette cause où le nommé Loïk le Flock-Prigent, un des présumés auteurs, a fait dans son ouvrage « le Mouton Noir » et continue de faire sur les médias, des déclarations qui interpellent toute personne éprise de justice sur la mise en cause de la personne du requérant ;
 
 
3ème BRANCHE : DE L’APPRECIATION ERRONEE DU CRITERE D’APPLICATION DE L’ARTICLE 422 DANS LE TEMPS.
 
L’arrêt querellé nous dit ce qui suit :
 
« Attendu que contrairement aux réquisitions du Ministère Public, la qualité de ministre s’apprécie au moment de l’audition et non au moment du recours contre cette audition » ;
 
Cette position de la chambre est manifestement erronée, même si le critère retenu par la chambre « moment de l’audition » est déjà largement compromettante pour l’accusation.
 
Dans tous les cas, Il va s’en dire que la qualité de ministre s’apprécie au moment de la commission des faits reprochés.
 
 Peu importe la date à laquelle l’audition a été faite, ainsi que la procédure subséquente :
 
Dès lors que les faits susceptibles d’être reprochés se situent au cours de l’exercice des fonctions ministérielles, l’art 422 reçoit pleine application, même après la cessation des fonctions ministérielles de la personne concernée.
 
Le demandeur au pourvoi n’a été entendu que pour des faits qui se situaient au moment où il était ministre,
 
Assurément la qualité de membre du gouvernement s’apprécie à l’évidence au moment de la commission des faits reprochés car c’est à ce moment que la présomption qui fonde l’exigence de l’autorisation écrite du Président de la République existe.
 
Conforme à cette saine et rigoureuse vision des choses, nous rappellerons qu’en France, près de 20 ans après la commission des faits reprochés dans l’affaire Karachi (1995), et alors qu’ils ne sont plus membres d’aucun gouvernement, l’ancien 1er ministre, Edouard Balladur, ainsi que son ministre du budget de l’époque, Nicolas SARKOZY (devenu Président de la République 2007-2012), sont entendus par la Cour de Justice de la République, seule compétente pour juger les membres du gouvernement !
 
Etant entendu que la cour de justice de la République(CJR) est l’instance qui enquête et juge les faits commis par des Ministres courant période de leurs fonctions.
 
Par ailleurs, c’est justement parce que la qualité de Ministre s’apprécie au moment de la commission des faits que Mme Christine LAGARDE, ancien Ministre de l’Economie et des Finances et Eric WOERTh, ancien ministre du budget, sont entendus récemment par la Cour de Justice de la République (CJR ) dans l’affaire Bernard TAPIE c/ Crédit lyonnais à un moment où, ni l’un, ni l’autre ne faisait plus partie du gouvernement.
 
 Le moment de la commission des faits reste le seul critère susceptible de conduire au bénéfice du privilège de juridiction.
 
C’est enfin parce que la qualité de Ministre s’apprécie au moment des faits reprochés que l’ancien Premier Ministre français Laurent FABIUS et l’ancien Ministre de la Solidarité Georgina DUFOIX ont été entendus par la Cour de Justice de la République dans l’affaire du sang contaminé, plusieurs années plutard, bien qu’ayant quitté le gouvernement puisque les faits à eux reprochés ont été commis pendant qu’ils étaient en fonction.
 
En l’espèce le demandeur au pourvoi a été nommé Ministre, membre du gouvernement en décembre 2007 pour en ressortir à la faveur d’un remaniement du gouvernement le 31 juillet 2012.
 
Il ressort amplement des pièces de la procédure (Procès Verbal d’interrogatoire de Première Comparution, réquisitoire introductif en date du 23 mars 2011- Doc No PG) que les faits reprochés auraient été commis courant 2008 à 2010, donc pendant qu’il était Ministre membre du gouvernement.
 
Il est donc clair que les faits en cause seraient commis pendant l’exercice des fonctions ministérielles du requérant.
 
Dès lors, l’article 422 reçoit en l’espèce, pleine application.
 
L’âge du mineur ne s’apprécie t-il pas qu’au moment de la commission de l’infraction ?
 
La cassation est indiscutablement et irrémédiablement encourue.
 
2ème MOYEN TIRE DE LA LECTURE ERRONEE DE LA REGLE NON BIS IN IDEM ET DEFAUT DE BASE LEGALE
 
 
Dans la requête de la défense portant saisine de la chambre d’accusation l’on lira ce qui suit :
 
« Ainsi, en tout état de cause, il y a lieu de faire observer entre autres, que le mercredi 04 décembre 2013, alors que la chambre d’accusation n’avait pas encore rendu sa décision d’annulation de la 2ème procédure fondée sur une 2ème plainte à laquelle était déjà jointe la 1ère plainte à savoir celle du 02 mars 2011, Monsieur le magistrat instructeur du 4ème cabinet s’est tout de même autorisé à procéder, de la manière la plus cavalière, à l’inculpation du Ministre BODJONA, qu’ainsi, en violation notamment de la règle non bis in idem, le Ministre BODJONA se retrouve avec deux inculpations fondées sur les mêmes faits ».

 
Rappelons comme il a été dit précédemment, qu’une telle aberration procédurale aboutit indéniablement à entretenir, au même moment, par le même plaignant et contre la même personne, pour la même cause et le même objet, deux procédures parallèles portant, toutes les deux, sur les mêmes faits, le tout en offense notamment à la règle non bis in idem.
 
La règle « non bis in idem » (ou « ne bis in idem »), ainsi que le requérant l’a souligné dans son mémoire déposé devant la Chambre d’Accusation, est un principe classique de la procédure pénale, déjà connu du droit romain, d’après lequel « Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement à raison des mêmes faits  ».
 
Notons utilement que le terme adopté tant par la jurisprudence que par la doctrine est bel et bien « POURSUIVI » ou « PUNI » (nul ne peut être poursuivi ou puni).
 
Aussi bien, « POURSUIVI » doit s’entendre « dès l’ouverture de l’information par le ministère public, dès les 1ers actes de l’enquête préliminaire par la Police judiciaire »
 
Bien mieux, il est même envisagé les deux hypothèses à savoir, * poursuivi ou puni pénalement* :
 
« Nul ne peut être *POURSUIVI* ou*PUNI*pénalement à raison des mêmes faits »
 
Autrement dit, *nul ne peut être poursuivi ou jugé à raison des mêmes faits*
 
Ainsi apparait-il clairement que la règle non bis in idem est applicable dans les deux cas.
 
Bien sur que cette préoccupation répond à une double exigence d’équité et de sécurité juridique.
 
Aussi-est-elle reconnue et appliquée dans l’ordre juridique interne par l’ensemble des pays respectueux de l’Etat de droit et demeure amplement portée, tant par la doctrine que par une jurisprudence conséquente ;
 
Il est dès lors surprenant de constater que contre toute attente, pour rejeter le moyen du requérant qui s’y rapporte, l’arrêt déféré a par un attendu lapidaire dit, sans fondement juridique aucun, que cette règle « ne saurait recevoir application dans une procédure d’instruction  » (page 9 de l’arrêt, dernier paragraphe) ;
 
Ce faisant, la Chambre d’Accusations’est autorisée le pouvoir de distinguer là où la règle ne l’a pas fait et pire, la chambre a surtout détruit la politique criminelle élaborée et portée par la règle non bis in idem.
 
Cette erreur de la chambre est d’autant plus grave que la Cour de cassation n’a jamais renié sa jurisprudence sur le contenu et les mérites de la règle non bis in idem lorsqu’elle dira ce qui suit :
 
« Un même fait ne peut donner lieu contre le même prévenu à deux poursuites pénales distinctes » (Crim. 19 janvier 2005, Bull.crim. N° 25 page 66).
 
En 1959, la Chambre criminelle avait déjà souligné :
 
« Qu’un seul et même fait ne peut être poursuivi ni dans deux procédures, ni sous deux qualifications différentes  », (Cass. Crim 8 Oct. 1959, Gaz. Pal.1959 II, 323).
 
Bien mieux, la jurisprudence est allée même plus loin lorsqu’elle affirme que la sanction d’une telle aberration est tout simplement la nullité pure et simple de la poursuite engagée en violation de la règle non bis in idem, laquelle règle intéresse l’ordre public et peut être invoquée à toute hauteur de la procédure ( cass crim.9 mai 1961-bull.crim. No 241 page 464).
 
La doctrine, qui contribue à la systématisation du droit, souligne pour sa part, que la maxime « non bis in idem » appartient au Droit Universel des nations.
 
Une lecture du mémoire du requérant (déposé devant la Chambre d’Accusation-Doc No M-) édifiera davantage la Cour ;
 
En tout état de cause, la raison et le droit retiennent qu’il y a eu, bel et bien ,violation de la règle non bis in idem en ce que le juge en charge du 4eme cabinet d’instruction a inculpé le Ministre BODJONA Akoussoulèlou Pascal des faits pour lesquels ce dernier avait été déjà inculpé par le Doyen des juges d’instruction dont il a hérité le dossier suite au dessaisissement opéré par le Président du Tribunal, par ordonnance du 25 octobre 2012,
 
Cette violation est d’autant plus indiscutable qu’elle est de surcroit renforcée le 04 décembre 2013 par le fait pour le 4ème cabinet d’avoir cru pouvoir poursuivre l’instruction du dossier pour les mêmes faits, à un moment où la Chambre d’accusation n’avait pas encore annulé la procédure toujours liée aux mêmes faits, suivant les mêmes incriminations et mettant en cause les mêmes parties !
 
Dès lors, il est même superfétatoire de démontrer que l’argumentation de la Chambre d’Accusation en rapport avec la règle « non bis in idem », constitue un fiasco juridique intégral qui ne peut échapper à la cassation de la cour.
 
Bien entendu, une autre insuffisance se dégage des insinuations de la chambre lorsqu’elle croira pouvoir statuer comme suit :
 
 « Mais attendu qu’en matière processuelle, un justiciable qui entend soulever l’incompétence d’un juge doit par la même occasion motiver sa requête et indiquer le juge qui selon lui est compétent pour connaitre de sa cause ; qu’il appartenait dans le cas d’espèce à l’inculpé et ses conseils, s’ils entendaient obliger le juge d’instruction à rendre une ordonnance, de procéder comme ci-dessus décrit …….. »
 
Ce faisant, la Chambre a manqué d’asseoir sa vision sur une disposition légale qui fait obligation au demandeur au pourvoi d’indiquer le juge compétent.
 
Ainsi parlera-t-elle d’une matière processuelle sans en indiquer le texte ou la règle de droit qui en serait sa béquille juridique.
 
Quelle disposition légale permettrait à l’inculpé et à ses conseils d’obliger un juge d’instruction à rendre une ordonnance, la chambre d’accusation n’en cite aucune pendant qu’il est constant que le juge n’a d’ordre qu’à recevoir de la loi
 
En statuant ainsi La chambre a privé sa décision de base légale
 
3eme MOYEN TIRE DE LA VIOLATION DES DROITS DE LA DEFENSE, ARTICLES 145, ALINEA 1er ET 159 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, ENTRAINANT DE JURE LA NULLITE DE TOUTE LA PROCEDURE.

Aux termes de l’article 145, alinéa 1er du code de procédure pénale  :
« Il y a également nullité en cas de violation des dispositions substantielles du présent titre, autres que celles visées à l’article 144 et notamment en cas de violation des droits de la défense ».
 
L’article 159, alinéa 4 pour sa part, dit ce qui suit :
 
 « Le droit d’interjeter appel appartient à l’inculpé contre les ordonnances statuant notamment sur la compétence du juge d’instruction lorsque ce dernier la retient » ;
 
L’alinéa 4 de l’article 159 sus-rappelé, consacre indiscutablement un droit de la défense, celui d’interjeter appel contre les ordonnances statuant, entre autres, sur la compétence du juge d’instruction lorsque celuici la retient ;
 
Il en résulte que pour exercer ce droit, l’inculpé doit se trouver en présence d’une ordonnance par laquellele juge d’instruction dont il a soulevé l’incompétence, s’est déclaré compétent ;
 
Pour aller à l’encontre de la logique juridique qui s’impose, la Chambre d’accusation écrira ce qui suit :
 
« Mais attendu qu’en matière processuelle, un justiciable qui entend soulever l’incompétence d’un juge doit par la même occasion motiver sa requête et indiquer le juge qui selon lui est compétent pour connaître sa cause ; qu’il appartenait dans le cas d’espèce à l’inculpé et à ses Conseils s’ils entendaient obliger le juge d’instruction à rendre une ordonnance, de procéder comme ci-dessus décrit afin que le juge d’instruction communique le dossier de la procédure au procureur de la république pour ses réquisitions en vue de la prise de l’ordonnance sur l’incompétence alléguée  » ;
 
Il faut dire que cette bien curieuse approche de la chambre est, à plus d’un titre, non seulement surprenante, mais surtout dangereuse pour un débat juridique sain, rigoureux et responsable.
 
Ce faisant, la chambre d’accusation a déplacé le débat et s’est lourdement trompée.
 
Elle a statué comme si l’exception d’incompétence avait été soulevée pour la 1ère fois devant elle, puisqu’elle a estimé que le requérant n’a pas indiqué le juge qui selon lui serait compétent.
 
Sans se laisser aller à des spéculations inutiles à la compréhension des manquements reprochés à la Chambre, la défense voudrait tout simplement inviter toutes les parties prenantes à s’attacher aux textes, à la simple logique juridique et au besoin à la jurisprudence pour en tirer les conséquences qui s’imposent.
 
Pour ce faire, rappelons que l’article 159 al 4 dit clairement ce qui suit :
 
 « Le droit d’interjeter appel appartient à l’inculpé contre les ordonnances statuant notamment sur la compétence du juge d’instruction lorsque ce dernier la retient » ;
 
La question à laquelle il convient de trouver réponse est celle de savoir si le juge d’instruction avait retenu sa compétence ou non !
 
La réponse est oui !
 
Dès lors, pour se conformer au prescrit de l’article 159 alinéa 4, le Magistrat instructeur était tenu de prendre une ordonnance, à partir du moment où il a retenu sa compétence et ce, notamment pour permettre à l’inculpé d’exercer les recours que lui confère la loi.
 
Ne l’ayant pas fait, ou plutôt ayant refusé de le faire malgré la demande insistante et répétée de la défense, le Magistrat instructeur a empêché le prévenu d’exercer ses droits.
 
Assurément, lorsque le requérant soulève l’incompétence du juge d’instruction celui-ci, pour retenir sa compétence du fait de ce motif, doit obligatoirement rendre une ordonnance.
 
Pour ne l’avoir pas fait, il a privé Ministre BODJONA Akoussoulèlou Pascal du droit que lui reconnaît l’article 159, alinéa 4 sus-cité d’interjeter appel contre une telle ordonnance et a par voie de conséquence, violé un de ses droits à la défense à savoir, le droit d’exercer des voies de recours contre toute décision qui lui fait grief.
 
Rappelons que les règles de compétence sont d’ordre public ;
 
En tout état de cause, la Cour relèvera, de toute évidence, que le Juge d’instruction a décidé d’autorité, en toute violation de la loi, de poursuivre l’information, passant outre la demande de la défense, demande liée à la protection de ses droits.
 
La cour notera dans tous les cas, qu’il ne revient pas à l’inculpé d’obliger le juge d’instruction à rendre une ordonnance sur l’exception d’incompétence.
 
Le juge d’instruction luimême sait qu’il n’a d’ordre à recevoir que de la loi qui est du reste claire en l’espèce ;
 
Surabondamment quant à l’indication du juge qui serait compétent à recevoir la cause de la défense, il est utilement rappelé que la défense a abondamment fondé l’incompétence du juge d’instruction sur moult considérations consignées dans sa requête initiale de saisine de la chambre et dans son mémoire présenté devant la chambre le 08 janvier 2014 à savoir notamment sur l’article 422 CPP, sur l’arrêt No 48/12 rendu le 20 juin 2012 par la cour suprême, sur l’incompétence en vertu de la règle non bis in idem .…….
 
A la faveurs des observations sus spécifiées, point n’est besoin de démontrer que l’arrêt déféré doit être cassé aussi du chef de la violation des articles 145, alinéa 1er et 159, alinéa 4 du code de procédure pénale ;
 
 4ème MOYEN TIRE DE LA VIOLATION DE L’ARTICLE 84 DU CODE DE PROCEDURE PENALE AINSI QUE DU DROIT DU REQUERANT A L’EXECUTION DES DECISIONS DE JUSTICE, ET CE DANS L’HYPOTHESE D’ECCOLE IMPOSSIBLE OÙ LE JUGE D’INSTRUCTION SERAIT COMPETENT

Aux termes de l’article 84 du code de procédure pénale  :
 
« Les personnes contre lesquelles il existe des indices graves et concordants de culpabilité ne peuvent être entendues sous la foi du serment. Le juge d’instruction ou l’officier de police judiciaire agissant sur commission rogatoire doit leur faire connaitre qu’elles peuvent demander à être inculpées avant toute déclaration sur les faits et qu’à défaut elles seront entendues à titre de simples renseignements  » ;
 
Le Juge en charge du 4ème Cabinet d’instruction avait entendu le Ministre BODJONA Akoussoulèlou Pascal comme témoin sous la foi du serment, mais le procès-verbal d’audition qui en a été dressé, a été annulé par la Chambre d’Accusation par arrêt N°22/13 en date du 24 janvier 2013 ;
 
Suite au pourvoi de ce dernier contre l’arrêt N°22/13 en date du 24 janvier 2013 de la Chambre d’Accusation, la Cour Suprême a, par arrêt N°060/13 rendu le 21 novembre 2013, encensé cet arrêt en déclarant en substance ce qui suit :
 
« en application des dispositions de l’article 84 du code de procédure pénale, le juge d’instruction devait faire connaître au sieur Pascal Akoussoulèlou BODJONA son droit de demander à être inculpé pour les fait susvisés avant de l’auditionner et en cas de refus, l’entendre à titre de simples renseignements…que n’ayant pas procédé comme sus-décrit et ayant en connaissance de cause auditionné le Sieur Pascal Akoussoulèlou BODJONA en qualité de témoin après lui avoir fait prêter serment , ladite audition en date du 10 Août 2012 encourt nullité » ;
 
Il ressort clairement de cet arrêt que le juge d’instruction dans l’hypothèse d’école où sa compétence n’est pas contestée, doit avant tout, faire connaitreà Monsieur Akoussoulèlou Pascal BODJONA son droit de demander à être inculpé pour les faits en cause et en cas de refus, l’entendre à titre de simples renseignements ;
 
Or, le Juge d’instruction, après le retour du dossier contenant l’arrêt de la Cour Suprême, disant agir en exécution de l’arrêt de la Cour Suprême, a inculpé directement le requérant comme si cet arrêt n’était qu’une simple indication de la raison ou une pathétique exhortation ;
 
Contrairement à l’argumentation de la Chambre d’Accusation qui a cru que le requérant a voulu tirer argument du procès-verbal de son audition annulé (noter que l’exposant fondait sa requête en annulation sur, entre autres, l’arrêt N° 060/13 en date du 21 novembre 2013 par lequel la Cour Suprême s’est alignée sur l’arrêt N° 22/13 de la Chambre d’Accusation en date du 24 janvier 2013.),
 
Contrairement donc à l’argumentation de la Chambre, l’on rappellera que dans ce dernier arrêt, il est reproché au Juge d’instruction de n’avoir pas respecté l’article 84 du code de procédure pénale.
 
Pour ainsi dire, la Chambre d’Accusation, pour justifier sa décision, a dénaturé le moyen du requérant en écrivant ce qui suit :
 
« Un acte nul ne saurait produire aucun effet de droit ; que dans ces conditions, l’audition incriminée est tenue pour n’avoir jamais existé et ne peut de ce fait être invoquée par les Conseils de l’inculpé à l’appui de leur demande en nullité de la procédure » (page 8, paragraphe 1er).
 
La Cour peut lire à la page 4 du mémoire du requérant ce qui suit :
 
« En procédant comme il l’a fait, Monsieur le juge d’instruction a tout simplement fait fi de l’arrêt 022/13 du 24 janvier 2013, violant à nouveau l’article 84. Dans la droite ligne des exigences dictées par l’article 84 et des conséquences de son non-respect utilement rappelées par l’arrêt 022/13 de la Chambre d’Accusation, la nullité pure et simple de toute la procédure initiée le 04 décembre 2013 à l’encontre du Ministre Pascal BODJONA s’impose de ce seul chef, sans oublier que le manque d’intérêt observé par le magistrat instructeur à l’endroit de l’arrêt N° 022/13 constitue, à n’en point douter, un mépris grave à l’intelligence de la Chambre d’Accusation  » ;
 
Qu’il s’ensuit qu’il a violé ostensiblement l’article 84 du code de procédure pénale et l’arrêt de la Cour Suprême  ;
 
« Quel serait en effet le droit d’accès à un Tribunal si l’on pouvait accéder au juge, obtenir que le tribunal fonctionne dans le respect du procès équitable, mais que le jugement n’est pas respecté en devenant une pathétique exhortation ?  » (Voyez les grands arrêts de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, 2ème édition mise à jour, PUF, page 275).
 
Et les auteurs du livre de souligner que le devoir de se plier à un jugement ou à un arrêt est mis en réalité à la charge de l’Etat et de toute autorité publique parce qu’il revient implicitement et en définitive aux autorités publiques de faire respecter « l’obligation d’exécuter les décisions de justice  ».
 
« Le refus ou les carences des autorités publiques à remplir leur devoir dans ce cas ou a fortiori dans le cas où les décisions de justice sont rendues directement contre elles, constituent un manquement inacceptable à l’obligation d’exécuter les décisions de justice  » (op. cit. Page 276 à 277).
 
S’il en était besoin, le requérant soulignerait que le juge est une Autorité publique ayant reçu une mission dont la noblesse n’est plus à démontrer.
 
Après tout, l’on notera utilement que la mise au point qui précède n’est qu’exemplaire de la cohérence de la jurisprudence relative au « droit à un tribunal ».
 
Il est en effet de jurisprudence constante que l’exécution d’un jugement ou d’un arrêt de quelque juridiction que ce soit, doit être considérée comme faisant partie intégrante du ‘‘procès’’.
 
C’est une affirmation ancrée dans la jurisprudence suivante de la Cour Européenne des Droits de l’Homme : Immobiliare Saffi C/ Italie, 28 juillet 1999, § 63 ; Antonatkopoulos, Vortcela et Antonatkopoulou C/ Grèce, 14 décembre 1999, §25 ; Dimitros. Georgiadis C/ Grèce, 28 mars 2000, §25 ; Antonetto C/ Italie, 20juillet 2000, §27 ; Lunari C/ Italie, 11 janvier 2001, §42 ; Lgothetis C/ Grèce, 12 avril 2001, §14 ; Burdov C/ Russie, 7 mai 2002, §34 ; Katsaros C/ Grèce, 6 juin 2002, §33 ;
 
Les ennemis de la justice ont vite fait d’objecter que la conception occidentale des droits de l’homme ne pourrait être imposée aux nations de culture différente qui devraient être en mesure d’opter pour une conception des droits qui corresponde à leurs propres valeurs et traditions culturelles.
 
Mais ce serait faire fausse route :
 
Si l’on admet que les droits de l’homme trouvent leur meilleure justification dans les principes fondateurs de la démocratie, l’on est conduit à considérer que ces principes sont supérieurs par rapport à la diversité des cultures nationales ou communautaires,
 
Qu’ils peuvent servir de critère pour évaluer la légitimité des valeurs culturelles en jeu et qu’ils peuvent même justifier une limitation des contenus normatifs tolérables.
 
En d’autres termes, le pluralisme et la tolérance qui caractérisent la société démocratique ne sauraient être limités.
 
 La Cour comprendra d’ailleurs pourquoi les théoriciens de la souveraineté Grotius et Hobbes par exemple, ont conçu la souveraineté comme un pouvoir limité par le respect des droits fondamentaux.
 
Dans tous les cas, aux termes de l’article 1er de la Constitution de la IV ème République, le Togo est un Etat de droit démocratique. C’est sous réserve du respect des droits fondamentaux qui sont inhérents à la démocratie, qu’une conception démocratique des droits fait place à la diversité des cultures  ;
 
Il n’est plus à démontrer que l’arrêt déféré doit être également cassé du chef de la violation de l’article 84 du code de procédure pénale et la violation du droit du Ministre BODJONA Akoussoulèlou Pascal à l’exécution des décisions de justice, en l’occurrence l’exécution de l’arrêt N° 060/13 en date du 21 novembre 2013.
 
La Cour retiendra que son droit à l’exécution des décisions de justice avait été déjà violé par le juge d’instruction en charge du 4ème Cabinet d’instruction qui l’avait entendu comme témoin, sous la foi du serment, en lieu et place du Président de la Cour d’Appel désigné par l’arrêt N°48/12 du 20 juin 2012 de la Cour Suprême à la lumière de l’article 422 alinéa 3 du code de procédure pénale.
 
La Chambre a certes, annulé son procès-verbal d’audition effectuée par la Gendarmerie Nationale en violation flagrante de cet article, mais elle n’en a pas tiré les conséquences de droit qui s’imposent, ainsi qu’il a été déjà souligné. C’estàdire l’annulation de toute la procédure le concernant, puisque c’est ladite audition qui a fait de lui un témoin et par extraordinaire après, un inculpé. En d’autres termes, c’est le branle moteur de la procédure de son inculpation ;
 
*5ème MOYEN TIRE DE LA MAUVAISE APPRECIATION DES REGIMES DES NULLITES ET MECONNAISSANCE DE L’ARTICLE 188 CPP
 
Il y a des actes de procédure « mineurs » et dont la nullité est limitée à l’acte lui-même en ce qu’il ne produit aucun effet préjudiciable aux intéressés ou à l’ordre public.
 
Par contre, il y a des actes de procédures « majeurs » dont les effets se poursuivent tout au long de la procédure entrainant en cascade des conséquences particulièrement préjudiciables à la personne entendue.
 
Qui peut raisonnablement penser que les auditions du demandeur au pourvoi réalisées dans les conditions que l’on sait sont des « actes mineurs de procédure » ?
 
En statuant à l’absence d’acte subséquent pour conclure à une nullité relative, la chambre d’accusation a méconnu les règles qui gouvernent les nullités.
 
Une nullité est relative lorsque la règle de droit violée édictait la protection d’un intérêt particulier, lorsque cette nullité peut faire l’objet de renonciation. Lorsqu’enfin et entre autre, elle peut être ultérieurement confirmée.
 
L’art 422 vise la protection d’un intérêt général et est d’ordre public, sa violation entraîne une nullité qui peut être soulevée par toute personne qui y a intérêt.
 
Elle doit même être soulevée d’office tant par le parquet que par le juge d’instruction et à défaut par la juridiction de jugement. Elle est insusceptible de confirmation expresse ou tacite.
 
Face à une réalité comme celle-ci, il est particulièrement surprenant que la chambre d’accusation ait pu conclure à une nullité relative.
 
En statuant comme elle l’a fait, la chambre d’accusation a indiscutablement méconnu la portée de l’al 3 de l’article 422 qui édicte une règle de compétence relativement à l’autorité judiciaire habilitée à recevoir l’audition du Ministre BODJONA.
 
Tellement est-il rigoureusement acquis que la violation des règles de compétence en matière pénale est sanctionnée par une nullité absolue en ce qu’elles ne sont pas (précisons le encore une fois) édictées pour la protection d’un intérêt particulier, mais d’ordre public et d’intérêt général, règles auxquelles les parties ne peuvent y déroger ni renoncer.
 
Dès lors que la chambre a reconnu l’application en l’espèce de l’article 422 CPP, elle se devait d’en tirer les conséquences qui s’imposent en terme de nullité tirée de l’exception d’incompétence.
 
En retenant en l’espèce une simple nullité relative, la Chambre a fait une mauvaise application de l’art 422.
 
Dans ce même souci, il faut relever les préoccupations consignées dans l’article 188 CPP.
 
En effet, dans son arrêt No 169/13 du 06 décembre 2013, la Chambre d’accusation a rendu la décision dont la teneur suit :
 
« Statuant en chambre de conseil et sur saisines du ministère public et de l’inculpé BODJONA Akoussoulèlou Pascal,
En la forme
Reçoit les saisines du ministère public et de l’inculpé,
Au fond
Les déclare fondées
Annule purement et simplement la procédure initiée contre l’inculpé BODJONA Akoussoulèlou Pascal devant le premier cabinet d’instruction pour complicité d’escroquerie
 
Mets les dépens à le charge du trésor public »
 
Pour en arriver à cette décision, l’on notera utilement que dans l’attendu y relatif, la chambre d’accusation écrira notamment ce qui suit :
 
« Qu’en ayant agi en marge des textes sus visés comme ils l’ont fait, les acteurs judiciaires concernés ont exposé la présente procédure à une nullité certaine »
 
Dans tous les cas, il est constant et non équivoque que la chambre d’accusation n’a pas réservé les dépens, elle les a mis à la charge du trésor public.
 
L’option pour la chambre de mettre les dépens à la charge du trésor public est la manière la plus manifeste de clôturer les débats liés à la cause.
 
Il sera dès lors rappelé les édifiantes dispositions de l’article 188 al 2 et 3 CPP qui font observer que :
 
« La chambre d’accusation réserve les dépens si son arrêt n’éteint pas l’action dont elle a eu à connaître.
 
Dans le cas contraire, ainsi qu’en matière de mise en liberté elle liquide les dépens et elle condamne aux frais la partie qui succombe. » 
 
En matière pénale il faut s’attacher au principe de l’interprétation stricte des textes.
 
En application dudit article, il est indiscutable que par sa décision du 06 décembre 2013, la chambre d’accusation a éteint l’action dont elle a eu à connaître.
 
L’extinction de l’action publique fait obstacle à son renouvellement ou à sa « renaissance » par le même ministère public pour les mêmes faits, la même cause et le même objet.
 
Il faut préciser que cette décision d’annulation du 06 décembre 2013 traduit en définitive et de la manière la plus éloquente, non seulement la faillite retentissante de toute la procédure assise sur la fameuse et inappropriée 2ème plainte produite contre le Ministre BODJONA le 30 aout 2012, mais aussi et conséquemment la nullité de la 1ère plainte du 2 mars 2011 pour notamment avoir été jointe à la 2ème faisant ainsi des deux plaintes des pièces intégrantes de la procédure qui vient d’être annulée par la chambre d’accusation. (Doc No 6) et ce, à l’égard du seul demandeur au pourvoi
 
C’est aussi pour ces motifs que l’arrêt dont pourvoi doit recevoir cassation.
 
 

PAR CES MOTIFS

EN LA FORME

 Déclarer le pourvoi recevable ;
 

AU FOND

  Le déclarer bien fondé ;
 
En conséquence, casser et annuler l’arrêt N° 05/14 rendu le 14 janvier 2014 par la Chambre d’Accusation de Lomé ;
 
SOUS TOUTES RESERVES  Lomé, le 02 avril 2014
 
ET CE SERA JUSTICE
LES CONSEILS ;
 
Photo : Abdoulaye Yaya le Président de la Chambre judiciaire
 
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