La conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a décidé lors de sa récente réunion d’Accra de réexaminer le protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance. Cela devrait aboutir à la limitation du mandat présidentiel dans l’espace communautaire. Mais avec la présence au sein de la CEDEAO de Faure Gnassingbé et Alassane Ouattara, le chemin pour parvenir à l’amélioration du protocole peut se révéler ardu.
Le 16 septembre dernier, les chefs d’Etat et de gouvernement de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont tenu un sommet extraordinaire à Accra sous la présidence de Nana Addo Dankwa Akufo-Addo, président en exercice de la CEDEAO. Cette rencontre a été axée sur les crises sociopolitiques qui sévissent dans certains pays de la région, notamment le Mali et la Guinée.
Dans le cas du Mali, la Conférence des chefs d’Etats s’est dite très préoccupée par la lenteur dans la préparation des élections prévues pour fin février 2022. Elle a donc réitéré sa demande pour un respect strict du calendrier de la transition devant conduire à la tenue effective des élections « dans le délai non négociable de février 2022 », en brandissant la menace de sanctions contre ceux qui agiraient contre ce calendrier.
Pour ce qui concerne le dossier chaud de la Guinée, les chefs d’Etat, outre la traditionnelle formule de condamnation des coups d’Etat, ont décidé du maintien de la suspension de la Guinée de toutes les instances de la CEDEAO jusqu’à la restauration de l’ordre constitutionnel ; la tenue, dans un délai de six (6) mois, des élections présidentielle et législatives pour la restauration de l’ordre constitutionnel en République de Guinée ; la mise en œuvre des sanctions ciblées conformément aux protocoles de la CEDEAO, impliquant l’interdiction de voyage des membres du CNRD ainsi que des membres de leur famille et le gel de leurs avoirs financiers ; l’interdiction aux membres du CNRD d’être candidats à l’élection présidentielle ; et l’accompagnement de la CEDEAO dans la résolution rapide de la crise et la préparation des élections.
Mais dans le communiqué de presse publié à l’issue de la rencontre, il y a une partie consacrée à la recrudescence des coups d’Etats dans l’espace CEDEAO. Et tout porte à croire que les chefs d’Etat sont inquiets par rapport à la situation d’instabilité politique en décidant de renforcer la démocratie. « Tenant compte des développements récents dans la région, la Conférence réaffirme que la consolidation de la démocratie et de la bonne gouvernance est essentielle pour le développement, la paix et la stabilité de la région », lit-on dans le communiqué. En conséquence, poursuit-il, la Conférence a instruit le président de la Commission à initier le processus de réexamen du Protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance de 2001 afin de renforcer la démocratie, la paix, et la stabilité dans la région.
Pour rappel, en 2001, les chefs d’Etats avaient adopté à Dakar le protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance. Ce document regroupe les différentes orientations que doivent suivre les gouvernements afin de consolider la démocratie et impulser la bonne gouvernance. Le protocole précise également les formes d’accession au pouvoir et interdit les successions de père en fils, ainsi que la prise illégale du pouvoir. Ce protocole devrait être renforcé en 2015 à Accra par l’adoption de la limitation du mandat présidentiel. Faure Gnassingbé qui se préparait à arracher au forceps un 3ème mandat s’y est opposé, de même que l’ancien président Gambien Yahya Jammey.
Mais si aujourd’hui la CEDEAO annonce un réexamen du protocole, c’est parce que les chefs d’Etat, du moins ceux qui ne sont pas encore « infectés » par le virus du pouvoir à vie, reconnaissent qu’il faut corriger la situation. En évoquant ce protocole, l’organisation reconnaît à demi-mot que l’espace communautaire ne peut jamais avoir la stabilité et se développer si des personnes, aussi puissantes soient-elles, cherchent à rester indéfiniment au pouvoir. Il faut mettre fin à l’instabilité politique en s’attaquant à la racine du mal. Et pour cause, les pays qui connaissent des crises sociopolitiques sont ceux dans lesquels les présidents de la République cherchent à aller contre la volonté du peuple. Au Togo, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire et en Guinée, la crise est née de la volonté des chefs d’Etat de s’imposer contre l’avis du peuple, en usant de la répression sanglante. Au Burkina Faso, Blaise Compaoré a été balayé en voulant s’offrir le pouvoir à vie. Pareille pour la Guinée où Alpha Condé a été stoppé dans son élan par les militaires. En Côte d’Ivoire, après de nombreux morts, Alassane Ouattara s’offre un troisième mandat illégitime, malgré son « jeune » âge. Pour l’heure, il tient bon. Il n’y a que Faure Gnassingbé qui semble réussir la recette du pouvoir à vie. Mais jusqu’à quand ?
Reste à savoir si les chefs d’Etats auront le courage de poursuivre l’initiative de révision du protocole. Parce que dans leurs rangs, il y a encore le « jeune doyen » togolais et l’«épave » ivoirienne qui chercheront à tuer dans l’œuf ce qui pourrait constituer pour eux un obstacle majeur.
Si révision du protocole il doit y avoir, une question véritable sera de savoir si ceux des « amoureux du pouvoir » qui sont à leur 3ème ou 4ème mandat seront prêts à quitter aux prochaines échéances présidentielles, ou s’ils solliciteront la remise du compteur à zéro à compter du jour de l’entrée en vigueur dudit protocole. Question pour un champion, surtout quand on sait que certains, le pouvoir c’est doux comme du miel.
G.A.
source : Liberté