Depuis 2009, Faure Gnassingbé sous la pression des institutions internationales, a décidé de doter le Togo d’une Cour des Comptes. En septembre, les 26 membres ont été nommés en conseil des ministres et installés lors d’une cérémonie solennelle. Tankpadja Lalle fut élu par ses pairs, président de l’institution pour une durée de trois ans renouvelable. Arrivé en fin de mandat, Lalle a passé la main il y a de cela quelques jours à Jean Edoh élu pour lui succéder. Sans un seul rapport établi et rendu public durant tout son mandat!
Premier président élu à la tête de cette institution. Trois ans de parcours infructueux avec aucune réalisation concrète à son actif, l’ancien ministre a déçu tout un peuple et raté son entrée dans l’histoire. Son règne a plongé la Cour dans un profond sommeil. Durant tout son règne, aucune grande sortie pour situer l’opinion sur la situation des comptes de l’État, oubliant que selon l’article 107 de la Constitution, son institution « juge les comptes des comptables publics. Elle assure la vérification des comptes et de la gestion des établissements publics et des entreprises publiques ». Tout s’est passé comme si sous le « Prince », il n’y a pas de matière à traiter et que l’argent du contribuable est si bien géré qu’un observateur a pu penser que « la Cour des comptes n’est créée que pour décorer le paysage institutionnel du pays. »
Or le Togolais lambda qu’on pourra interroger sur la gestion du pays dira que la corruption, la dilapidation des ressources de l’État, le détournement des deniers publics sont aujourd’hui le maître-mot en lieu et place de la bonne gouvernance et la transparence des comptes publics. Ça, Faure Gnassingbé lui-même l’a reconnu en avouant que seule une petite minorité profite des biens du pays. En manque d’inspiration, Tankpadja Lalle et les siens avaient amusé la galerie en organisant une journée d’information pour, disaient-ils, expliquer le rôle et les prérogatives de l’institution. « L’existence de la Cour des comptes a permis de mettre un terme à une certaine pratique en vigueur dans le passé », avait-il laissé entendre. Mais aujourd’hui à l’heure du bilan pourrait-il avoir la fierté d’une mission accomplie ? Pendant ces nombreuses années passées aux commandes, jamais aucune entreprise, société d’État ou parapublique n’a été auditée, alors qu’il est dans les prérogatives de la Cour de le faire et d’établir un rapport annuel. « La Cour des Comptes établit un rapport adressé au président de la République, au Gouvernement et à l’Assemblée nationale et dans lequel elle fait état, s’il y a lieu, des infractions commises, et des responsabilités encourues », stipule l’article 107 de la Constitution. La Cour qui assure le contrôle de l’exécution des lois de finances, doit aussi vérifier les comptes et la gestion de la présidence, de la primature, des ministères. Mais durant les trois ans de mandat de Lalle, les Togolais sont restés sur leur soif. Aucun rapport n’a été rendu public. Les dépenses faramineuses que coûtent les villégiatures du Prince, les décaissements injustifiés des fonds de l’État, l’enrichissement douteux des ministres n’ont pas interpellé les 26 membres qui se sont rongé les doigts dans leurs bureaux feutrés durant trois ans.
Pour certains, on ne devrait pas s’étonner du silence de Tankpadja Lalle durant tout son mandat. Car lui-même n’est pas exempt de soupçon.
A en croire certains analystes, le premier président de la Cour en dépit de sa position à la tête d’une institution aussi stratégique, aurait servi de caution à un pouvoir fortement corrompu. Le sieur Lalle ne s’est pas abstenu de fréquenter certains milieux.
En effet aux premières heures de la création de l’Unir, Tankpadja Lalle à la tête d’une délégation des « cadres » de son milieu, a chanté des louanges au Prince. Il invitait ses « frères du village » à s’unir à Faure Gnassingbé. Dans ces conditions, il est évident que le président de la Cour dont le rôle est de surveiller les comptes de l’État n’aurait pas le courage de dénoncer les dérives de ce pouvoir. Son bilan piteux n’en est que l’illustration parfaite. On ne pouvait pas espérer mieux. Ainsi vont les institutions de la République et ceux qui les dirigent.
« Les diverses fonctions et les activités particulières de l’État…n’ont un rapport avec les individus qui en ont la charge et qui les exercent en vertu de leur personnalité immédiate, disait un politologue. Elles n’ont donc qu’un rapport extérieur et contingent avec la personnalité particulière. Les affaires de l’État, ses pouvoirs ne peuvent donc être une propriété privée ». Le nouveau locataire de la Cour des Comptes, Jean Edoh va-t-il apprendre la leçon ? Va-t-il réussir là où son prédécesseur a échoué ? C’est le wait and see.
Pierre-Claver K.
source : L’Alternative Togo