Togo-Bénin : La fièvre de Lassa tuait depuis un an…


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« La fièvre de Lassa est endémique au Bénin (où elle a été diagnostiquée pour la première fois en novembre 2014), en Guinée, au Liberia, en Sierra Leone et dans des parties du Nigeria, mais elle est sans doute présente aussi dans d’autres pays d’Afrique occidentale », publiait sur son site l’Organisation mondiale de la Santé, en mars 2015 déjà. Il y a un an. Le Togo a attendu les « premiers » morts pour commencer par réfléchir à comment limiter la propagation dans nos murs.
 
C’est le décès d’un chirurgien américain exerçant à l’hôpital baptiste de Mango qui a finalement réveillé les autorités togolaises. Puis on découvre qu’il y a un second cas de contamination : une infirmière (américaine aussi) ayant travaillé avec le chirurgien.
 
Ces derniers jours, 84 personnes -essentiellement des agents du centre de formation sanitaire dans lequel travaillaient les deux soignants américains – ont été placées en semi-quarantaine, avec un suivi quotidien, apprend-on. « Pour le moment, aucun d’eux n’est malade, mais nous renforçons la surveillance pour diagnostiquer au plus tôt les éventuels cas », explique Moustafa Mijiyawa, ministre de la Santé, cité par Jeune Afrique. « Nous misons sur une intense campagne de sensibilisation des populations pour éviter une épidémie » , va -t-il compléter.
 
Si les autorités togolaises ont attendu qu’un Américain meure avant de se réveiller, il faut dire que le virus, qui d’ailleurs est de la même famille qu’Ebola, tuait depuis, tout près de nous. Et peut-être aussi chez nous. Si le chirurgien, présenté comme étant la « première » victime, n’était pas Américain, et qu’il n’avait pas été soigné dans de meilleures conditions d’ici jusqu’en Allemagne et des études sérieuses n’avaient pas été faites, probablement que sa mort serait passée inaperçue ainsi que celle d’autres victimes. Ce chirurgien américain a dû être contaminé par au moins une personne dont l’état n’a pas été diagnostiqué. Cette personne contaminée qui est probablement décédée aujourd’hui a-t-elle été répertoriée ? Combien de personnes a-t-elle contaminées avant et après le chirurgien américain et l’infirmier ? Et où sont ces personnes à ce jour? Des questions auxquelles le ministère devrait apporter des réponses.
 
En effet, cela fait deux ans que ce virus tuait au Nord du Bénin. « Le Bénin a déjà connu un épisode épidémique entre le 15 Octobre 2014 et le 8 janvier 2015 : 16 cas avaient été enregistrés dont neuf décès. Sur ces neuf décès, la Fièvre de Lassa avait été confirmée dans deux cas », rappelaient dans un communiqué conjoint signé le 1er février dernier l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) et l’UNICEF (Le Fonds des Nations unies pour l’enfance).
 
« Après l’identification d’un cas de Fièvre de Lassa au Nord-Est du Bénin dans le Département du Borgou-Alibori, le Gouvernement, soutenu par l’UNICEF et l’OMS ainsi que les partenaires au développement, a immédiatement démarré la riposte contre l’épidémie. A ce jour, il existe 20 cas suspects dont 9 décès. Parmi les décès, un (1) cas confirmé positif à la Fièvre de Lassa a été notifié. Au Nigeria, les autorités dénombrent 168 cas dont 84 décès dans 17 Etats du pays y compris les Etats de Niger et d’Oyo qui sont frontaliers au Bénin » , renseigne le communiqué conjoint.
 
Alors que le virus tuait déjà chez nos voisins, aucune disposition n’a été prise côté togolais pour prévenir une contamination. Pour un pays qui dit avoir pris des mesures pour éviter une contamination au virus Ebola, l’indifférence face aux menaces d’un virus de la même famille est tout de même frappante. Au sujet d’Ebola, on n’avait pas attendu qu’un cas se déclare dans un pays voisin avant que le gouvernement Ahoomey-Zunu ne fasse grand bruit autour de prétendues mesures qu’il avait prises. Mais dans le cas présent, le virus a fait plusieurs morts dans une zone voisine au territoire togolais, depuis un an. Pourtant jamais nous n’avons entendu le ministère de la Santé prendre des dispositions. En fin janvier dernier, le Bénin a déclaré une épidémie . Le gouvernement togolais est resté les bras croisés. Il a fallu la mort d’un Américain pour que l’on ne commence à s’agiter. Pire, il a fallu que les Américains acheminent du matériel de protection depuis le Liberia à Mango. Mais, et où sont passés les lots de matériels que le pouvoir a déclaré avoir acquis dans le cas de la prévention contre Ebola ?
 
Aujourd’hui, il faut bien noter que, comme à son habitude, le pouvoir au Togo est incapable de « prévenir »; mais se contente de courir derrière des solutions après que des irréparables sont commis. Le cas de la méningite est encore frais dans les mémoires. Il a fallu que plusieurs concitoyens perdent la vie, du fait de ce virus, avant que le Togo ne se décide même à commander des produits. Et ce qui est curieux est que le pays ne montre aucune volonté ou une capacité à prendre le devant de la lutte, quitte à se faire aider, dans ses efforts , par ses partenaires. Il faut qu’à chaque fois , des organismes internationaux comme l’OMS, l’UNICEF, PLAN…..mettent la main à la poche avant que des Togolais ne soient soignés. Un peu comme si ces organismes n’existaient pas , le Togo lui-même ne serait pas capable de s’occuper efficacement de la santé de ses fils.
 
Pendant qu’on se montre incapable de prendre des mesures adéquates pour préserver la vie des Togolais, on trouve quand même des moyens pour payer des montants faramineux à un ancien ministre français recruté comme consultant sur un hypothétique projet dit de « contractualisation » . Là aussi, le Togo ne semble pas capable de gérer ses propres hôpitaux publics. Et il faut verser des millions à un consultant « blanc » pour qu’il réfléchisse à notre place, alors que ce pays produit chaque année de hauts cadres (dont des professeurs d’Universités) en matière de santé publique ou de prise en charge de diverses maladies. L’actuel ministre dont la nomination a suscité un espoir parmi les siens, puisqu’il est directement issu du monde médical, peine à marquer son département. Plusieurs mois après sa prise de fonction, rien n ’a encore changé. Il se contente de courir derrière les évènements, s’il n’a pas la tête plongée dans son projet de « contractualisation ». Conséquence, la mort continue d’emporter très facilement les Togolais , pour des causes largement évitables.
 
Ce qu’il faut savoir de la Fièvre Lassa
 
La transmission de la Fièvre de Lassa peut se faire par contact avec les excréments de rongeurs, notamment le rat à multiples mamelles. Le virus se transmet aussi au contact d’une personne infectée via les liquides biologiques : le sang, l’urine, la salive, le sperme, les vomissures, les selles. L’incubation du virus varie de six à vingt et un jours. Les premiers signes de symptômes sont : la fièvre, une fatigue générale, la nausée, des vomissements, la diarrhée, des maux de tête et de ventre et le mal de gorge. L’oedème du cou ou du visage et des saignements sont parfois observés. Il existe un traitement efficace contre la Fièvre de Lassa la Ribavirine. Ce médicament permet de soigner les personnes malades, à condition d’être administré rapidement après l’apparition des premiers symptômes. Concernant la prévention, les mesures suivantes sont préconisées:
 
Dès les premiers signes, il est impératif de se rendre immédiatement au centre de santé le plus proche. Le traitement est efficace si l’administration de médicaments est faite rapidement;
Se laver régulièrement les mains à l’eau et au savon;
Bien protéger les restes et réserves de nourriture dans les maisons;
Eviter la manipulation et la consommation des rats;
Eviter tout contact avec une personne suspecte ou malade de la Fièvre de Lassa;
Eviter tout contact avec les selles, l’urine, la salive, les vomissures et les objets contaminés d’une personne suspecte, malade ou décédée de la Fièvre de Lassa;
Ne pas toucher le corps d’une personne suspectée d’être décédée de la Fièvre de Lassa y compris lors des rites funéraires.
 
Maxime DOMEGNI
L’ALTERNATIVE – N°507 du 18 Mars 2016
 

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