Togo-Un citoyen : « Au Togo, tout le monde est en liberté provisoire »


Arrestation sur un coup de tête, détention puis libération. Pasteur Edoh Komi ou la confirmation de la nouvelle recette de la Justice togolaise
 
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Sa libération ce mardi est passée presqu’inaperçue, au regard de la densité de l’actualité occupée par la rencontre des Eperviers contre les Aigles de Carthage de la Tunisie comptant pour la 4e journée des éliminatoires de la Can Gabon 2017 et la problématique des élections locales avec la rencontre entre Faure Gnassingbé et les têtes couronnées. Pasteur Edoh Komi a en effet, à la surprise générale, recouvré sa liberté provisoire, après une vingtaine de jours en détention pour « outrage à magistrature » et « trouble à l’ordre public ». Après le cas Antoine Randolph, la libération du président du Mouvement Martin Luther King-La Voix des Sans-Voix n’est que la confirmation idéale de la nouvelle recette de la Justice togolaise qui ne dit pas son nom.
 
Pasteur Edoh Komi libéré après 19 jours de détention
 
C’était un secret de Polichinelle que des tractations étaient menées par les conseils du Pasteur et les défenseurs des droits de l’Homme mobilisés pour sa cause, pour négocier sa libération. Mais personne ne pouvait pronostiquer une suite favorable à la requête auprès de ses détracteurs, surtout qu’il s’agissait d’un « emmerdeur », d’une sentinelle des droits de l’Homme qui marque à la culotte le pouvoir. On ne s’attendait pas à son élargissement ce mardi, surtout qu’une première requête de libération provisoire introduite dans ce sens par ses avocats a été rejetée le vendredi 25 mars par le juge. Mais contre toute attente, Edoh Komi a été libéré ce mardi 29 mars 2016, après dix-neuf (19) nuits de détention dont dix-huit (18) à la prison civile de Lomé. Et cela fait suite à une seconde demande introduite par ses conseils dans la matinée même de cette journée.
 
« Ma gratitude va aux associations de défense des droits de l’Homme et de la société civile, aux médias, aux partis politiques, aux pasteurs et à leurs membres, à la diaspora togolaise, aux amis, pour leur marque de soutien et de solidarité », tels sont les mots de gratitude eus par le Pasteur Edoh Komi à sa sortie. Cette épreuve n’a visiblement pas affecté l’engagement du président du MMLK par rapport à la défense des droits de l’Homme, à la dénonciation des cas d’arbitraire et d’injustice sociale. Il s’est montré plus que jamais déterminé à poursuivre la lutte. « Rien n’émoussera notre engagement, ni notre détermination à lutter contre l’injustice et l’arbitraire au Togo », « Le MMLK restera toujours aux côtés des marginalisés, des opprimés et des victimes d’injustice et d’arbitraire et rien n’empêchera son combat pour l’Etat de droit et le respect des droits humains au Togo », a-t-il écrit sur sa page Facebook, et de réitérer que son association restera « la voix des sans voix ».
 
Faut-il le rappeler, c’est dans l’affaire Akossiwa Djogbessi, du nom de la jeune fille tuée à Bè-Kpota par un Ibo où il voulait voir clair que le Pasteur Edoh Komi a été appréhendé le 10 mars dernier, suite à sa convocation à la Direction centrale de la police judiciaire, pour
 
« outrage à magistrature » et « trouble à l’ordre public ».
 
Sa libération ne vient que s’ajouter à un précédent cas. Il s’agit du dossier Antoine Randolph, du nom de ce compatriote de la diaspora arrêté le 22 février 2016 à la frontière du Bénin (ou kidnappé à la plage de Lomé depuis le 19 février 2016), et accusé de recrutement d’ex-rebelles de la Côte d’Ivoire et de tentative d’atteinte à la sureté de l’Etat. Après presqu’un mois de détention, il a plu à ses détracteurs de lui accorder la liberté provisoire.
 
La nouvelle recette de la Justice togolaise qui ne dit pas son nom
 
Cet élargissement du Pasteur Edoh est une bonne nouvelle pour les défenseurs des droits de l’Homme, les citoyens qui abhorrent l’arbitraire et les injustices sociales qui abondent au Togo. Au-delà de tous les reproches que l’on puisse faire au président du MMLK, des erreurs dont lui-même il se serait rendu coupable dans ce dossier tel qu’on le présume, il s’agit avant tout d’une sentinelle des droits de l’Homme. Mais à bien analyser, l’homme n’est qu’une sorte de cobaye, l’autre victime qui confirme une nouvelle façon d’agir de la Justice togolaise.
 
La libération provisoire du Pasteur Edoh Komi offre en effet une confirmation d’une nouvelle recette de la (très respectable) Justice togolaise consistant à appréhender sur un coup de tête et sans mandat d’amener un citoyen gênant de par ses engagements, ou simplement soupçonné sur des bases fondées ou imaginaires, de nuire au pouvoir en place. Faure Gnassingbé voit le mal partout, des complots tous azimuts contre son fauteuil personnel (sic) et vit sous une psychose permanente. Le coup d’essai a commencé avec Antoine Randolph. Alors que le compatriote rentrait au pays, après plusieurs années d’exercice de la profession de Docteur vétérinaire en France où il était parti en exil pour échapper aux misères du pouvoir d’Eyadema, il a été arrêté sans autre forme de procédure. On avait donné l’impression d’une affaire sérieuse, au point de refuser de communiquer là-dessus. Les griots du pouvoir ont donné une vraisemblance au dossier en parlant d’informations filées par son neveu qui se trouverait du côté de la Côte d’Ivoire. Alors que le commun des citoyens croyait à un dossier vraiment béton et craignait qu’Antoine Randolph ne soit parti pour passer sa retraite et le restant de sa vie dans les geôles togolaises, le régime a consenti, contre toute attente, sa libération après un mois de détention. Pour quelqu’un qui fomenterait un coup d’Etat contre l’objet le plus cher au Togo, le siège de Faure Gnassingbé, il faut avouer que c’est cocasse.
 
Dans le cas du Pasteur Edoh Komi, ils sont nombreux, les juristes à relever que même si les griefs retenus contre lui sont fondés, on n’avait pas besoin de l’appréhender et le priver de liberté. Pour ces derniers, une inculpation par le juge dans ce dossier Akossiwa Djogbessi, avec interdiction d’aborder le dossier aurait suffi à le bâillonner si tant est qu’il est gênant, tout comme on l’a fait à des gens dans l’affaire des incendies. Mais ses détracteurs ont utilisé la méthode forte et suffisamment scandaleuse.
 
La leçon au demeurant, c’est qu’il faut que l’on fasse du bruit, les pressions se multiplient aussi bien à l’interne qu’à l’externe avant que le régime ne lâche prise. Pour le Pasteur Edoh Komi, il faut avouer que cela fait désordre qu’on l’arrête et le détienne pour si peu. Vu qu’il a été distingué par TV5 Monde comme l’acteur le plus dynamique du Togo, l’homme de l’année 2014 à cause de son engagement pour la justice sociale, notre pays serait forcément mal vu. Concernant Antoine Randolph, ce sont sans doute les pressions de la diaspora togolaise et de la communauté internationale qui ont eu raison du pouvoir.
 
Cette nouvelle façon de faire de la Justice togolaise, ou plutôt du pouvoir n’est pas de nature à procurer une certaine fierté aux citoyens togolais à travers le monde ; mieux, cela les agace. Voici une flopée de réactions concoctées sur la toile : « Dans quel pays sommes-nous où on arrête quelqu’un pour atteinte à la sureté de l’Etat et on le libère ? Sous quelle condition ? » ; « Ce qui est étonnant dans tout ceci, c´est que ces énergumènes qui jouent aux dieux au Togo ne réalisent même pas que cela devient ridicule à la fin. On dirait qu´au Togo de « Miabé » Inutile, tout le monde est en liberté provisoire ou provisoirement en prison » ; « Franchement, des fois ça frise le ridicule. Au Togo, pour un oui ou un non, on te fout en prison. Concernant Randolph, voilà quelqu’un qu’on nous a dit qu’il allait porter atteinte à la sureté de l’Etat, on l’embastille, après on ne dit rien, et on le libère presque en catimini et depuis, plus personne n’est capable de venir dire ce qu’il y avait dans cette affaire…Mais bon ok, ici c’est Togo »; « Ici la prison c’est la norme, la liberté l’exception ». Certains conçoivent même ces libérations provisoires à la pelle faisant suite à des arrestations inopinées comme un « chantage d’Etat ». Il faut avouer que cela ne fait pas honneur au Togo, qui plus est membre du Conseil des droits de l’Homme des Nations »…
 
Source : Tino Kossi, Liberté
 

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