Une bagarre qui tourne mal, un homme qui décède, de faux témoins de l’incident qui, pour des desseins obscurs, arrivent à faire emprisonner trois innocents. Et depuis 2013, sans aucun jugement. Seulement deux prévenus ont été relaxés. La demande de mise en liberté provisoire du 3ème n’a pas fait l’objet de réponse, une quarantaine de jours après alors qu’il existe un délai et une obligation de réaction du juge.
Les vrais témoins de l’incident existent toujours dont Djegnon Nicolas, Abdoulaye Ibrahim et Amemaka Atokéré. Et ceux-ci auraient affirmé et continuent d’affirmer qu’aucun de ceux qui prétendent avoir assisté à l’incident ayant entraîné la mort d’un individu et ont désigné les trois innocents n’étaient pas présents au moment des faits. A la chambre d’accusation, il aurait été très simple qu’il y ait une confrontation entre les prétendus témoins et les trois témoins oculaires pour faire jaillir la vérité. Mais jamais ce ne fut possible. Le ministre de la Justice, Pius Agbétomey a eu vent de l’affaire et aurait demandé que ce dossier soit traité.
Nous avons appris que des déclarations de Sékpéné, la femme de celui qui est décédé, devant le juge d’instruction, il ressort que le défunt mari aurait déclaré à sa femme sur son lit d’hôpital que n’eut été l’intervention de Djegnon Nicolas, ses agresseurs l’auraient achevé depuis la rue où l’incident s’était produit. A la suite de l’intervention du ministre qui a échangé au téléphone avec l’ancien doyen des juges d’instruction, et de son implication dans le dossier, deux des prévenus ont été relaxés. Kouagou Komi, arrêté le 12 octobre 2012 et Sikirou Bello, arrêté le 28 novembre 2012 ont tous les deux été libérés le 17 octobre 2018. Quid du 3ème ?
Le 3ème prévenu qui continue de croupir dans les geôles togolaises s’appelle Douté Togbuigan Nestor. Il était arrêté le 16 avril 2013. Des sources bien informées, il serait sur son lit de malade lorsque l’incident ayant entraîné la mort d’un homme s’était produit ; il avait subi une opération au Maroc et était rentré au pays pour raison de santé, et c’est l’un des témoins oculaires qui lui aurait raconté les faits. Et c’est alors qu’il suivait un match sur un terrain de football qu’il a été arrêté. « Si Douté Nestor était vraiment parmi les auteurs, n’aurait-il pas fui le village lorsqu’il avait appris que deux supposés coupables avaient été déjà arrêtés en octobre et novembre 2012 » ?, nous demande un magistrat qui a du mal à comprendre l’attitude des juges au Togo.
Mais récemment, on apprend qu’un mandat d’arrêt aurait été délivré depuis le Ghana contre Djegnon Nicolas, l’un des témoins de la bagarre. Parce qu’un litige relatif au foncier de l’autre côté de la frontière et dans lequel il détiendrait des éléments de preuve qui n’arrangeraient pas la partie adverse serait au cœur de cette cabale contre ce témoin oculaire.
Qu’est-ce qui peut justifier que Douté Nestor soit encore gardé alors qu’il n’était pas, selon les témoins oculaires, présent sur les lieux de la bagarre ? Depuis le 2 mai 2019, il a adressé sa demande au 1er juge d’instruction en évoquant des raisons de « détention abusive depuis 6 ans, pour des faits que je ne connais pas ; dégradation de ma santé et une vie difficile de ma famille…Je m’engage à répondre à toutes les convocations pour la suite de la procédure ».
Dans la parution N°60 de décembre 2018 de Reflets du Palais, l’ouvrage de Mme Suzanne Soukoudé-Fiawonou, « Le détenu et ses droits » est pourtant clair à ce sujet. « Le juge d’instruction dispose d’un délai précis pour statuer sur cette demande sinon, vous êtes autorisé à saisir directement la chambre d’accusation pour qu’elle statue sur votre demande. Le délai dont dispose le juge d’instruction varie selon les juridictions. S’il s’agit d’un tribunal où il y a un procureur de la République, le juge dispose de 5 jours pour se prononcer à compter de la date à laquelle il a communiqué le dossier au procureur de la République pour ses réquisitions. S’il s’agit d’un tribunal où il n’y a pas de procureur de la République, le juge dispose de 3 jours, au cas où il n’aurait pas communiqué le dossier au procureur général pour ses réquisitions. Lorsque le dossier est communiqué au procureur général, le juge a 20 jours pour se prononcer. La décision du juge doit être notifiée à l’inculpé ».
Et que faire lorsque le juge ne prend aucune décision ? Mme Soukoudé-Fiawonou poursuit : « Si le juge ne prend aucune décision dans le délai qui lui est imparti, vous pouvez adresser directement votre demande de mise en liberté provisoire par écrit au président de la chambre d’accusation. Conseil : il est important de préciser dans cette demande la date à laquelle vous avez adressé la demande initiale au juge d’instruction et quel juge a le dossier en charge ».
Malheureusement, nous n’avons pas la suite sur la démarche à entreprendre au cas où le président de la chambre d’accusation trainait aussi les pieds. Dommage. Mais on veut croire que le ministre ira au bout de ce qu’il a entrepris et qui a abouti à la relaxe pure et simple des deux coprévenus de Douté Nestor.
Rappelons que pendant le séjour carcéral de Sikirou Bello, sa maison a été cassée et vendue par ceux-là mêmes qui lui avaient vendu le terrain. Du rebondissement en perspective au quartier Ave Maria.
Abbé Faria
Source : Liberté No.2939 du Jeudi 13 Juin 2019