Au Togo, le financement de la culture et des arts est quasi nul, contrairement aux pays comme le Ghana, le Bénin, la Côte d’Ivoire ou le Burkina Faso où des milliards de francs CFA sont annuellement injectés dans l’appui aux acteurs du monde culturels.
Le 15 septembre 2021, le gouvernement a tenu son conseil des ministres hebdomadaire, sous la présidence de Faure Gnassingbé. Plusieurs sujets parmi lesquels le Fonds d’aide à la culture (FAC) étaient à l’ordre du jour de cette rencontre. Selon le communiqué issu du conseil, le ministre de la Culture et du tourisme a présenté une communication relative au FAC. « Le gouvernement, dans ce contexte marqué par la pandémie à la Covid-19 à travers la mise en œuvre du FAC, a apporté un appui aux artistes, créateurs et promoteurs culturels », a indiqué le communiqué.
Le gouvernement a, par ailleurs, précisé que la gestion 2021 du FAC a ciblé en particulier les acteurs culturels « en mettant en place un processus cohérent et inclusif avec notamment un assouplissement des critères. Au total, 512 projets ont été sélectionnés pour un financement de 300 000 000 de francs CFA. Le conseil a demandé au ministre de poursuivre la réflexion sur la réforme du FAC afin de le rendre plus efficace et bénéfique au développement culturel de notre pays », a rapporté le conseil des ministres.
300 millions de francs CFA débloqués pendant la période de crise sanitaire liée à la Covid pour financer les artistes. C’est un « gros montant » pour un pays où la culture est totalement à l’abandon et où les artistes, faute de moyens s’éteignent tels des feux de paille. Mais en rapportant ce montant au nombre de projets financés, on se rend compte que les artistes ont raison d’envoyer des SMS aux promoteurs afin que ces derniers les rappellent. Et pour cause, selon les chiffres du gouvernement, les artistes ont été financés à hauteur de 585.938 FCFA, en moyenne. Si on suppose que certains projets aient été financés à hauteur de 1 million de francs FCFA, il est alors évident que d’autres n’aient bénéficié que de quelques centaines de milliers de francs CFA.
Dans son communiqué, le gouvernement assure que les conditions ont été allégées. « Que du pipeau ! », répondent certains artistes que nous avons consulté afin d’avoir d’amples informations sur le sujet. « Le fond d’aide à la culture n’est jamais à la hauteur des attentes du monde culturel. C’est insignifiant par rapport à nos besoins. Vous imaginez que vous pouvez faire un projet de 10 millions. Vous multipliez les rendez-vous au point de vous fatiguer, et si le projet est accepté, on met 1 million à votre disposition. Mais vous êtes sans cesse harceler pour justifier la réalisation du projet. Quand vous voulez vous plaindre, on vos fait savoir que vous êtes nombreux. Finalement, les artistes prennent le peu qui est mis à leur disposition, mais ne réalise pas vraiment le projet », explique un plasticien.
Est-il donc possible pour le Togo de briller sur le plan international et rivaliser avec les autres pays ? Non. Et la preuve a été faite depuis plusieurs décennies. Par génération, le Togo a souvent un ou deux artistes ou groupes d’artistes qui remplissent les grands centres de concerts mondialement reconnus. La majorité végète au pays, et quand certains parmi eux ont la chance de quitter leur Togo natal, ils ne reviennent plus. On ne sait pas avec exactitude ce qu’ils deviennent. Seulement, on sait qu’ils ont rangé guitares et Djembé pour ne les sortir qu’à de rares occasions.
Des pactoles déboursés ailleurs
Pendant ce temps, le Bénin, le Ghana, la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso se signalent, soit par de grands festivals, soit dans le domaine du cinéma et autres arts. Au Bénin par exemple, il existe le Fonds des Arts et de la Culture (FAC) qui subventionne chaque année des projets. Depuis l’ère de Thomas Boni Yayi, l’Etat alloue des fonds conséquents pour subventionner les projets des artistes. A titre d’exemple, en 2008, il a été publié le décret N°2008-112 du 12 mars 2008 portant approbation des statuts du FAC. Suivant l’exposé des motifs de ce décret, le gouvernement a décidé d’allouer 1 milliard de francs CFA au titre de l’année 2008 contre 235 millions de francs CFA pour l’année 2007. « Renforcement des capacités (bourses de formation, séminaires et ateliers divers.) : 10% soit 100 millions FCFA ; Appui au renforcement des structures de production (projets et structures diverses de production) : 20% soit 200 millions FCFA ; Valorisation et promotion du patrimoine culturel : 10% soit 100 millions FCFA ; Aménagement et équipement des infrastructures d’animation et de diffusion culturelles dans les 12 départements : 20% soit 200 millions FCFA ; Promotion des arts et de la culture (tournées, festivals, manifestations à l’intérieur comme à l’étranger) : 15% soit 150 millions FCFA ; Provisions pour instruction directes du MCAT (ministère de la Communication, des artisans et du tourisme) : 14% soit 140 millions FCFA ; Caisse d’assistance aux acteurs culturels : 2% soit 20 millions FCFA ; Budget d’investissement et de fonctionnement du Fonds : 9% soit 90 millions FCFA », précise le document. Depuis cette allocation a subi des améliorations, et avant son départ du pouvoir en 2016, le président Boni Yayi a fait monter le FAC à 5 milliards de francs CFA.
En d’autres termes, ce que perçoivent ceux qui vivent de l’art et de la culture au Togo est à plusieurs années lumières de ce touchent leurs confrères du Bénin. Au Ghana, en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso, la situation est encore plus enviable. Pour ce dernier pays, le Fonds de Développement Culturel et Touristique (FDCT) lance régulièrement des appels à projets qu’il finance à coûts de millions de francs CFA. En mars 2021, le FDCT a financé, avec l’appui de ses partenaires, 74 projets dont 25 dans la filière « arts de la scène » (416 894 622 FCFA), 20 projets pour le « cinéma et audiovisuel » (489 000 673 FCFA), 29 projets dans la filière « artisanat d’art et design » (383 992 541). Ce financement au titre du premier appel à projet du FDCT s’élève à près de 1,3 milliards de francs CFA.
Il y a de quoi donner envie aux artistes togolais de fuir leur pays, d’autant plus qu’il y a un an, un ministre les a conseillé de se reconvertir en souscrivant aux offres du Fonds national de finance inclusive (FNFI) qui a financé les mamans à hauteur de 30.000 FCFA.
G.A.
source : Liberté