TOGO : Ingrid Atafeinam Awade à la tête de la CNSS : Des enjeux politiques et électoraux cachés derrière le parachutage de l’égérie de la République.


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Le vendredi 31 mars dernier, le Conseil des ministres a pris une décision surprise. Il s’agit de la nomination de Mme Ingrid Atafeinam Awade à la tête de la >Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS). A première vue, et au regard de l’autoritarisme de la nouvelle Directrice caricaturée de « La dame de fer », tout apparaissait comme une mission pour déloger le tout-puissant Koffi Kadanga Walla qui truste la direction depuis plusieurs décennies. Mais au-delà de cet aspect, des indiscrétions font état d’enjeux politiques cachés derrière le parachutage de l’égérie de la République à la tête de cette société.
 
Mission délogement, mais pas que
 
« Le Conseil des ministres entendu, décrète : Article 1er : Madame Ingrid Atafeinam Awade, Ingénieur financier, est nommée directeur général de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale », telle était la quintessence du décret. Cette nomination avait surpris et heurté des susceptibilités, d’autant plus qu’Ingrid Awade, de par sa personnalité, est incompatible avec le milieu et sa nouvelle fonction qui appelle à l’écoute, à l’humanisme, à la compréhension, autant de qualités qu’elle n’a nullement montrées à ses postes précédents. Un éléphant dans un magasin de porcelaine, telle était l’image évoquée par certains observateurs pour illustrer son parachutage à la direction générale de la CNSS.
 
Des sources avaient trouvé très tôt les motivations de cette nomination. Elle était peinte comme une stratégie habile de Faure Gnassingbé pour arriver à déloger de la tête de la CNSS, Koffi Kadanga Walla qui en a fait un patrimoine personnel, tout-puissant au point d’empêcher son remplaçant entre-temps nommé, Ihou Attigbé, de prendre fonction et faisant souvent entendre à qui veut que personne ne saurait l’y enlever. « La « dame de fer » pour déloger l’éternel Koffi Walla ? », nous interrogions-nous dans la parution N°2410 du 03 avril 2017 sous la titraille « Caisse Nationale de la Sécurité Sociale : Ingrid Awade pour déloger Koffi Walla et pérenniser le règne du pillage. Ihou Attigbé, le DG sur le papier de la CNSS, devient ministre », sur la base des indiscrétions qui nous parvenaient. « L’histoire de la Caisse nationale de sécurité sociale est indissociable d’un homme, Koffi Kadanga Walla, qui a trusté la Direction Générale depuis deux décennies. Admis à la retraite depuis 1998 mais parachuté à la tête de l’institution, l’homme y est resté durant dix-neuf (19) bonnes années, malgré les critiques sur cette longévité, les nombreux scandales qui l’ont éclaboussé, sa santé déclinante…L’homme en a fait un patrimoine personnel et cracherait à qui voudrait l’entendre que c’est l’héritage (sic) à lui légué par feu Eyadema et que personne ne pourrait le lui arracher.
 
Koffi Walla s’est incrusté au point de résister à tout le monde, même les premiers gouvernants du pays. On se rappelle qu’à son arrivée à la Primature en 2008, Gilbert Fossoun Houngbo avait promis s’occuper de son cas. Mais confronté aux réalités du système mafieux qui régente le Togo, le PM est parti sans le régler. Malgré son admission à la retraite, une santé déclinante, le sieur Koffi Kadanga Walla a continué à s’accrocher aux commandes du bateau de la CNSS qui se trouve à ce jour au creux de la vague.
 
En juillet 2016, après 18 ans à la tête de l’institution, le Conseil d’administration a cru devoir siffler la fin de son règne (sic). Il fut alors procédé à la nomination de Yaovi Ihou Attigbé, l’ancien Directeur Général de l’Union togolaise de banque (UTB) pour le remplacer. Mais ce dernier n’aurait jamais pris véritablement fonction, le « seigneur » de la Caisse s’étant accroché par tous les moyens. Selon les observateurs, c’est pour le consoler (sic) qu’Ihou Attigbé est nommé ministre de l’Industrie et du Tourisme. A force de « pleurnicher », il a été entendu par le chef de l’Etat qui a dû mettre un bédane dans le portefeuille de Bernadette Legzim-Balouki.
 
Ingrid Atafeinam Awade, le nouveau Directeur Général n’est pas Attigbé. Elle est réputée pour sa rigueur excessive, ses méthodes expéditives, bref pour être une tête brûlée. Raison pour laquelle elle était caricaturée de « dame de fer » par la presse. Surtout qu’elle tient sa nomination d’un décret présidentiel, elle jouit de la légitimité nécessaire pour déloger le « roi » Koffi Walla. Ingrid Atafeinam Awade apparait alors comme un chef commando en mission délogement. Certains se gaussent même que son prédécesseur risque une paire de gifles au cas où… « Je ne suis pas surpris de cette nomination. La CNSS participe activement au maintien de la minorité au pouvoir et on ne peut mettre à la tête de celle-ci qu’un très proche de Faure Gnassingbé. Ce sont beaucoup de milliards que génère la Caisse », confie un syndicaliste », avions-nous écrit.
 
Mais visiblement, ce parachutage ne répond pas qu’à ce souci de déloger Koffi Walla. Dans la rubrique des non-dits, de nouvelles indiscrétions évoquent des enjeux politiques cachés.
 
Veiller sur les intérêts du pouvoir, cap sur les législatives
 
« Il y a un trésor de guerre à la CNSS qui est souvent utilisé dans le maintien du clan au pouvoir », telle est la révélation à nous faite par une source bien introduite dans le sérail, qui ajoute : « Le siège était aussi un lieu des grands rendez-vous secrets du pouvoir pour l’élaboration de stratégies politiques ». En clair, au-delà de la motivation sus-évoquée, Ingrid Awade, en personne avisée, est parachutée à la tête de la CNSS, pas vraiment pour s’occuper des travailleurs, mais pour gérer cette caisse noire, alimentée malheureusement par les souffrances de ces derniers et autres retraités. Il est aisé de présumer que sous elle, le siège pourrait même se transformer en base arrière, QG ou même siège officiel annexe du parti au pouvoir. Bref, elle est là, non pas tellement pour s’occuper du bien-être des pauvres travailleurs, mais pour veiller aux intérêts politiciens du clan.
 
Ce parachutage n’est pas sans lien avec les futures échéances électorales, notamment les législatives de 2018 qui pointent à l’horizon. A en croire toujours notre source, Faure Gnassingbé veut opérer une razzia à ce scrutin afin de se donner les moyens de faire les réformes selon ses desiderata : « Il veut que son parti rafle la majorité nécessaire, d’abord pour flouer l’opinion internationale que le peuple est de son côté, dans sa boulimie du pouvoir qui le conduit à briguer mandat sur mandat, ensuite pour pouvoir opérer directement les réformes au Parlement selon ses humeurs. Et dans ce double objectif, il compte énormément sur Ingrid et ses réseaux implantés à tous les niveaux du système ».
 
Cela ne devrait étonner personne que ce soit la mission d’Ingrid Awade ; elle n’est pas sur un terrain nouveau. Son omniprésence dans les circuits du pouvoir et dans les sauces politiques et électoralistes est un secret de Polichinelle. Lors de son règne à la tête de la Direction Générale des Impôts (DGI), beaucoup d’indiscrétions avaient cité la société comme le sponsor (officiel) N°1 des activités de propagande du parti au pouvoir. C’est d’ailleurs une pratique répandue au sein du sérail, les régies financières ont toujours des caisses noires qui servent à financer les campagnes électorales et autres activités politiciennes du pouvoir. « (…) The right (wo)man at the right place, c’est que je dirais de cette décision du chef de l’Etat de confier cette mission secrète à Ingrid Awade. Il n’avait pas besoin de perdre du temps à un casting pour trouver la personne idéale. Je suis peiné de le dire, mais Mme Awade est dans son domaine. Même si officiellement elle n’a jamais eu de rôle politique de premier plan, elle ne demande pas la permission avant de débarquer sur le terrain des autres. Quand il s’agit d’assurer la pérennité du pouvoir de « son » homme, elle ne ménage aucun effort », glose un leader d’opinion.
 
Ces révélations, au demeurant, expliquent de mieux en mieux son parachutage à la tête de la CNSS. Le pouvoir met donc le cap sur les législatives, loin des yeux et des oreilles indiscrets, sans faire de bruit…Dans toute cette histoire, c’est l’opposition crédible et le peuple togolais en général qui sont avertis.
 
Source : Tino Kossi, Liberté 2432
 

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