Togo : Nouvelles répressions barbares à Mango


Arrestation de deux enseignants, des échauffourées et des blessés. Mango, la ville martyre par excellence de la gouvernance Faure Gnassingbé
Nouvelles répressions barbares à Mango | Caricature : Donisen Donald / Liberté
Nouvelles répressions barbares à Mango | Caricature : Donisen Donald / Liberté


Les populations de Mango sont-elles condamnées à être le souffre-douleur de la gouvernance Faure Gnassingbé ? C’est la grande question qu’il faudra se poser, lorsqu’on considère les derniers développements de l’actualité dans cette localité, notamment la tension qui y a encore régné vendredi dernier, suite à l’arrestation de deux enseignants. Et comme d’habitude, c’est le langage de la force que le pouvoir a parlé, déversant encore aux trousses des manifestants qui exigent leur libération, des militaires. Mango devient visiblement, la ville martyre de la gouvernance du fils du père.
 
Encore des échauffourées à Mango
 
La ville de Mango a été le théâtre de violentes manifestations ce vendredi. Tout est parti de l’arrestation de deux enseignants, Namoro Zékéria, directeur d’école à Nali et Moussa Adamou, professeur de français au lycée de Mango, sur ordre du préfet-militaire Ouadja qui n’est plus à présenter. Il est reproché aux deux enseignants de démobiliser les élèves pour l’exercice de défilé prévu dans le cadre de la célébration le 27 avril prochain du 56e anniversaire de l’accession à l’indépendance du Togo. Selon les sources officielles, c’est suite à de pseudos plaintes de parents d’élèves qui reprochent aux enseignants d’avoir proféré des menaces à leur endroit s’ils osaient laisser leurs enfants participer à l’exercice de défilé envisagé qu’il a été décidé de les appréhender. Mais c’est malheureusement ce qui allait mettre le feu aux poudres.
 
Informés de l’arrestation de leurs enseignants, des élèves et des parents se sont mobilisés pour manifester et exiger leur libération. C’est ainsi que des groupes de jeunes gens sont descendus dans la rue vendredi et ont occupé divers endroits de la ville dont le rond point, la gare routière et ses abords, brûlé des pneus, posé des barricades, bloquant la circulation sur la route nationale n°1 et dispersé la répétition du défilé devant avoir lieu ce matin-là. Au-delà de la libération des deux enseignants, pour les populations, il n’est pas question qu’on les force à célébrer la fête de l’indépendance, pendant que certains de leurs frères arrêtés en novembre dernier, croupissent toujours en prison.
 
La réponse de l’autorité compétente (sic) ne s’est pas fait attendre. Ce sont des escouades de forces de l’ordre et de sécurité, appuyées par des renforts de militaires qui ont été déversées aux trousses des manifestants. Et comme à ces genres d’occasions, ces éléments ont fait usage sans ménagement de grenades lacrymogènes, de tirs sur les manifestants qui ont répliqué par des jets de pierres. Les échauffourées ont eu lieu pendant de longues heures au cours de cette journée.
 
Selon les sources officielles, des manifestants se seraient introduits dans les locaux de la Direction de l’environnement et des ressources forestières où ils auraient saccagé un véhicule, détruit le mobilier qui s’y trouvait et emporté le drapeau national. Le bilan communiqué fait état de trois (3) blessés dont deux (2) fonctionnaires de police et un (1) gendarme. Volonté de le passer par pertes et profits, pas de blessés signalés curieusement dans les rangs des manifestants. Pourtant, on dénombrait sept blessés dont cinq sont toujours à l’hôpital américain de la ville.
 
Le gouvernement opte pour la force
 
C’est le seul langage que connaît le pouvoir Faure Gnassingbé en face des réclamations légitimes des populations. Concernant particulièrement les populations de Mango, c’est la ration que leur réserve le pouvoir depuis l’ouverture du front de la contestation dans cette ville. Si ce ne sont des tirs à balles réelles qui sont exécutés sur les manifestants, ce sont des chars fous (sic) qu’on conduit dans la foule pour écraser certains, sans compter les coups de matraque sans ménagement. Et généralement, bien plus que des forces de l’ordre et de sécurité, ce sont des militaires qui prennent le plus souvent le devant de la répression. C’est toujours dans la même logique de la force qu’est le gouvernement, s’agissant de la gestion de cette nouvelle affaire.
 
Devant ce nouvel épisode à Mango, le bon sens aurait voulu que les gouvernants gèrent le dossier avec tact. Car si l’on pourrait reprocher aux manifestants la voie choisie pour s’exprimer, ils ont quand même des raisons légitimes de manifester. Les jeunes exigent légitimement la libération de leurs enseignants dont l’arrestation a ravivé les tensions dans la ville. Une simple convocation de ces enseignants suivie d’une mise en garde à leur endroit aurait suffi. Le ton devrait être à l’apaisement, après la survenue des heurts. Mais au niveau du gouvernement, on opte pour une tolérance zéro à l’endroit des manifestants. «(…) En toute circonstance, force devant rester à la loi, des instructions fermes sont dorénavant données à la police et à la gendarmerie à l’effet de rechercher et d’interpeller les auteurs de tels actes, afin de les traduire devant les juridictions compétentes », a laissé entendre un communiqué du ministre de la Sécurité et de la Protection civile, le Colonel Yark Damehame. « La multiplication des manifestations intempestives de ce genre à l’instar de celles enregistrées ces derniers temps dans diverses localités, notamment Kanté, Tové et autres deviennent préoccupantes et par conséquent, intolérables », peste-t-il. Des consignes auraient été données aux « éléments » pour ne tolérer aucun « désordre » à l’avenir. Il faut donc s’attendre à ce que les meneurs présumés et autres manifestants soient encore poursuivis jusque dans leur dernier retranchement. Des élèves et des parents devront rentrer encore dans le maquis.
 
Mango, la ville martyre du pouvoir Faure Gnassingbé
 
Les populations de Mango sont-elles condamnées à ne subir que la violence avec le pouvoir en place ? La question se pose avec légitimité, d’autant plus que les citoyens de cette localité sont des souffre-douleur de la gouvernance du régime Rpt/Unir au cours de ce second mandat usurpé par Faure Gnassingbé. Cette manifestation de vendredi n’est que l’expression des ressentiments accumulés par les habitants de Mango. Il faut remonter aux violences subies en novembre 2015, dans le cadre du projet de réhabilitation de la faune, pour la comprendre.
 
On se rappelle que le 6 novembre dernier, les populations, comme un seul homme, sont descendues dans la rue pour protester contre cette réhabilitation envisagée de la faune qui leur rappelle de bien mauvais souvenirs. Pour toute réponse, c’est la force que le pouvoir leur a réservée. La répression s’est abattue sur les manifestants, avec des militaires déployés à leurs trousses qui ont tiré à balles réelles. Un char a été même conduit sur la foule et a écrasé certains. Le bilan faisait état d’une dizaine de personnes tuées dont un élément des corps habillés.
 
Les victimes et leurs familles n’avaient eu droit à aucun profil bas du pouvoir. En fait, pendant qu’on donnait l’impression d’appeler au calme et multipliait les déclarations dans ce sens, le pouvoir organisait la traque des meneurs présumés de la contestation. Les leaders de la fronde ont dû rentrer dans le maquis pour échapper aux affres du régime. Parmi les personnes arrêtées, certaines sont toujours maintenues en détention. Les appels des populations requérant leur libération, au nom de l’apaisement prôné par les gouvernants, restent vains. Les familles éplorées ont refusé de retirer les corps de leur proche et procéder à leur enterrement sans avoir connu les circonstances et les auteurs de leur assassinat. Mais le pouvoir se fout royalement de cette réclamation légitime. Pendant ce temps, des cadres du milieu sont mis à contribution pour faire des pressions sur les familles. Au-delà de la libération des deux enseignants appréhendés, ce sont tous ces ressentiments qui ont motivé la manifestation de ce vendredi.
 
On peut remonter loin le temps pour évoquer l’assassinat des deux élèves à Dapaong, Anselme Sinandaré et Douti Sinanlengue, en avril 2012, alors qu’ils ne réclamaient que leur droit à l’éducation. Ils ont été tués, et les auteurs sont bien protégés par le pouvoir. Ce sont autant de maltraitances qui révoltent les populations de la région et sont le plus souvent à l’origine des manifestations de contestations. Mango, et par extension, la région des Savanes, paient un assez lourd tribut de la gouvernance Faure Gnassingbé, notamment au cours de ce troisième mandat mis pourtant sous le sceau du social. Il y a une « martyrisation » ostentatoire de la localité par le pouvoir qui a de quoi braquer les populations. Le traitement à elles réservé fait qu’elles sont sur le qui-vive et braquées contre le pouvoir. C’est en pleine nuit qu’elles se sont levées pour chasser des militaires venues appréhender des frères identifiés comme des motivateurs des contestations dans le milieu.
 
A qui profitent les violences à Mango ? C’est la question que l’on devrait finalement se poser devant la multiplicité des cas de maltraitances sur ces populations déjà meurtries par la pauvreté qui est le seul héritage à elles laissé par le demi-siècle de gouvernance des Gnassingbé. Et ce n’est sans doute pas à Faure Gnassingbé…
 
source : Liberté
 

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