Togo / réformes politiques : S’inspirer du bon chez le voisin béninois


Le Togo est résolument à l’ère des réformes constitutionnelles et institutionnelles, même s’il n’y a rien de concret et Faure Gnassingbé semble plutôt manœuvrer pour se donner un bail à vie sur le pouvoir.
 
Caricature : Donisen Donald / Liberté
Caricature : Donisen Donald / Liberté


Le débat est d’actualité en tout cas, l’opposition parlementaire vient de déposer à l’Assemblée nationale une nouvelle proposition de loi de réformes, un soi-disant atelier de réflexion se tient la semaine prochaine, sans compter la fameuse commission de réflexion d’intellectuels version Faure Gnassingbé. Dans ce branle-bas général où tous les esprits convergent vers les réformes et où il est question de les façonner pour permettre l’enracinement de la démocratie au Togo, il est important d’explorer aussi les bonnes idées ou dispositions chez nos voisins. C’est dans cette logique qu’il urge de jeter un coup d’œil intéressé sur les propositions formulées par la Commission mise en place par Patrice Talon au Bénin, dans le cadre du processus de réformes envisagées par le président béninois.
 
Une bonne dynamique enclenchée malgré tout
 
Sur cette problématique, aucun acquis certain à se mettre sous la dent, surtout avec un Faure Gnassingbé plus préoccupé à rallonger son règne plutôt qu’à faire faire les réformes constitutionnelles, institutionnelles et électorales pour enraciner, comme visé par l’Accord politique global (APG), la démocratie et tracer dans notre pays les sillons de l’alternance, un principe sacro-saint en démocratie. Mais une bonne dynamique semble enclenchée depuis quelque temps malgré tout, ne serait-ce qu’avec le débat initié.
 
On déblatérait sur le néant. Mais l’Alliance nationale pour le changement (ANC) et l’Alliance des démocrates pour le développement intégral (ADDI) ont changé la donne. Ces deux formations ont le mérite, à travers leur nouvelle proposition de loi formulée depuis mercredi dernier, d’offrir de la matière, du concret. Personne ne peut gager d’un aboutissement heureux pour ce texte, vu que le précédent de novembre 2014 n’a été bloqué qu’au niveau de la Commission des lois de l’Assemblée nationale, pour la simple raison que l’opposition parlementaire n’a pas voulu concéder les passe-droits requis par les émissaires du pouvoir au profit de leur champion. Faut-il aussi le rappeler, le projet de loi introduit par le gouvernement fut rejeté par les députés de l’Union pour la République (UNIR) le 30 novembre 2014 pour les mêmes motifs. Mais cette nouvelle proposition de loi est une suggestion de réformes faite qui peut servir de guide pour les réflexions.
 
Il faut aussi signaler l’atelier de réflexion initié par Mme Awa Nana-Daboya et son HCRRUN, le Haut commissariat à la réconciliation et au renforcement de l’unité nationale. Tout a l’air d’une diversion officielle pour faire gagner du temps au Prince. En tout cas, les Togolais avisés n’en attendent rien qui puisse booster le processus de mise en œuvre de ces réformes. Les conclusions qui seront issues de cette messe (sic) vont sans doute subir le même sort que celui des recommandations en général de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) dont le rapport des travaux a été remis à Faure Gnassingbé depuis le 3 avril 2012, attendre dans les tiroirs durant un bon moment. Par ailleurs, une commission d’universitaires et d’intellectuels, comme annoncé par Faure Gnassingbé depuis l’Allemagne, est en perspective. Elle n’est pas encore formée pour débuter même sa mission. C’est dire qu’il faudra encore compter du temps pour arriver à du concret sur ces réformes. Mais le positif qu’il urge de souligner, c’est le débat qui est d’actualité.
 
S’inspirer du bon chez le voisin béninois
 
Copier chez son prochain ce qui est bon n’est nullement l’expression d’une envie, dit l’adage. C’est d’ailleurs un signe de sagesse que de tricher ailleurs ce qui est positif et l’appliquer chez soi. Sur cette problématique des réformes, copier n’est peut-être pas la démarche idéale, puisque les contextes, enjeux, réalités et besoins sont différents. Au Togo, il s’agit de ramener le pays sur le chemin de la normalité alors qu’au Bénin, il est plutôt question de renforcer la démocratie qui y a déjà élu domicile, « d’étudier et de proposer […] les réformes politiques et institutionnelles visant à améliorer le modèle politique béninois conformément aux options fondamentales de la Conférence nationale de février 1990 ». Mais il serait bien, au moment où les réflexions sont enclenchées dans notre pays sur ce processus, de s’inspirer quand même des bonnes idées d’ailleurs.
 
Parlant du Bénin, la Commission de réflexion sur les réformes mise en place le 6 mai 2016 par Patrice Talon à sa prise de fonction, conformément à ses promesses de campagne, a planché sur sa mission et remis officiellement ses propositions depuis le 28 juin dernier au Chef de l’Etat béninois. Plusieurs sujets d’importance ont été abordés, sans faire de quartier au mandant. Sur certaines questions, comme celle du mandat unique cher à Talon, les membres de la Commission se sont même permis de le contrarier en se retenant d’être affirmatifs conformément à sa volonté, lui laissant même le choix qu’il devra assumer. La Commission relève même qu’en sa forme actuelle – 5 ans renouvelable une fois –, le mandat présidentiel pourrait être maintenu. Elle propose une réforme du pouvoir judiciaire et suggère notamment que le président de la Cour suprême ne soit plus élu par le président de la République, mais par ses pairs.
 
Concernant la Cour constitutionnelle, la Commission soutient que le mandat unique de neuf ans renouvelable par tiers peut contribuer à l’indépendance de la juridiction, souhaite que ses membres soient élus au sein des assemblées de corps de juristes identifiés à l’exception de ceux nommés par le Président de la République et le Bureau de l’Assemblée nationale.
 
La Haute autorité de l’audiovisuel et de la communauté (HAAC) a été aussi concernée, la Commission propose que sa composition soit modifiée afin d’augmenter considérablement la présence des professionnels des médias – contrairement au Togo où l’enjeu de représentation politique prime sur tout autre critère- et ainsi permettre aux journalistes de s’approprier leur institution de régulation, que l’institution « procède à la sélection des directeurs des organes de presse de service public et soumette les noms du plus méritant par poste à la nomination du Chef de l’Etat afin de garantir l’accès équitable des partis politiques, des associations et des citoyens à cette catégorie de média ».
 
Le financement public des partis politiques a été également repensé et la Commission consent qu’il soit renforcé dans le sens de la transparence et de la pertinence, et dans ce sens, recommande un financement qualitatif de l’Etat au profit des partis politiques, surtout un mécanisme incitatif au regroupement, à la représentativité nationale et à la prise en compte du genre. Elle a réfléchi aussi à un problème récurrent au Bénin, le nomadisme politique dans le cadre de l’exécution des mandats électifs et prescrit la prévention du phénomène. Conscient de l’importance de ces réformes, Patrice Talon a été réceptif et s’est déclaré disposé à donner suite à ce rapport.
 
« J’ai la conviction que le contenu de ce rapport va nous ouvrir définitivement les chemins d’un nouveau départ politique. (…) Désormais, la balle est dans mon camp (…), nous allons nous efforcer rapidement d’examiner en détail le contenu de ce rapport pour sortir le projet de révision de notre Constitution que nous allons soumettre au Parlement dans les meilleurs délais afin que le peuple béninois soit saisi comme souverain l’année prochaine », a déclaré le chef de l’État béninois à la cérémonie de remise des conclusions au palais de la Marina, annonçant la convocation d’un référendum avant l’année 2017 sur la réforme constitutionnelle. Vivement que les bonnes vertus contaminent son voisin de l’ouest aussi.
 
Au demeurant, du travail de la Commission béninoise des réformes, on pourra s’en inspirer pour améliorer au Togo, par exemple, la proposition de loi de réformes faite par l’ANC et l’ADDI. Les fameux universitaires et autres intellectuels que projette de nommer Faure Gnassingbé pourraient également s’en inspirer, ne serait-ce que par rapport au sérieux dont ses membres font preuve dans l’appréhension des questions d’enjeu…
 
Source : Tino Kossi, Liberté
 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Welcome Back!

Login to your account below

Retrieve your password

Please enter your username or email address to reset your password.