Togo : Sévagan,ou la quête d’eau potable


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Les derniers chiffres des organisations internationales, en l’occurrence du Fonds des Nations-Unies pour l’Enfance (Unicef) rendus publics sur le taux en eau potable au Togo sont clairs et édifiants. Cinquante sept pourcent (57%) de la population rurale togolaise n’a pas accès à une source d’eau améliorée comme c’est le cas dans milieu urbain où ce taux n’avoisine que les 10%. Sévagan, une localité située à quelques kilomètres de la capitale, Lomé en est une preuve. L’eau, source de vie est devenue une denrée rare sinon source de maladie du fait de sa qualité.
 
Bidons jaunes à la tête ou attachés aux porte-bagages des vélos ou encore entassés devant la seule fontaine publique qui desservie trois villages. Des femmes et jeunes filles en petits groupes discutent ou papotent, attendant leur tour pour s’approvisionner en eau potable. Voilà brièvement l’image qu’offre Sévagan, une localité située dans la préfecture de Vo. Une image qui montre à suffisance le manque cruel en eau potable dans ladite localité. Une situation dangereuse qui expose les populations aux maladies et aux épidémies liées à l’eau non potable quand on sait que cette eau que vont chercher les femmes et jeunes filles, bref les habitants n’est pas en somme une eau potable du fait de sa qualité, son odeur et de sa couleur. L’eau, source de vie est devenue une denrée rare à Sévagan qui compte plus de mille âmes.
 
Les témoignages des femmes et jeunes filles de Sévagan
 
Adjo, native de la localité, vit depuis sa naissance à Sévagan. Chaque matin, elle doit comme toutes les autres femmes du village, aller à la principale fontaine de son village, aligner ces bidons d’eau en attendant de s’approvisionner en eau. Sept (7) bidons au total pour s’approvisionner. Cheveux en bataille, le pagne noué autour de la poitrine, Adjo attend très calmement parmi tant d’autres femmes son tour. « J’ai déposé mes bidons que voici liés avec une corde depuis quatre (4) heures du matin. Il faudrait que j’attende jusqu’ à 11heures voir 12heures au moins pour pouvoir recueillir l’eau et repartir chez moi »
 
Comme elle, beaucoup d’autres n’ont pas souvent le temps d’attendre calmement leur tour parce que le besoin en eau potable se fait cruellement sentir, d’après nos indiscrétions. Alors pour avoir rapidement accès à l’eau, il faut parfois tricher. Interviennent alors les bagarres. « Les bidons que vous voyez là, sont disposés par ordre d’arrivée. C’est le principe acquis ici pour tous ceux et celles qui doivent s’approvisionner en eau. C’est un principe que nous avons mis en place pour éviter le désordre ici et les bagarres. Mais cela ne résout pas le problème puisqu’il y a certains qui n’aiment respecter les règles », a laissé entendre Da vodou, habitante du village de Sévagan (Tonou). La quarantaine révolue, elle veille au respect strict de l’ordre au point de vente d’eau à la fontaine publique. Assisse sur le flanc gauche du robinet public, sa chicote en main, elle supervise tout. « Ma maison est juste en face du robinet. Je suis constamment ici pour collecter l’argent et pour éviter qu’il n’y ait des bagarres entre les femmes. Les bagarres pour l’eau sont quasi permanentes ici. Alors, on joue la police pour éviter le pire. »
 
Des kilomètres à parcourir pour de l’eau potable.
 
Si l’affluence est au rendez-vous à ce point d’approvisionnement en eau, c’est juste parce que le besoin en eau potable est réel, a constaté avec amertume l’équipe de reportage de « La Gazette du Togo ». Mais il faut aussi, pour ces femmes et jeunes filles parcourir des kilomètres avant de s’approvisionner en eau potable.
 
Maman Akouvi est une femme au foyer. La soixantaine environ, elle est venue avec sa belle fille à la fontaine chercher de l’eau pour toute la famille. Assise sur l’un de ses nombreux bidons jaunes, maman Akouvi attend tranquillement son tour. Elle a fait plus d’un kilomètre de marche avant de trouver ce point de vente d’eau potable pour s’en approvisionner. « J’habite très loin d’ici. Dans mon quartier, il n’a pas d’eau potable ni une pompe publique comme celle-ci. Les puits que nous possédons sont très profonds et se sèchent. L’eau n’est pas d’une bonne qualité », a-t-elle confié toute inquiète. Maman Akouvi n’est pas la seule dans cette situation. Koffi, dans la douzaine d’âge et ses trois frères aussi se trouvent dans le même cas. Ce qui choque, ils sont pour la plupart des écoliers et doivent coûte que coûte s’approvisionner au risque de maquer d’eau dans les jours prochains pour se laver ou pour préparer à manger. Mais le hic est que ces écoliers doivent eux aussi parcourir le même trajet que maman Akouvi avant d’avoir accès à l’eau potable. A leurs dires, le week-end, ils font ce trajet au moins deux fois. Un lourd fardeau pour ces enfants qui n’ont plus le temps de jouer ou de réviser leurs cours comme leurs amis de la capitale.
 
La qualité de l’eau
 
Elle est appelée eau potable mais la qualité de cette eau laisse à désirer. Pour avoir accès à cette source de vie à Sévagan (Tonou), c’est la croix et la bannière parce que les populations vivent au rythme des coupures d’eau. « Depuis deux jours, nous n’avons d’eau potable. La régie des eaux l’a coupée sans qu’on ne sache les raisons de cette coupure qui a plongé les populations dans l’amertume. À chaque fois qu’il a la redonne, l’eau devient jaunâtre », a laissé entendre Mathieu, un jeune agriculteur du village, venu chercher l’eau pour sa femme qui vient d’accoucher.
 
D’après nos investigations, l’eau qui sort du robinet à Sévagan (Tonou) n’est toujours pas identique à celle de Lomé du point de vue qualité. C’est-à-dire que l’eau de Sévagan (Tonou) n’est pas claire. Face à cette situation et pour éviter les maladies et les épidémies, les populations sont obligées de procéder à la filtration de l’eau en y ajoutant de la cendre ou « Alam » avant toute consommation. Malgré la qualité de l’eau, celle-ci est destinée à la vente. Et comme la demande se fait sentir, nombreux sont les villageois qui accourent même des villages voisins pour s’en approvisionner. Ainsi, pour trois (3) bidons jaunes de 25 litres, il faut débourser la modique somme de 25 FCFA. Malgré le coût en baisse et vue surtout la qualité de cette eau du robinet, certains préfèrent s’approvisionner aux puits du village qu’ils passent à la filtration traditionnelle comme l’eau du robinet.
 
Que dire du lac Togo ?
 
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Le village de Sévagan partage le lac Togo avec beaucoup d’autres villages environnants. Beaucoup sont ces villageois pour la plupart jeunes qui se baignent là dedans. Julienne huit (8) ans et sa petite sœur Adjovi savonnent leurs éponges. « Chaque matin et soir, c’est ici que nous venons nous doucher », a indiqué l’aîné Julienne. Aux dires de cette adolescente, c’est pour éviter à leur mère de gaspiller l’eau du robinet qu’elle va chercher sur des kilomètres qu’elles ont préféré se baigner dans le lac. D’ailleurs, elles ne sont pas les seuls adolescents rencontrés par l’équipe de « La Gazette du Togo » qui a fait le tour du village. Plus loin l’équipe aperçoit quelques personnes âgées, venues aussi se doucher dans le lac mais qui n’ont pas tenu à s’exprimer sur le sujet. L’eau du lac est-elle essentiellement destinée à la douche ? Voilà la question qui trottinait les esprits des « Gazetiers » quand un véhicule a bondi de vive allure dans le lac. A son bord, de jeunes filles qui sortaient dudit véhicule des bidons. Que se passe-t-il ? Cette eau dans laquelle se baignent les habitants de la localité est-elle aussi destinée à la consommation ? Approchées, aucune d’entre elles et même le chauffeur du véhicule n’ont pas voulu répondre à l’équipe du reportage. « C’est toujours vous les journalistes qui veulent tout savoir », a rétorqué le chauffeur d’un air méchant puisqu’il s’est aperçu qu’il avait en face de lui des hommes qui tenaient des appareils photos et une caméra. Qu’elle soit destinée à la consommation, l’eau du lac est identique à celle qui sort des puits et robinets publics visités, qui elle, semble se différencier un tout petit peu si elle doit servir à la consommation.
 
Tout compte fait, le problème d’accès en eau potable dans cette localité, demeure crucial et se pose avec acuité. Les populations de ce petit village de pêcheurs et d’agriculteurs poussent des cris de détresse en interpellant les pouvoirs publics à leur venir en aide pour qu’une solution définitive soit trouvée à ce problème d’accès en eau potable, c’est-à-dire d’une bonne qualité : limpide, claire et inodore. Les pouvoirs publics ont-ils soucis de mettre les populations à l’abri des maladies et surtout épidémies liées à l’eau non potable ? Vivement que l’eau qui est source de vie ne devienne pas source de maladie et de mort pour les habitants de Sévagan (Tonou) et pour les populations du Togo en général.
 
Daniel ADDEH
 
source : La Gazette du Togo
 

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