Depuis bientôt trois ans, le torchon brûle entre le chef canton d’Agoè-Nyivé, Togbui Kodjo Hélou Aristide Edmond SEDJRO IV et les responsables du Comité de développement d’Agoè-Nyivé (CDA). Le désaccord est né de la gestion des latrines publiques du quartier Atsanvé.
Le chef canton est accusé de détournement de fonds. Un montant de quatorze millions (14 000 000) FCFA destiné à finaliser la rénovation de l’Ecole primaire publique centrale d’Agoè-Nyivé aurait été détourné par l’autorité traditionnelle. Ces deux affaires sont pendantes devant la justice.
Le canton d’Agoè-Nyivé érigé aujourd’hui en préfecture a bénéficié en 2000 d’un appui financier de la Banque mondiale. Les micro-projets prévus pour offrir des latrines publiques aux quartiers Nyiveme, Adidronkpo et Atsanvé ne se sont pas achevés dans les meilleures conditions, du fait de la rupture de la coopération entre le Togo et l’institution internationale. Néanmoins, en 2006, le quartier Atsanvé a pu achever la construction de ses latrines. La gestion pouvait alors commencer. « Dans la gestion des latrines, les responsables du CDA ont jugé utile d’octroyer au quartier Atsanvé le quart (1/4) des recettes issues de ces latrines pour ses besoins communautaires. Cette gestion se passait normalement sous le contrôle d’un comité établi à cet effet par le CDA au quartier Atsanvé. Des responsables du CDQ Atsanvé étaient aussi parmi les membres de ce comité de gestion. Et pour la pérennisation de ce projet d’assainissement des quartiers d’Agoè-Nyivé, il a été prévu par le CDA que les trois quarts (3/4) restants des recettes générées par les latrines d’Atsanvé servent à l’entretien, aux besoins courants et à la construction des autres latrines conformément aux projets initialement conçus », explique une source.
Comme pour perturber l’évolution des populations, un groupe d’individus conteste la gestion des latrines et en réclame la charge. Dans la foulée, ils se plaignent au chef canton et s’emparent de la gestion matérielle et financière des latrines. Ce groupe est composé des sieurs MLAGANI Kodjovi, HODOR, AVOU et BOTOR Komlan. « Le 09 août 2014, le chef canton convoque les intéressés assistés de M. TUGBENYO Komla. C’était en présence des chefs Togbui EHLAN Amli d’Agoè-Nyivé Apelebime, Togbui FIGA Etsrou de Sogbossito, Togbui KEGBALO de Nyamassigan et du notable SEDJRO Mawuli. Le chef canton a écouté les deux parties antagonistes et l’affaire fut renvoyée au 17 septembre 2014. A ce rendez-vous, contre toute attente et à la grande surprise du Comité Exécutif du CDA, l’autre partie brilla par son absence. A tous les autres renvois successifs du procès, le camp des usurpateurs ne se présente pas », relate-t-elle.
Le chef canton décide alors que les recettes issues de la gestion des latrines lui soient versées. Une décision unilatérale contestée par le CDA. Mais depuis, c’est Togbui Kodjo Hélou Aristide Edmond SEDJRO IV qui reçoit les sous. Toutes les tentatives et négociations du CDA pour reprendre la gestion des latrines sont restées vaines. Les responsables du CDA se sont alors plaints au Commissariat de Police d’Agoé Atsanvé. « L’officier en charge du dossier, après avoir soumis les usurpateurs à l’interrogatoire, leur a signifié qu’ils ont effectué un détournement des fonds, et par conséquent, ils doivent rembourser ou ils vont être enfermés. C’est ainsi que le chef canton est intervenu pour solliciter leur mise en liberté provisoire pour que cette affaire soit réglée par ses bons soins. Depuis septembre 2014 jusqu’à ce jour, le chef canton n’est pas arrivé à régler le problème. Pour se dédouaner, il dit être en voyage ou n’avoir pas le temps », fustige notre interlocuteur.
Contre toute attente, au cours d’une rencontre avec le chef canton, ce dernier a annoncé sa décision d’affecter les fonds obtenus de la gestion des latrines à d’autres travaux. « La dernière rencontre du Comité de Développement d’Agoè-Nyivé avec le chef canton remonte au 23 mai 2015. A cette assise, il déclarait qu’il entend affecter les fonds de CDA à d’autres travaux de réhabilitation et d’assainissement. Pourtant, il n’a aucun pouvoir d’ordonnancement des opérations financières et économiques avec ces fonds. Les responsables du CDA lui ont signifié que le comité est une personne morale dotée des statuts juridiques ayant des organes de fonctionnement, et qu’aucunement, nul ne peut se prévaloir d’un titre que ce soit pour s’ingérer incongrument dans sa gestion », poursuit-il. Cette annonce du chef canton a suscité de la curiosité chez le CDA qui a demandé à savoir combien lui est versé jusqu’alors. Une requête à laquelle le chef canton aurait violemment réagi en exigeant une amende de douze (12) bouteilles de Rhums pour outrage « à sa Majesté ». Il aurait également soutenu les sieurs BOTOR, AVOU, TUGBENYO et MLAGANI dans leur refus de comparaître par devant la justice, le CDA ayant saisi le Tribunal de Première Instance de Lomé. Le chef canton ferait également pression sur le juge en charge du dossier par l’intermédiaire de certains responsables judiciaires.
Outre cette affaire qui entache la réputation de cette autorité traditionnelle, d’autres personnes se tiraillent avec Togbui Kodjo Hélou Aristide Edmond SEDJRO IV. Parmi elles, un entrepreneur et un ressortissant togolais vivant aux Etats-Unis. A en croire nos sources, plus de 14 millions de francs CFA ont été emportés par le chef canton dans le cadre de la rénovation de l’Ecole primaire publique centrale d’Agoè-Nyivé.
Les faits se sont produits en 2015, pendant la période des vacances. Le compatriote résidant aux USA est revenu au pays et au cours d’une randonnée dans le canton, s’est retrouvé nez à nez avec son ancienne école. Aussi bizarre que cela puisse paraître, les murs et le toit de l’école n’avaient pas changé. Ils étaient dans un état de délabrement, faute d’entretien depuis une vingtaine d’années. « Il était étonné à son arrivée dans l’enceinte de ladite école lorsqu’il a découvert que les anciennes tôles qui couvraient le toit et l’état des murs lézardés sont restés identiques, sans changement depuis son enfance. Dans sa compassion, il a décidé d’intervenir personnellement par ses relations pour que les bâtiments soient rénovés. C’est ainsi qu’il alla voir le chef canton d’Agoè-Nyivé pour prendre langue avec lui en compagnie de l’inspecteur Kodjogan Laurent ATSOU. Au cours de leur discussion, il a promis de solliciter l’aide des ONG américaines pour obtenir des financements. Le chef canton a exigé que les fonds devant contribuer à la réfection de l’établissement transitent par son compte bancaire. Ayant confiance au chef canton, l’homme d’affaires a accepté sa proposition. C’est ainsi que les fonds sont virés sur le compte bancaire de Togbui Kodjo Hélou Aristide Edmond SEDJRO IV », raconte une source proche du dossier.
Les travaux devaient prendre fin avant le début de la rentrée scolaire 2015-2016 et le maître d’œuvre a alors demandé au chef canton de décaisser les fonds pour finaliser la réfection. « Malheureusement, Togbui Kodjo Hélou Aristide Edmond SEDJRO IV tardait à décaisser les fonds et le maitre d’œuvre s’est retrouvé dans l’obligation d’achever les travaux à ses propres frais. Il faut dire que c’est dans le but de garder la bonne image de son entreprise, mais surtout parce que la rentrée était proche. Il ne pouvait pas laisser les élèves reprendre les classes dans des salles non couvertes », explique la source.
Mais depuis bientôt un an, le chef canton n’a pas rendu les quatorze millions (14 000 000) FCFA représentant le dernier décaissement. Informé, l’homme d’affaires a décidé, par le biais de ses avocats, de porter l’affaire devant la justice. « Il a donc porté plainte contre le chef canton et son collaborateur en la personne de Laurent Kodjogan ATSOU. Ce dernier s’est toujours présenté devant le juge parce qu’il ne se sent ni de près, ni de loin concerné par le détournement des fonds alloués. Mais à chaque rendez-vous, le chef canton s’illustre négativement par son absence. Lorsqu’on tente de le joindre, son portable sonne interminablement et il ne décroche pas », conclut-elle.
Nous avons également joint Togbui Kodjo Hélou Aristide Edmond SEDJRO IV pour avoir sa version des faits. Seulement nous n’avons rien tiré de l’entretien. Le chef canton estime ne pas pouvoir discuter parce qu’il serait actuellement à Kara.
Source : [13/07/2016] G.A., Liberté No. 2233