Troublés par leur forfaiture dans le dossier Bodjona, les juges de la Cour Suprême sont désormais contraints de marcher sur les œufs


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Dans l’exercice d’une fonction, il est des actes qu’il ne faut jamais poser au risque de se faire très vite rattraper par les faits surtout lorsque l’on est dans un métier aussi sacerdotal que celui du magistrat.

Et dans une République, il est dit que la loi est impartiale et impersonnelle. Voilà pourquoi tout magistrat qui a prêté serment devant Dieu et devant les hommes pour rendre justice au nom du peuple, donc pour mettre en œuvre cette loi, se doit lui aussi de se montrer neutre et impartial.

En principe, l’exercice du métier de magistrat devrait être le plus facile dans une République pour la simple raison que le législateur a pris soin de tout prévoir, de tout écrire et d’édicter, au cas par cas, la conduite qu’un juge doit tenir devant tel ou tel délit, telle ou telle infraction, tel ou tel crime.

Mais depuis qu’au Togo, le politique a trouvé le moyen détourné et incongru de se mêler des dossiers judiciaires et d’y jouer un rôle catalytique insoutenable, l’on assiste à une délirante divagation des magistrats à tous les échelons de notre justice.

Tenez, il y a quelques jours, nous faisions état dans un article d’un léger frémissement dans la justice togolaise suite à un arrêt rendu le 17 avril par la Cour Suprême qui ordonnait la relaxe de trois détenus dans le dossier des incendies.

Nous nous réjouissions dans cet article de l’inhabituelle audace affichée par les magistrats de la Cour Suprême qui ont eu le courage de casser le démentiel arrêt de la chambre d’accusation qui tenait à tout prix à maintenir les trois jeunes en détention à la prison civile de Kara alors que les faits n’étaient pas du tout établis contre ces derniers.

Il a fallu que nous rentrions en possession, trois semaines plus tard des termes de cet arrêt pour nous rendre à l’évidence des conséquences fâcheuses que les répétitives forfaitures que nos juges ont eu à opérer, notamment dans le dossier Bodjona, ont encore sur le fonctionnement de la justice togolaise.

En effet, dans le recours en cassation formulé par le conseil des trois détenus, la Cour Suprême avait à statuer sur au moins quatre moyens de droit.

De notoriété publique, le juge rapporteur désigné par la chambre judiciaire se doit d’étudier tous ces moyens de droit soulevés dans le mémoire servant de recours et de donner dans son rapport, son avis sur chacun de ces moyens avant de le soumettre à l’adoption de l’ensemble des membres qui composent la chambre de séant.

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A son tour, pour rendre l’arrêt définitif, la chambre judiciaire se doit elle aussi de se prononcer sur tous les points de droits évoqués par le pourvoi avant d’adopter un à partir duquel elle fait droit ou infirme le recours. Tout se processus doit être soutenu par un argumentaire juridique qui s’appuie naturellement sur des textes de loi.

C’est justement cela le droit tel qu’il est prescrit et édicté par le législateur aussi bien au Togo que dans tout pays au monde.

Mais qu’avons-nous constaté dans l’arrêt du 17 avril rendu par la Cour Suprême et qui ordonnait la libération des nommés Napo Tchein, Naboudja Bouraïma et Kamingh Piabalo ?

Les juges de la chambre judiciaire de la Cour Suprême de Lomé ont fait un saut magistral terrible évitant exprès et de façon flagrante, les deux premiers moyens développés dans le pourvoi, pour statuer uniquement sur le troisième moyen et faire droit à l’avocat.

Certes, la défense a eu gain de cause puisque son objectif qui est d’obtenir la libération de ses clients détenus a été atteint, mais il demeure que les magistrats ont dû faire une acrobatie qui cache mal toute la difficulté qu’ils ont aujourd’hui pour dire le droit sans se déjuger et se dédire après les forfaitures dont ils ont eu à se rendre coupables dans des dossiers signalés comme celui de Pascal Bodjona.

En réalité, pourquoi les juges de la Cour Suprême s’étaient vu obligés d’esquiver les deux premiers moyens développés par le pourvoi de Me Tchassanté dans cette affaire des incendies du marché de Kara ?

Simplement parce que ces deux premiers moyens relevaient justement la violation flagrante et éhontée de certaines dispositions du code de procédure pénale qui avaient déjà été amplement et pertinemment soulevées dans le dossier Bodjona et où les juges, pris sous les feux et les menaces du palais de la marina, s’étaient vu contraints, de guerre lasse, de ne pas faire droit à Pascal Bodjona et à ses conseils malgré l’imbattable argumentaire juridique développé par ces derniers.

Ces magistrats avaient à l’époque pondu lapidairement une décision honteuse et particulièrement indigne d’une Cour Suprême. Vraiment, ce 21 novembre 2013 où Abdoulaye Yaya a été obligé de lire cet arrêt contre Pascal Bodjona, était un jour noir pour la justice togolaise. Cela se reflétait d’emblée aussi bien dans la gorge nouée de Yaya lui-même que dans les visages sombres et malheureux de ses quatre conseillers qui l’entouraient au podium. Ils venaient là de franchir le Rubicon de la forfaiture, du non-droit, de l’idiotie et de la piraterie judiciaire.

Alors, pendant combien de temps encore, nos juges s’exerceront-ils à marcher sur les œufs pour finir par rendre des arrêts au rabais parce qu’ils veulent éviter de se déjuger ? La question reste toute entière d’autant plus que le droit doit être dit et la justice doit continuer de fonctionner.

A plus forte raison, le dossier Bodjona qui cause autant de peines au sommet de l’Etat et aux magistrats est encore pendant devant cette Cour Suprême qui devra se prononcer sur le deni de droit et les violations malsaines des droits de ce dernier.

Que fera-t-elle cette fois-ci ? Continuera-t-elle à divaguer et à délirer ou se résoudra-t-elle à enfin agir dans le sens de la noblesse et de la justice ?

Tout compte fait, il appartient à ces hommes en toges de comprendre qu’en tant que magistrats formés et assermentés pour dire le droit, ils se doivent de mesurer toute la portée de leur responsabilité historique dans le devenir de ce pays et d’apprendre à s’assumer dignement dans l’exercice de cette mission sacerdotale sacrée.

 
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