Le Togo, 25 ans après la Constitution de 1992


« En vérité le chemin importe peu, la volonté d’arriver suffit à tout » – Albert Camus

 
25 après l’adoption par référendum de la Constitution togolaise, les Togolais en sont encore à revendiquer le retour à cette mouture. Une curiosité pour ceux qui soutiennent la dictature gnassingbéenne, la Loi fondamentale étant par essence appelée à s’adapter aux évolutions politiques et à répondre aux impératifs d’un bon vivre ensemble, dans un monde de plus en plus moderne. Mais cette volonté de remettre au goût du jour un texte vieux de 25 ans reste la preuve que la transition démocratique qu’elle était censée parachever par l’avènement d’un Togo résolument démocratique est demeurée en l’état.
 
Pire, elle a été un échec d’autant plus cuisant que les bonnes intentions de ses rédacteurs ont été noyées dans la mer un 31 décembre 2002, actant une marche à reculons et confinant les forces en lutte pour la démocratie dans un harassant mythe de Sisyphe. En tant que constitution, elle comportait du bon et, sans doute, du moins bon. Elle était perfectible et ne pouvait échapper à des amendements ultérieurs éventuels. D’ailleurs, elle prévoyait les conditions de sa propre révision.
 
Mais le 31 décembre 2002 symbolise une date de triste réputation pour le peuple togolais. Des dispositions fondamentales notamment la limitation des mandats présidentiels à deux et le mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours en ont été supprimées, offrant carte blanche à Eyadéma d’expérimenter son projet de bail à vie sur le fauteuil présidentiel. Ajoutée à la succession dynastique au pouvoir survenue en 2005 au décès du vieux dictateur, ces dates vidèrent complètement la Loi fondamentale de tout ce qui en faisait la quintessence.
 
Faut-il un 05 octobre bis pour le retour à la normale ? D’aucuns diront que de par leur ampleur, les manifestations de rue initiées à l’appel de l’opposition sont largement suffisantes pour contraindre le pouvoir à lâcher du lest. Soit ! Mais l’héritier du pouvoir n’est pas près de faire le saut qualitatif. Ou encore les Togolais devraient-ils ou pourraient-ils recourir à la force armée, un moyen illégal de conquête du pouvoir pour asseoir un pouvoir légitime ? C’est la voie que leur montre Christian Trimua.
 
Après autant d’années, il est difficile de concevoir qu’à toutes les revendications populaires, le pouvoir ne répond que par une brutalité à nulle autre pareille et ne propose, dans le meilleur des cas, qu’un référendum pour adopter un texte constitutionnel en déphasage avec les aspirations du moment. C’est pourquoi l’opposition togolaise a bien intérêt à ne plus vendanger sa puissance mobilisatrice ni à se laisser happer par le pouvoir, comme elle en a l’habitude. 25 ans après l’adoption de la constitution de 1992 et 27 ans après le mouvement patriotique du 05 octobre 1990, les forces démocratiques sont à un nouveau tournant historique.
 
Si la ruse, la manipulation de la loi, le dialogue et la terreur ont permis à la dynastie de se maintenir pendant 50 ans au pouvoir, même dans les moments de fortes turbulences, aujourd’hui, l’histoire ne saurait se réécrire au bon vouloir du tyranneau et de ses collabos. Quand le peuple, seul détenteur de la souveraineté décide, ce ne peut être que l’aboutissement d’une marche forcée vers la démocratie. Il ne tient qu’aux meneurs de la lutte de débusquer l’alternative crédible et efficace. 25 ans après ce référendum historique, revenir à la mouture constitutionnelle originelle se révèle un exercice particulièrement difficile, mais républicain.
 
Pour ces hommes et femmes qui se mettent au-devant de la lutte, l’équation à résoudre aujourd’hui est bien simple : contraindre le pouvoir à concéder cette revendication ou disparaitre.
 
Meursault A.
 
Source : Liberté No.2526 du 28 septembre 2017
 

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