Interview Me Raphael Adzaré-Kpandé, président de la LTDH : « Nous ne pouvons pas vivre dans une République dirigée par des normes de la dictature ce n’est pas possible »


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La dernière sortie du chef de l’Etat à Accra affirmant que la constitution togolaise sera rigoureusement respectée au moment où son opposition appelle à des réformes n’a pas laissé indifférent. Dans cette interview, Me Raphael Adzaré-Kpandé, président de la Ligue togolaise des droits de l’Homme (LTDH), un des acteurs de la société civile répond au chef de l’Etat. Il lui rappelle que les engagements qu’il avait pris de faire ces réformes. Lire l’interview…
TOGO ACTUALITE : Les organisations de défense des droits regroupées au sein de la Synergie vous descendez encore dans les rues ce vendredi, pourquoi faire ?
 
Me Raphael Kpandé-Adzaré : Effectivement, nous avons appelé à une manifestation le vendredi 28 novembre pour revendiquer les réformes avant les élections présidentielles de 2015. Nous le revendiquons en tant qu’organisation de défense des droits de l’Homme, parce que nous avons suivi ce qui s’est passé en 2005- la boucherie qui a été organisé- où il y a eu plus de 1000 morts et c’est suite à ces événements que la CVJR a été crée, c’est suite à ces événements que l’APG a été signé pour faire en sorte que les élections ne soient pas de moments de violences graves et massives des droits de l’Homme. Nous pensons aujourd’hui que ces réformes doivent être opérées parce que sans ces réformes il y aura toujours des grabuges, il y aura des violences massives des droits de l’homme, il y aura pour répéter le chef de l’Etat, le retour des vieux démons, c’est pour cela que nous demandons lors de notre manifestation à venir les réformes avant les présidentielles.
 
TOGO ACTUALITE : Vous appelez à descendre dans la rue mais au même moment, il y a une proposition de loi au parlement alors votre marche a-t-elle un sens ?
 
Me Raphael Kpandé-Adzaré : Notre marche a son raison d’être pourquoi ? Parce que cette proposition de loi a été une fois analysée et a été rejetée par les députés de la majorité et nous estimons qu’il faut une pression. Les ODDH sont un groupe de pression, nous estimons qu’il faut une pression pour que aujourd’hui le désir poussé de changement qu’aspire le peuple togolais- aujourd’hui la pratique internationale voudrait que les réformes- se fassent. N’oubliez pas que nous sommes le seul pays dans la sous région au niveau de l’UEMOA, au niveau de la CEDEAO où on ne connait pas la limitation de mandat. Nous sommes le seul pays où les élections se font à un seul tour et non à deux tours. Nous pensons que le Togo n’est pas une exception. Nous avons adopté les principes de la République, nous ne pouvons pas vivre dans une République dirigée par des normes de la dictature ce n’est pas possible. Il faut nécessaire faire ces réformes c’est pourquoi nous disons que même s’il y a un proposition de loi déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale, notre manifestation a sa raison d’être pour dire que le peuple togolais a un désir très poussé pour le changement.
 
TOGO ACTUALITE : Réformes vous êtes d’accord mais vous dites, pas de compromis pour personnaliser la constitution…
 
Me Raphael Kpandé-Adzaré : Oui ! C’est tout à fait normal, la loi est par essence générale et impersonnelle c’est-à-dire que la loi ne doit pas être taillée sur mesure, la loi ne peut pas être dirigée contre une personne, la loi ne doit pas être faite en faveur d’une personne. Je pense que aujourd’hui que les ODDH ne doivent pas, ne peuvent accepter que des compromis politiques déclinent à des compromissions en ce sens que ce soit des politiques qui font en sorte que le consensus trouvé puisse l’être au détriment du peuple togolais. Vous savez en 1992, le peuple togolais s’est doté d’une constitution qui a été massivement adoptée. Cette constitution dispose en son article 59 que le président de la République est élu pour un mandat de 5 ans renouvelable une seule fois et cet article poursuit qu’en aucun cas nul ne peut faire plus de deux mandats. Je crois que le peuple togolais qui s’est placé sous la protection de Dieu a sacralisé cette constitution et ce mandat et je crois que c’est quelque chose que le peuple s’est donné de très fondamentale et personne en réalité ne peut aller contre. Vous vous rappelez qu’en décembre 2002 au moment où l’actuel président de la République, le président Faure Gnassingbé était président de la Commission des affaires Etrangères de l’Assemblée nationale, cette loi fondamentale a été modifiée, tripatouillée et finalement a accordé un bail illimité au chef de l’Etat et je rappelle que le chef de l’Etat, ne peut se dire étranger à cette modification parce que c’est au cours de cette modification que l’âge –a avoir pour postuler- à la présidentielle a été ramené à 35 ans et donc c’est quelque chose qui a été taillée sur mesure pour que le chef de l’Etat puisse se présenter aux élections et donc nous pensons que le débat burkinabè et celui togolais est le même. Nous ne pensons pas que celui qui veut sauter le verrou constitutionnel pour s’éterniser au pouvoir soit différent de celui qui veut une constitution taillée sur mesure pour s’éterniser au pouvoir. La finalité reste le même celle de s’éterniser au pouvoir. Et aujourd’hui la pratique internationale est fortement contre.
 
TOGO ACTUALITE : Et justement par rapport à ça, le chef de l’Etat vient de siffler la fin des réformes estimant que la constitution actuelle sera rigoureusement respectée ?
 
Me Raphael Kpandé-Adzaré : Je voudrais rappeler ici une pensée du Général De Gaulle qui disait que « celui qui aspire ou celui qui dirige un peuple doit être conscient de sa propre faiblesse et des souffrances de son peule ». Vous savez le chef de l’Etat en recevant le premier volume du rapport de la CVJR en mai 2012 disait ceci : « c’est avec courage et lucidité qu’il nous faudra lire avant de les tourner toutes les pages de cette mémoire controversée pour éviter le retour des vieux démons. J’ai la ferme conviction que le processus enclenché n’a de réel chance d’atteindre l’objectif d’apaisement, de réconciliation et de paix que s’il s’accompagne de réformes institutionnelles et sécuritaires renforçant les garanties de non des répétitions des violences, des atteintes aux droits de l’homme du passé, à l’intégrité physique, et à la dignité des personnes ». Cela voudrait dire quoi ? Cela voudrait dire que le chef de l’Etat lui-même sait que s’il ne fait pas des réformes, il ne peut pas organiser des élections sans de graves atteintes aux droits de l’Homme, sans des violences. J’ai écouté le chef de l’Etat faire cette conférence de presse au Ghana et moi sur la forme je dis que d’abord c’est une insulte à l’intelligence du peuple togolais, c’est une provocation pour dire que le peuple togolais n’a rien à faire, lui il peut tout faire, il peut nous conduire là où nous ne voulons pas. Je dirai aussi que j’ai entendu le chef de l’Etat avec une gorge très serrée, je précise bien une gorge très serrée parce que le chef sait qu’il est en train d’opérer un passage en force, que si le chef de l’Etat aime le peuple qu’il dirige et le pays qu’il dirige, nous pensons qu’il doit nécessairement faire table rase, qu’il doit se ressaisir rapidement et opérer ces réformes.
 
Je suis étonné et abasourdi de voir qu’à cette réaction du chef de l’Etat, il s’est coulé plusieurs heures mais qu’aucun parti politique de l’opposition sauf Mme Adjamagbo sur les antennes de RFI, ni le bâtonnier Agboyibo, ni le président Apévon, ni le président Jean-Pierre Fabre, ni les autres partis responsables de la classe politique de l’opposition n’ont réagi. Je pense qu’il est temps que ces partis politiques de l’opposition soient proactifs et dire que nous voulons le changement que le réaction du chef de l’Etat doit appeler à d’autres réactions.
 
TOGO ACTUALITE : Vous êtes en train d’insinuer que ces chefs de partis politiques seraient complices ou d’avis favorable de cette déclaration du chef de l’Etat Faure Gnassingbé ?
 
Me Raphael Kpandé-Adzaré : Je ne le dis pas. Je sais qu’ils ne sont pas d’accord avec cette déclaration du président de la République mais je pense que si on n’est pas d’accord avec une chose on le dit publiquement, leur silence est un silence coupable et je dirai parfois complice mais il faut qu’ils disent au peuple togolais avec ce que le chef de l’Etat vient de dire qu’ils ne sont pas d’accord parce que le peuple togolais a toujours souffert et souffre encore des péripéties des hommes politiques et nous en tant qu’organisation de la société civile nous ne pouvons pas accepter que les partis politiques de l’opposition restent silencieux par rapport à cette déclaration du président de la République qui conduit le pays dans le mur. Ce n’est pas possible.
 
TOGO ACTUALITE : On peut déduire dans les propos du chef de l’Etat que la page des réformes est définitivement tournée ?
 
Me Raphael Kpandé-Adzaré : C’est le président Faure Gnassingbé en se déjugeant par rapport à son discours de mai 2012 lors de la réception du rapport de la CVJR c’est lui qui conclut que la page des réformes est tournée mais pour le peuple togolais la page des réformes n’est pas encore tournée. L’élégance internationale, le président François Hollande l’a salué, a salué le génie du peuple burkinabè, le président Moustapha Niasse, ancien président de l’Assemblée nationale sénégalaise a dit qu’aujourd’hui le maximum possible c’est deux mandats de 4 ans ou de 5 ans. Aujourd’hui tout le monde dit que dans la Charte africaine sur les élections et la démocratie, il faut faire en sorte que le mandat soit limité à deux. On ne peut pas dire qu’on respecte une constitution taillée sur mesure et conduire le peuple qu’on conduit tout droit dans le mur, tout droit vers une boucherie comme en 2005. Je crois que la page des réformes n’est pas encore tournée. Nous pensons que le projet de loi qui est déposé sur la table des députés de l’Assemblée nationale doit avoir de réelle chance à aboutir même si on pense que les réformes- c’est un impératif démocratique. Ce n’est pas un cadeau qu’on donne au peuple et je pense que ces réformes sont de nature à instaurer la démocratie et l’Etat de droit, ces réformes doivent être faites point et c’est tout. On ne peut pas dire que c’est parce que la classe politique veut que ces réformes doivent s’opérer non ! C’est parce que le peuple veut, c’est parce que nous sommes dans une République, dans une démocratie qui voudrait que pour le déverrouillage des institutions, pour le contrôle des institutions nul ne soit à la tête d’une institution éternellement.
 
TOGO ACTUALITE : Et vous pensez que la marche de ce vendredi peut apporter quelque chose ?
Me Raphael Kpandé-Adzaré : Elle va apporter beaucoup de chose. Nous appelons le peuple togolais à se mobiliser autour des ODDH qui constituent un mouvement fédérateur entre les partis politiques et le peuple togolais. Nous les appelons massivement à sortir pour prouver une fois encore leur désir profond au changement, pour dire au président de la République que c’est lui qui a promis le changement au peuple togolais et il doit nécessairement les réformes sans lesquelles il ne peut jamais organiser les élections présidentielles de 2015. Nous croyons à cette marche et nous pensons qu’elle sera déterminante pour les réformes en cours à l’assemblée nationale.
 
TOGO ACTUALITE : En disant que la proposition déposée sur la table des députés suit son cours, vous y croyez toujours à un vote positif d’autant plus que le chef de l’Etat vient de fermer la porte des réformes ?
 
Me Raphael Kpandé-Adzaré : Oui ! C’est vrai le chef de l’Etat est le président de la République, il est élu par un peuple et aujourd’hui ce peuple a un désir poussé du changement. Le chef de l’Etat le sait, son gouvernement le sait, c’est parfois que certains membres de son gouvernement manque de courage pour le lui dire, c’est pourquoi nous assistons à ce que nous assistons aujourd’hui mais nous pensons que ce que le chef de l’Etat a dit sur les antennes de France 24, nous pensons que c’est une provocation. Le chef de l’Etat l’a dit pour voir ce que la classe politique ou bien la société civile togolaise va dire, voici ce que nous répondons et nous interpellons le chef de l’Etat, nous le répétons que s’il aime ce TOGO qu’il dirige, que s’il aime ce peuple qu’il dirige il ne doit pas le conduire droit dans le mur, il doit opérer des réformes ou s’abstenir d’organiser les élections présidentielles de 2015.
 
lomévi (www.togoactualite.com)
 

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