Le vrai drame de nos pays est que ceux qui y jouent les dictateurs n’ont même pas l’étoffe du rôle. Ces gens ne sont ni assez courageux, ni assez fiers, encore moins assez fous pour poser des actes capables de tutoyer l’histoire comme ils le rêvent.
Fouillons le passé. Ce qui faisait les dictateurs, c’est ce côté mégalomane qui leur donnait la très ferme conviction d’être la chose plus noble et la plus précieuse qui soit jamais arrivée à la terre. Et c’est cette mégalomanie qui a poussé la plupart d’entre eux à ériger, à leur propre gloire, des édifices et des œuvres assez grandioses pour marquer, sur des siècles, le destin de leurs nations. En voulant immortaliser leur propre grandeur, leur folie a immortalisé la grandeur de leurs peuples.
Mais nos dictateurs ! Prenez-les et cherchez la moindre réalisation qu’a faite l’un d’entre eux et qui a fait date dans l’histoire. Mobutu (peut-être le plus fantasque parmi eux) a construit un palais devenu ruines juste quelques années après sa chute. Rien, au Togo, ne marque les décennies du règne d’Eyadema. Aucun monument, aucun édifice, aucun château, rien ne témoigne aujourd’hui, au Gabon, de la grandeur qu’Omar Bongo rêvait de se donner dans les pages de l’histoire.
Et avec quelle lâcheté ils acceptent leur chute ! Quand le pouvoir, sans lequel ils semblaient ne pas pouvoir vivre, leur échappe, ils n’ont pas la grandeur de s’éviter l’humiliation. Ils s’accrochent à la piteuse vie de déchéance qu’il leur reste.
L’image d’Alpha Condé hier, tripoté par de petits militaires boutonneux, raillé partout sur internet, insulté dans la rue, m’a fait longuement imaginer comment il vivra désormais. Comment passera-t-il ses journées et ses nuits ?
Il vivra comme son compère Blaise Compaoré qui mène depuis des années ses jours cloîtré en Côte d’Ivoire, en exil, comme un chien errant, se cachant et n’ayant même pas le moindre courage d’aller affronter la justice de son pays qui le recherche.
Une bande de vieux plaisantins qui veulent être grands sans être braves. Sinon, ils auraient compris que le dernier acte qu’ils doivent poser pour mettre un point final à la tragédie qu’ils ont écrite est de se donner la mort à l’approche de la chute. Un pistolet ou un sabre pour marquer au sang la dernière parenthèse. N’est-ce pas, en réalité, ce qui rend plus belles et plus grandes les tragédies ?
Néron, l’empereur romain, quand il entendit les pas de ses ennemis, a préféré se suicider. Et l’histoire lui a mis dans la bouche l’une des plus belles phrases jamais prononcées par un monarque : « Quel grand artiste périt avec moi ! »
Parce que Néron croyait tellement en sa grandeur que non seulement il n’avait pas accepté que ses ennemis posassent leurs mains sur lui, mais aussi, il avait réussi à emporter dans la tombe la sublime image qu’il avait de lui-même : celle d’un artiste de génie. Quelle beauté du tyran !
David Kpelly