L’histoire de ce fameux procès circule sur la toile et dans des journaux depuis quelques jours. Des hommes, pourtant bien instruits ayant un seuil de vie assez élevé, se sont faits arnaquer au nom du Président de la République qui les auraient pressentis pour occuper des postes élevés de l’État.
Le montant global n’est pas négligeable, 54 millions de francs CFA et sur ce total, une des victimes a engagé, lui tout seul, 40 millions. Mais dis donc !
Je vois un peu les commentaires qui sont faits à ce sujet, je comprends parfaitement la révolte que de tels faits qui se produisent dans notre cher pays le Togo provoquent auprès de nos concitoyens.
Mais j’avoue que je n’ai pas compris pourquoi ces chers messieurs se sont donné le courage de porter une telle affaire en justice au risque de la faire connaitre du grand peuple.
Elle est si absurde et absconse que l’on se demande s’ils étaient dans une démarche d’investissement ou d’achat absolu de postes?
Elle est tellement incongrue qu’elle m’attriste profondément pour une raison que je pense être bien obligé d’expliquer davantage ici.
Elle est en réalité symptomatique d’un état psychologique extraordinaire que nos façons de gérer les affaires du pays, de mettre l’argent en avant, de faire des nominations des occasions d’enrichissement…ont fini par forger en nombre de nos citoyens.
En sommes, dans l’esprit de ces élites ainsi escroquées, l’engagement financier jusqu’à cette hauteur en valait bien la peine, car le retour sur investissement se fera dans les plus brefs délais une fois le poste acquis.
Sous-entendu, ce retour n’aura aucun lien avec le salaire, mais bien de la corruption et des détournements auxquels ouvre le poste de ministre ou je ne sais lequel d’autre.
En tout, le service de l’État a, dans l’esprit de beaucoup de nos frères et sœurs, quelque chose de favorisant, de privilégiant non pas en termes de services à rendre au pays et au peuple, mais en termes d’accès rapide et incontrôlé aux deniers publics dont l’on pourra se servir à satiété et sans coup férir.
Vous percevez un peu à quel niveau de déchéance morale nous sommes encore quand il est question de participer à la gouvernance du pays?
Un tel état d’esprit est si grave qu’il nous situe à un niveau périphérique de compréhension du service public. Sans doute ahurissant !
En toute logique, combien gagne un ministre de la République dans notre pays? Et lorsque qu’un individu engage 40 millions pour accéder à un tel poste, en combien de temps compte-t-il rentabiliser une telle somme mobilisée à cet effet?
Même en supposant que leur but n’était pas tant l’argent à gagner, qu’ils s’en tenaient juste à l’honneur et à la gloire auxquels donne droit un poste de ministre, quel sens raisonnable peut-on donner à une telle démarche ?
En somme, ce fait confirme cette pratique qui veut que seuls les inscrits dans des réseaux, seuls ceux qui arpentent les couloirs avec des démarcheurs et des intermédiaires peuvent allègrement accéder à des postes de responsabilité dans notre pays. Ce faisant le mérite, la compétence, le savoir-faire sont relégués à un rang subsidiaire, y compris d’ailleurs, les valeurs morales et humaines.
Ceci est d’autant plus vrai qu’au sein de nos gouvernements, l’on note par moment, la présence parfois massive de l’ivraie, de gens sulfureux qui ont une expertise avérée dans la triche, le vol, le faux et usage de faux etc.
Comment dans un tel contexte, l’on peut objectivement s’attendre à un rendement efficient de l’État ?
Les paradigmes de notre gouvernance doivent fondamentalement et impérativement changer pour le salut de ce pays et de son peuple.
Luc Abaki