L’éducation est la clé du développement. L’église catholique l’a compris depuis des lustres. Au Togo, elle a institué des programmes pour permettre aux jeunes togolais d’avoir une éducation de qualité. Ainsi depuis les années 1960, à travers l’Association des parents pour l’éducation des masses populaires togolaise (APAREMPTO), plus de 700 élèves ont pu poursuivre leurs études en occident, notamment en France. Aujourd’hui, les bénéficiaires de ce programme (la plupart à la fin de leur carrière professionnelle) mènent des actions multiformes pour accompagner la communauté. Ils ont senti aussi le besoin de témoigner leur reconnaissance à l’Eglise catholique à travers un certain nombre d’actions.
Sans doute les jeunes pensionnaires de ce programme ont effectué de hautes études et ont eu de brillantes carrières. Certains ont décidé de rentrer mettre leurs compétences au service du Togo alors que d’autres ont légitimement décidé de faire carrière dans leur pays d’accueil. Nous avons rencontré quelques bénéficiaires qui ont accepté rendre des témoignages.
Les témoignages
Gilbert Gafah : Je fais partie des enfants de ceux qui ont créé l’APAREMPTO avec cette idée d’envoyer des enfants, d’abord des catéchistes et des enseignants en France. Le projet s’est élargi. Je suis parti en 1965. Il y a un groupe qui est parti par bateau et il y a un autre groupe qui est parti par avion. On est passé par Rome, ensuite on a atterri à Paris et réparti dans des établissements où on devait se rendre.
Moi j’ai atterri dans un établissement à Toulouse avec un ami qui est décédé depuis. J’ai fait toutes mes études là-bas, j’ai eu un poste d’éducateur et depuis 30 ans, je travaille comme adjoint de chef d’établissement dans l’enseignement catholique à une soixantaine de kilomètres de Paris.
A côté de ça, depuis une trentaine d’années, je fais partie de ceux qu’on appelle les comédiens, les acteurs à l’église. Je compose et j’écris des champs d’évangélisation avec ma femme et cela aide aussi beaucoup pour la propagation de la foi.
Il y a six mois, j’étais invité par Radio Maria, chez nous ici, pour faire une tournée dans leur projet de ce qu’ils ont appelé l’évangélisation des périphéries et j’avoue que ça a été une expérience formidable.
Quand on évoque l’APAREMPTO, d’abord il a fallu prendre conscience avant de partir, mais nous, on était très jeunes. Et très vite, j’ai quand même pris conscience que c’était une chance formidable qu’il fallait saisir et c’est vrai, j’avoue que ce que je suis devenu, je le dois à cet élan que l’église catholique a initié, et c’est une fierté aujourd’hui d’avoir cette reconnaissance pour ceux qui ont eu cette idée.
Ce soir (vendredi 18 octobre 2019, ndlr), je suis avec l’institution Saint Paul à Brotherhome. Il y aura un temps de partage et puis une célébration eucharistique que je vais animer.
Je dis simplement à tous les jeunes que je rencontre qu’il faut qu’ils croient profondément en leur rêve.
Il y a 50 ans, 60 ans où Martin Luther King qui disait qu’il avait fait un rêve. Il croyait fortement en ce rêve. Personne ne pouvait imaginer qu’un noir deviendrait président des Etats-Unis. Et voilà, il s’est avéré qu’un noir était devenu président des Etats-Unis.
Nous sommes revenus pour nous retrouver et voir comment nous pouvons mettre nos compétences au service du pays grâce à cette association qui est née.
Mme Atsu : Je suis pharmacienne, responsable de la pharmacie Patience à Tokoin Gbadago. Effectivement je suis partie avec l’APAREMPTO avec le groupe de Gilbert Gafah. C’était une grande joie pour nous et un espoir parce que pour moi, mes parents seront un peu déchargés.
J’étais toute contente de quitter la famille, mais c’est douloureux aussi parce que j’allais laisser ma maman et mes petits frères et sœurs seuls ; mais il fallait le faire parce que je suis l’ainée et il faut que je parte.
J’ai quitté Lomé le 15 septembre 1965 par l’APAREMPTO grâce à un oncle qui était prêtre. On a quitté Lomé pour Accra où on a passé 5 jours et après on a rejoint Paris en passant par Accra.
Ensuite le dispatching a commencé. Moi, j’ai atterri à Grenoble avec une autre fille. J’ai passé mon BEPC là-bas et en 68, on est rentré à Lomé pour les vacances. Je suis revenue faire ma seconde à Grenoble chez les sœurs. Ensuite j’ai terminé mon cursus de Bac à Paris. J’ai poursuivi mes études supérieures en médecine et pharmacie.
Après ces études, je suis rentrée au Togo parce que je ne voulais plus rester là-bas. La France m’a donné l’opportunité, l’autorisation d’exercer là-bas ; mais j’ai dit non, que je vais rentrer parce que c’est le but du père Gérard qui nous a envoyés en Europe. Le but, c’est de finir pour servir notre pays d’origine.
APAREMPTO pour moi, c’est notre sauveur parce que c’est elle, qui m’a permis de mettre pied en Europe et j’ai travaillé dur pour devenir ce que je suis aujourd’hui.
Suzanne Adjati : Je suis partie en 1965. On était une quarantaine de filles à partir par bateau via Cotonou pour arriver à Bordeaux et de là, on nous a dispatchés vers plusieurs régions de la France.
Je ne m’attendais pas à partir. Si je me rappelle, c’était un matin du mois de juillet et ma mère revenait de la messe me dire qu’il y a un projet de m’envoyer en France et qu’elle voudrait que j’y ailles aussi. Quelque part j’étais contente, mais en même temps un peu inquiète de m’éloigner des parents. Oui, il y avait la joie, mais un peu de tristesse de la séparation. Moi, je suis de la région d’Atakpamé, il fallait venir à Lomé avant de partir à Cotonou.
Je suis arrivée en France dans la région de Bretagne. La première année, je dirai que ce n’était pas facile. Non pas qu’on nous faisait souffrir, mais il y avait la séparation, on était encore des adolescents et il fallait s’habituer au climat, aux habitudes, aux mentalités, la nourriture aussi. La première année, c’était une année d’adaptation.
J’ai commencé la sixième là-bas, donc jusqu’aujourd’hui, je reviens de temps en temps au Togo. J’ai fait toutes mes études là-bas, je suis retraitée actuellement. Après mon Bac, j’ai fait dans un premier temps la gestion et le droit ensuite, ce qui m’a orientée dans la profession que j’ai exercée après en tant que conseillère dans une société de chômage où je m’occupais des chômeurs et de la formation des jeunes.
Beaucoup de fierté. C’est une œuvre magnifique initiée par le père Gérard. Je crois que dans le monde, il n’y a pas d’œuvre de ce genre qui a permis à beaucoup d’enfants de familles plus ou moins aisées de pouvoir aller en Europe. Au départ l’initiative du père Gérard de l’église catholique, c’était d’envoyer des enfants dans les premières années, des catéchistes et des enseignants catholiques qui n’étaient pas très bien payés à l’époque. De 1962 à1964, c’était dans ce but et à partir de 1965, cela s’est généralisé, élargi à d’autres familles parce que moi je n’ai pas de parents enseignants ; mais ma mère était très intégrée dans l’église.
C’est une œuvre magnifique parce que beaucoup de personnes reconnaissent aujourd’hui que sans cette œuvre, on ne sera pas ce qu’on est aujourd’hui, d’où notre idée de donner un peu de ce que nous avons reçu. Nous avons beaucoup de gratitude vis-à-vis de nos parents qui ont fait beaucoup de sacrifices à l’époque parce que le départ n’était pas gratuit, il fallait payer.
Notre présence ici, c’est dans le but de nous retrouver déjà parce que ça fait plus de 50 ans qu’on ne s’est pas vus. Et après ces retrouvailles, de voir ce qu’on peut faire, ce qui peut nous apporter un peu d’argent. Et nous avons la chance d’avoir un des nôtres qui est artiste qui est aussi là.
Je remercie ceux qui nous ont aidés à l’époque, l’association APAREMPTO et les institutions qui nous ont accueillis, hébergés, nourris, éduqués gratuitement en France.
Les actions en vue
Les 29 et 30 octobre prochains, l’APAREMPTO organise de grandes rencontres avec des objectifs précis. « L’APAREMPTO a existé et nous, nous voulons venir en soutien aux opérations qui existent. Il y a des opérations qui existent déjà. Il y a la sœur Marie Stella qui est à Dapaong qui œuvre en direction des orphelins et des enfants atteints du Sida. Nous préférons apporter notre soutien à des organismes comme ça…On va essayer aussi de voir ce qu’on peut faire. Nos projets sont multiples. Nous ne sommes plus des jeunes. On a un peu plus de temps libre. On peut monter des concerts ou quelque chose pour récupérer de l’argent. Notre dîner de gala, on dit que 25.000 c’est cher, mais c’est justifié puisque nous cherchons des donateurs. En France quand il y a des soirées, des opérations pour les enfants en fauteuil, on est obligé d’aller chercher très haut des gens qui sont nantis, qui ont de l’argent. C’est eux qui vont donner. C’est dans cet esprit et le bénéfice va servir à faire des œuvres de l’APAREMPTO. Voilà très brièvement ce que nous comptons faire », a précisé M. Eric Fabre.
Pour ceux qui comptent accompagner l’association en participant à la soirée de gala, ils peuvent se rendre à la Pharmacie Patience à Tokoin Gbadago pour plus de renseignements ou carrément contacter le 93185642.
source : Liberté