Les Evêques du Togo et les réalités politiques


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En faisant référence à la doctrine sociale de l’église catholique et en collant aux Evêques l’attribut d’ « autorités morales », l’on comprend aisément les raisons qui poussent les Prélats de certains pays africains tels que le Bénin et la République Démocratique du Congo (RDC) à mieux prendre position et à donner clairement leurs avis sur des questions qui touchent la chose publique, la politique. Ce qui n’est pas le cas des Evêques du Togo qui eux, se muent dans un silence complice, lorsqu’il s’agit de clarifier leurs positions sur des questions et sujets d’ordre politique. Se réfugiant pour la plupart du temps derrière des « Lettres épiscopales équilibristes » pour ne pas froisser les dirigeants du pays parce que craignant pour leur vie. Ce qui les éloigne des réalités politiques togolaises. Un faux fuyant qui en fait, rime à une complicité dans le mal. Sinon pourquoi ne prennent-ils pas position au moins du côté du peuple puisqu’ils sont appelés Pasteurs du troupeau ?
 
Satisfaire les exigences spirituelles et sociales de leurs fidèles et de les mettre sur le chemin du salut. C’est entre autre mission dévolue à tout Evêque c’est-à-dire Pasteur de l’Eglise. Et l’Eglise, c’est l’ensemble des fils et filles qui adhèrent aux principes, lois, textes, dogme et croyance en Jésus-Christ, Seigneur et Sauveur du monde. A la lumière de la Doctrine sociale de l’Eglise et notamment du numéro 2246 du Catéchisme de l’Eglise Catholique, l’Eglise revendique pour le Pape, les Cardinaux, les Evêques, les prêtres, les Religieux et les Religieuses, la liberté d’exprimer leur jugement moral sur la réalité humaine chaque fois que cela est requis, par la défense des droits fondamentaux de la personne humaine ou le salut des âmes. Si les Evêques du Bénin et de la République Démocratique du Congo se sont imprégnés de passage de la Doctrine sociale de l’Eglise et du Catéchisme de l’Eglise Catholique, en prenant partie dans le débat politique de leurs pays et en donnant leurs avis à travers des propositions concrètes de sortie de crise quand sévit une crise politique ou en dénonçant clairement les abus des pouvoirs publics, les Evêques du Togo par contre ne conçoivent pas la chose de cette manière. Ce que nombre de compatriotes togolais ne comprennent pas. Ces Prélats togolais ont-ils peur des autorités gouvernementales? Ou bien sont-ils de connivence avec elles ? Ou encore bénéficient-ils des largesses de la part de ces dirigeants politiques de peur se subir des représailles en les dénonçant ? Là justement se trouve le nœud du problème du clergé catholique togolais. Et pourtant, à en croire la Doctrine sociale de l’Eglise catholique, les Prélats doivent prendre des positions sur le respect du bien commun et de l’état de marche de leur cité terrestre puisqu’ils ne nourrissent aucune ambition de conquête et d’exercice du pouvoir politique temporel. C’est ainsi que depuis la Conférence Nationale au Bénin, le clergé catholique béninois s’invite quelques fois dans le débat politique en donnant son avis sans partie pris et en situant les responsabilités. Il arrive des fois même que le clergé catholique béninois interpelle les acteurs de la classe politique béninoise surtout lorsque sévit une crise politique ou sur un évènement éminemment politique en faisant des propositions aux politiques. Ce qui n’est malheureusement pas le cas au Togo où l’action du clergé catholique se limite seulement aux « Lettres pastorales ». Lesquelles d’ailleurs ? Celles qui consistent à se mettre au beau milieu pour ne pas égratigner surtout le pouvoir en place. Une attitude que dénonce nombre de chrétiens catholiques qui, pour la plupart occupe des postes-clés au sein de l’appareil étatique togolais. Le font-ils exprès ? C’est la question qui reste posée puisque juste à côté ; c’est à dire au Burkina Faso, les Prélats Burkinabè ne font de la dentelle au pouvoir en place. Dans une lettre pastorale, la Conférence Episcopale de ce pays face à l’envie vorace de l’ancien président Blaise Compaoré de modifier la loi fondamentale a été claire : « Nous nous opposons catégoriquement à la révision de l’article limitant le nombre de mandat à la tête de l’Etat. » Cette position ou démarche, les Evêques du Togo ne l’ont jamais adoptée. Leur silence confirme leur inaction en face d’un pouvoir qui n’a prend pas à cœur les aspirations du peuple. Sinon, devant le refus du pouvoir en place de procéder à la mise en œuvre des réformes constitutionnelles et institutionnelles et surtout les recommandations de la Commission Vérité-Justice-Réconciliation (CVJR), les Evêques devaient rappeler à l’ordre le pouvoir en place comme c’est cas au Burkina Faso, en RDC et au Bénin.
 
Bien évidemment, le devoir de ces Prélats, consiste entre autre aussi à proposer des orientations et des solutions pour la promotion d’une société fondée sur le respect de la dignité humaine. Mais qu’elles n’ont pas été les violations commises sur la dignité des fils et filles ainsi que sur les hommes et femmes de bonne volonté par ceux qui dirigent le Togo il y a des décennies ? L’exemple des tueries de 2005 en sont encore vivaces dans la mémoire collective et révélatrice. Qu’elles ont été les actions concrètes posées par les Evêques du Togo après ces tueries et quels impacts cela eu au sein de la population dans la vie des citoyens togolais ? Combien de fois les dirigeants togolais n’ont-ils refusé de respecter leur parole donnée alors que volontairement ils ont pris des engagements vis-à-vis du peuple ? Qu’ont dit les Evêques du Togo à ceux-là qui, au moment de s’exécuter ont préféré utiliser la force brutale en réprimant leurs citoyens jusqu’au sein de certaines Eglises catholique de la capitale ? Combien de fois n’ont-ils pas usé du mensonge pour tronquer et travestir les faits en leur faveur ? Alors que dans les Dix commandements de Dieu, il est dit « Tu ne mentiras pas.» Qu’ont-ils posé comme acte, les Pères Evêques togolais dans ces genres de circonstance ? « Nous sommes sans pouvoir contre la vérité. Nous n’avons de puissance que pour la vérité », écrivait dans une lettre pastorale les Evêques du Bénin à l’autorité. Devant des atrocités et abominations commises par les dirigeants togolais, les Prélats du Togo ont gardé un silence complice. Sinon qu’est-ce qu’ils ont dit quand les forces de sécurité ont ouvert le feu sur les écoliers de Dapaong fauchant les jeunes adolescentss Anselme SINANDARE et Douti SINANLINGUE. Qu’ont dit les Evêques du Togo sur ces crimes lâches et odieux. Alors que les Dix commandements de Dieu disent : « Tu ne tueras point ton prochain pour un oui ou pour un non. » L’Eglise qui est sensée apprendre aux uns et aux autres la sacralité de la vie humaine à travers ses Pasteurs, ne s’est jamais prononcée sur ce crime commis par ceux qui sont chargés d’assurer la sécurité de leurs concitoyens. On serait au Bénin ou en RDC que les Prélats Antoine GANYE et Laurent MONSENGWO monteraient au créneau pour interpeler les dirigeants du pays afin qu’ils fassent tout pour retrouver les auteurs et commanditaires de ces actes crapuleux et que ces derniers subissent la rigueur de la loi. « Les Evêques peuvent en qualité de pasteurs, si les circonstances l’exigent, prendre la parole sur les sujets qui concernent les chrétiens et les hommes de bonne volonté, bref le peuple », a indiqué l’Archevêque de Cotonou Mgr Antoine GANYE. Par le passé et même de nos jours, certains Prélats africains ont fait montre leur courage et bravoure face aux régimes dictatoriaux, sanguinaires et réfractaires au respect de la dignité de la personne humaine. Et c’est dans cette dynamique et sur un plan purement politique que Mgr Laurent MONSENGWO de la RDC, opposé à la modification de la loi fondamentale de son pays a mis les pieds dans les plats en lançant au chef de l’Etat de la RDC cette phrase dans son homélie, lors de la célébration du cinquantenaire de son sacerdoce : « Nous devons avoir le courage de respecter le mandat prescrit par les autres, car Dieu n’aime pas les dictateurs. » Au Togo, cela n’a jamais été le cas. Lorsque le débat sur la limitation ou non du mandat présidentiel s’est posé, les Evêques du Togo ont gardé un silence qui ne dit pas son nom. Eux qui sont en quelque sorte des éveilleurs de conscience ne se sont pas prononcés clairement sur le sujet en situant les responsabilités comme c’est le cas en RDC. Outre la RDC, le clergé catholique béninois, toujours aux aguets et prompt à réagir lorsque qu’un évènement de grande envergure se pointe n’a pas hésité de se faire entendre de la classe politique. Dans cette optique, en prélude à la présidentielle du 25 février prochain, le clergé béninois a publié une lettre pastorale après les multiples rencontres effectuées par son sommité avec les différents candidats à la présidentielle. Nous ne l’avons jamais vu au Togo avec le clergé catholique togolais. Pis encore, le clergé béninois dans sa correspondance situe ses fils et filles ainsi que les hommes et femmes de bonne volonté sur les critères du futur Président de la République : « Avoir la capacité de veiller à la saine application de la loi, respecter le principe de la séparation du pouvoir, avoir la capacité d’une bonne gestion sociale des biens publics et de la stabilité du contrat social global, avoir la garantie d’une culture politique solide, une expérience avérée dans le domaine politique et de leadership, avoir une connaissance suffisante des réalités du pays.» Qu’en est-il du clergé catholique togolais qui à quelques semaines de la présidentielle d’avril dernier, s’est abstenue de poster des délégués dans les bureaux de vote comme elle l’avait si bien fait comme en RDC pour contrôler le vote. Cette fois-ci pour des raisons propres à elle, elle a refusé de marquer les pas parce que justement elle n’est pas arrivée à dire au pouvoir qu’elle a volé les élections parce qu’elle avait les fiches et procès verbaux et pouvaient même situer les responsabilités. Elle ne l’a pas fait. Cette manière d’agir des Pères Evêques togolais cache-t-il une brouille au sein de la Conférence Episcopale du Togo (CET)? Craignent-ils Dieu comme ils le recommandent aux autres ?
 
Discordance au sein de Conférence Episcopale du Togo (CET)
 
Selon des indiscrétions, les Evêques du Togo sont divisés quelquefois sur certains sujets politiques d’intérêt général. A en croire nos sources, des discordances parviennent certaines fois lors des discussions au sein de la CET. C’est d’ailleurs ce qui explique le mutisme des Evêques sur certains sujets d’intérêt général à caractère politique. A en croire une source bien introduite à la CET, la présence de deux Evêques togolais aux côtés du chef de l’Etat togolais, Faure GNASSINGBE au Vatican, est source de polémique au sein de la Conférence Episcopale du Togo. Puisque selon l’orthodoxie, la CET devait se réunir et adopter une position commune qui sera transmise au Vatican avant la rencontre du chef de l’Etat togolais avec le Souverain Pontife. Tel n’a pas été le cas. La même source indique que même l’Archevêque de Lomé n’a pas été mis au courant de la présence de ces deux Evêques au Vatican. Que cherchaient donc Mgr Benoit ALLOWONOU, président de la CET et Mgr Nicodème BARRIGAH au Vatican aux côtés de Faure GNASSINGBE ? C’est la grande question qui se pose. Si l’Archevêque n’a pas été informé, certainement que d’autres Evêques aussi ne le seront pas. Tout compte fait, comme les Evêques du Togo n’ont pas le courage de dire aux dirigeants togolais la vérité, à plus forte raison au chef de l’Etat, le Souverain Pontife dans sa souveraineté et humilité a lui demandé à Faure GNASSINGBE d’être à l’écoute de son peuple. Et ce que dit le peuple, c’est le respect de la loi fondamentale du pays, des textes en vigueur, des droits de la dignité de la personne humaine, la transparence et la vérité des urnes.
 
Il est donc temps que les Evêques du Togo prennent leur responsabilité vis-à-vis des populations togolaises. Ils ont l’obligation de contribuer efficacement comme le font les Evêques d’ailleurs pour qu’advienne l’alternance dans le pays, le respect de la dignité de la personne humaine et des lois qui régissent l’Etat togolais. Ceci est d’autant plus urgent quand on sait que le pouvoir en place, malgré ses engagements devant le peuple et la communauté internationale de faire les réformes, n’a pas la volonté de le faire. A voir ses réactions et fuite avant, il n’a pas la volonté d’organiser aussi les élections locales en vue d’une décentralisation du pays. Il faut donc que « les Autorités morales » de ce pays que les Evêques surtout prennent le devant des choses comme c’est le cas avec les Evêques Béninois, Burkinabè et Congolais. Il en va de leur crédibilité.
 
Idelphonse Akpaki
 
source : La Gazette du Togo
 

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