Depuis lundi dernier, le Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies a ouvert sa 132ème session, qui se tient en ligne jusqu’au 23 juillet prochain. Le mardi 29 juin, c’était le tour du Togo de présenter devant les experts onusiens son rapport périodique sur la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. La délégation conduite par le ministre Christian TRIMUA, des Droits de l’Homme, de la formation à la citoyenneté et des relations avec les institutions de la République a présenté les avancées enregistrées par le Togo dans le domaine. Bien avant le gouvernement togolais, c’était le tour des organisations de la société civile de présenter leur déclaration sur la puisse situation des droits de l’Homme dans leur domaine d’intervention. Et le moins qu’on puisse dire, est que gouvernement et associations ne voient pas les choses de la même manière.
Il y a progression selon le gouvernement
En effet, dans son exposé articlé autour de deux axes à savoir : le cadre normatif et institutionnel et ensuite les renseignements concernant spécifiquement la mise en œuvre des articles 1 à 27 du Pacte, au regard des précédentes recommandations du Comité, le Ministre des Droits de l’homme a d’abord mentionné certaines lois qui, selon lui, ont permis l’amélioration de la situation des droits humains au Togo. « Plusieurs lois ont été adoptées ou modifiées pour améliorer, entre autres le cadre de la liberté d’expression, l’organisation judiciaire, le droit relatif au foncier, le code pénal, la justice militaire », a indiqué Christian TRIMUA.
Il a notamment cité l’adoption de la loi n°2019- 003 du 15 mai 2019 portant modification de la Constitution de 1992 qui a comme incidence la réforme de certaines institutions en l’occurrence la Cour constitutionnelle, la Cour des comptes, le médiateur de la République et la Commission nationale des droits de l’homme.
Sur le deuxième volet de son intervention, sur la question du Droit à la vie et interdiction de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Christian TRIMUA a déclaré qu’une nouvelle loi organique relative à la CNDH « attribue expressément à l’institution l’exercice de la fonction de Mécanisme national de prévention de la torture ».
Par ailleurs, « dans le domaine de la lutte contre l’usage excessif de la force par les forces de l’ordre et de sécurité, les formations initiales ou continues sont dispensées à tous les niveaux hiérarchiques dans les écoles de formation des forces de défense et de sécurité. (…)De même, un nouveau code de justice militaire adopté le 21 avril 2016 prévoit qu’aucun militaire auteur de torture ou d’actes cruels inhumains ou dégradants ne puisse se soustraire aux poursuites pénales », a déclaré le représentant du gouvernement.
Concernant, l’indépendance et impartialité de la justice togolaise « un vaste programme de moralisation du corps des magistrats a été entrepris depuis le 27 mars 2014, suite à la directive n°001/2013/CSM sur l’éthique et la déontologie du magistrat. Suivant les réformes constitutionnelles du 15 mai 2019, des décisions en matière disciplinaire contre les magistrats défaillants qui font déjà l’objet d’une publication sous anonymat, seront désormais publiées in extenso. En outre, le guide des droits et obligations du justiciable publié le 5 septembre 2017 a fait l’objet d’une vulgarisation auprès des justiciables sur toute l’étendue du territoire. Par ailleurs, avec le code de l’organisation judiciaire adopté en 2019, établit une nouvelle organisation judiciaire plus moderne et plus accessible qui renforce la spécialisation, l’indépendance de la justice et l’accès équitable à une justice de proximité », a ajouté M. Trimua.
Contre-pied des associations
Elles étaient six (6) organisations de la société civile à présenter leur déclaration devant le comité de l’Onu. Il s’agit de l’OMCT/CACIT (sur le cas de la torture des enfants en détention), CDFDH (sur les questions de la restriction de l’espace civique ainsi que la liberté d’expression, de réunion et de manifestation), GF2D (intervenu sur les discriminations à l’endroit des femmes et des violences basées sur le genre), ACAT-Togo ( sur les conditions de détention, de torture et de vindicte populaire), la FETAPH (sur les conditions des personnes vulnérables au Togo), la CTDDH-Togo (sur les questions de la situation des défenseurs des Droits de l’Homme au Togo) et le CACIT (sur la question de l’impunité au Togo, le droit à la vie et l’indépendance de la justice).
Ces associations sont restées stoïques quant aux avancées dont parlent le gouvernement. En effet, le Cacit a notamment relevé, à titre indicatif sur la persistance des cas de l’impunité, « les affaires d’incendies des grands marchés de Lomé et de Kara en janvier 2013, l’affaire KPATCHA GNASSINGBE, les allégations de torture sur Mohamed Loum arrêté en janvier de la même année, ainsi que la suite des 32 plaintes relatives aux violations des droits de l’Homme déposées entre 2012 et 2019 au parquet du Tribunal de Lomé qui n’ont été instruites à ce jour en dépit des relances régulières des avocats et des OSC au parquet, de même qu’aucun responsable de ces crimes n’a été puni », a indiqué l’organisation.
L’organisation dit également avoir déploré une vingtaine de décès liés au contexte sociopolitique et à la gestion de la crise sanitaire de la Covid-19 comme le cas de M. GUELI, battu à mort par la FOSAP dans le quartier « Avédji-Limousine » le samedi 11 avril 2021 alors qu’il quittait son boulot pour son lieu de résidence. En outre, sur le cas des quatre enfants tués lors des manifestations de 2017 et 2018. « Jusqu’à ce jour, aucune décision sur ces affaires n’a été à la connaissance de l’Organisation », a déclaré le CACIT devant le Comité des droits de l’homme.
Par conséquent, selon le Cacit, certaines insuffisances rendent quasi impossible l’indépendance de la justice au Togo. Il pointe du doigt l’adoption d’un nouveau code de procédure pénale en lieu et place de l’actuel datant de 1983 qui est obsolète et inadapté au code pénal adopté en 2015, la mise en œuvre de la loi sur l’aide juridictionnelle, adoptée le 27 mai 2013 mais dont les décrets d’application peinent encore à être pris, le faible budget octroyé au ministère de la justice soit les 1% du budget national et l’insuffisance des magistrats (soit 1 magistrat pour 29.000 personnes en 2018).
Ce qui fait dire aux organisations que « le pays fait face à un certain recul des droits et liberté publiques fondamentales depuis la crise socio politique d’août 2017 avec plusieurs violations des droits de l’Homme ». Vous l’aurez compris, alors que le gouvernement parle « des progrès indéniables enregistrés », les organisations de la société civile constatent un recul. Une divergence de point de vue qui exprime très bien la situation actuelle des droits de l’homme au Togo qui se caractérise par une révision des lois et des décisions qui n’augure rien de bon en matière de liberté dans le pays.
FRATERNITE