Depuis le 1er juillet 2019, la plateforme « Tournons la page » tient son Assemblée générale à Niamey au Niger en marge du sommet de l’Union Africaine. C’est l’occasion pour les participants de cette rencontre de faire la revue de la situation sociologique de certains pays africains, notamment ceux qui ont du mal à ancrer la démocratie dans leur mode de gouvernance. Dans une déclaration officielle des assises, TLP se dit profondément préoccupée par le rétrécissement de l’espace civique sur le continent, mais aussi inquiète au regard de la détermination de certains dirigeants africains à priver de liberté leurs compatriotes au motif de leur engagement citoyen.
L’année 2020 constitue une année électorale pour certains pays du continent, notamment la Guinée, la Côte d’Ivoire, le Togo et le Burundi. Pour ces perspectives, « Tournons la page » dans ses combats, fera tout pour que ces échéances débouchent sur une alternance pour le bonheur des populations. Officiellement lancé en 2014, TLP regroupe près de 250 structures et des milliers de citoyens d’Afrique et d’Europe qui œuvrent durablement, pour une Afrique plus démocratique et respectueuse des droits. Ci-dessous la déclaration finale.
« Afrique : pas de liberté économique sans liberté politique »
4 juillet 2019, Nous, membres et sympathisants du mouvement Tournons la page, réunis en Assemblée Générale à Niamey du 1er au 5 juillet 2019, tenons avant toute chose à remercier les autorités de la République du Niger pour les facilités accordées aux participants à notre assemblée générale. Nous remercions particulièrement la coalition Tournons la page Niger pour son hospitalité et la félicitons pour l’organisation réussie de ce grand moment collectif. Au moment où les chefs d’Etats et de gouvernements réfléchissent sur la mise en place d’une zone de libre- échange sur le continent africain, Tournons la Page rappelle qu’en Afrique comme ailleurs, il n’y a pas de liberté économique sans liberté politique.
En effet la liberté d’entreprendre ne pourrait être dissociée du contexte de liberté assumée et effective, la lutte contre la pauvreté ne saurait se justifier sans la conjugaison des efforts de participation citoyenne aux affaires publiques, et le développement ne se concevrait sans la redevabilité des gouvernants. Alors que des activistes de toute l’Afrique francophone sont réunis pour réfléchir à des stratégies de promotion de la démocratie, et cela à l’approche d’un nouveau cycle électoral sur le continent, TLP salue les mobilisations citoyennes récentes en Algérie, au Soudan. Ces nouvelles élections devraient consacrer définitivement le principe de l’alternance démocratique sur le continent pour bannir à jamais les velléités de changements ou révisions constitutionnels subtiles en vue de se maintenir au pouvoir, des hold-up électoraux et des processus électoraux factices. Pour ainsi dire, il est urgent que l’Afrique cesse d’organiser des élections toujours contestées et que la vérité des urnes soit dorénavant respectée par tous pour renforcer d’une part la légitimité des pouvoirs élus, et d’autre part amener les pays africains à se conformer à leurs engagements internationaux et régionaux, en particulier en ce qui concerne le respect de la convention des Nations Unies contre la corruption, la convention de l’Union Africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption et la charte africaine de la démocratie, des élections et de la bonne gouvernance.
A cet égard, les Etats démocratiques dans le monde et partenaires de l’Afrique devraient avoir des critères d’éthique et d’intégrité élevés pour évaluer ces processus et dénoncer les résultats électoraux truqués. Les intérêts économiques et sécuritaires des Etats ne devraient en aucun cas primer sur l’exigence morale de respect de la souveraineté, voire de la légitimité populaire.
TLP est profondément préoccupée et s’inquiète de constater le rétrécissement de l’espace civique sur le continent, et de voir la détermination de certains dirigeants africains à priver de leur liberté de leurs compatriotes au motif de leur engagement citoyen. Au Cameroun, au Congo Brazzaville des anciens candidats aux élections et leurs partisans croupissent encore dans les prisons. Des militants de la transparence fiscale au Niger ont été longuement détenus pour avoir exigé la révision de la loi des finances ; au Tchad, des militants contre la vie chère subissent une répression féroce et au Gabon, des syndicalistes sont intimidés au nom de leur liberté d’expression, le tout dans un contexte de descente aux enfers des économies nationales plongées dans un nouveau cycle d’endettement lié à la mauvaise gouvernance, à la corruption des élites et à leur manque de redevabilité.
TLP affirme que l’engagement en faveur de la démocratie et de l’alternance n’est ni un crime, ni un délit. Bien au contraire, ces Etats devraient concourir à protéger l’espace civique comme un droit et ne pas instrumentaliser les impératifs sécuritaires comme un prétexte pour museler les voix critiques. Ensemble, les membres de Tournons la page mesurent encore le chemin à parcourir pour assurer un avenir prospère pour l’Afrique. En particulier, TLP partage une certitude commune, à savoir : le développement du continent avec tout son potentiel passera nécessairement par la protection des militants, le renforcement des institutions politiques et associatives et la mise en place de stratégies de mobilisation citoyenne à la base. L’issue des élections à venir en Guinée, en Côte d’Ivoire, au Togo et au Burundi en 2020 constituera un moment charnière pour les objectifs de TLP et pour son combat en général. Les élections de 2021 au Congo, au Tchad, au Bénin et au Niger feront aussi l’objet de toute notre attention, tant l’espoir d’une alternance démocratique est de plus en plus vif au sein des populations.
Alors que se réunit l’Union Africaine, TLP appelle l’ensemble des Etats membres et leurs partenaires internationaux à ne pas manquer à nouveau ce rendez-vous avec l’histoire qui pourrait, sur les trois prochaines années voir s’installer une nouvelle génération de dirigeants soucieux de répondre enfin aux désirs populaires. Cette demande ne sera possible que si les Etats africains garantissent un espace civique aux journalistes et aux militants de la société civile engagés pour l’alternance démocratique et la lutte contre la corruption qui ne sont ni des criminels, ni des délinquants, encore moins des terroristes. A l’issue de cette rencontre de cinq jours, Tournons la page a décidé de construire son prochain programme sur quatre axes : la mobilisation citoyenne, la protection des membres, la solidarité entre les organisations et au sein du mouvement et le renforcement de ses capacités d’influence. A l’issue de ce travail, nous invitons toutes les organisations désireuses d’œuvrer pour la démocratie à nous rejoindre dans ce vaste projet d’émancipation.
Tournons la page