Le pouvoir et les besoins sociaux : Faure Gnassingbé a attendu un an après sa réélection frauduleuse pour envoyer des agents recueillir les besoins des populations.
C’était une promesse de Faure Gnassingbé durant la campagne électorale pour le scrutin du 25 avril 2015, de faire du quinquennat 2015-2020 un mandat social, consacré à la satisfaction des besoins des populations. Mais cet engagement prend des allures d’une escroquerie intellectuelle qui ne dit pas son nom. C’est presqu’un an après sa « brillante réélection » que des émissaires sont envoyés sur le terrain pour, dit-on, recueillir les besoins des populations. Pour un pouvoir qui est aux affaires depuis dix ans, cela laisse à désirer. Les promesses n’engagent que ceux qui y croient, diront certains.
Il était une fois la promesse de mandat social
Depuis le 28 avril 2015, Faure Gnassingbé a acquis l’objet de ses désirs, le 3e mandat qui l’obsédait tant et continue à régenter le Togo, perpétuant ainsi le règne des Gnassingbé qui dure depuis bientôt un demi-siècle. Mais n’empêche que l’on revienne sur les promesses de campagne faites en amont de ce scrutin.
C’était sans doute normal, tous ses concurrents à la course à la magistrature suprême avaient promis une meilleure gouvernance tant politique qu’économique et sociale du pays, le respect des droits de l’Homme, la réconciliation nationale, une gestion parcimonieuse des ressources, l’inclusion, etc., se fondant sur les failles de sa conduite des affaires durant les deux mandats faits à la tête du pays. De Jean-Pierre Fabre à Gerry Taama en passant par Tchassona Traoré ou Aimé Gogue, tous s’étaient engagés à faire mieux que Faure Gnassingbé s’ils sont élus. Mais le candidat du Rpt/Unir, lui, chantait la continuité dans la stabilité. Il s’était particulièrement distingué avec une promesse : faire du quinquennat 2015-2020 un mandat social.
En effet, au contraire de son premier mandat qui aurait prétendument été consacré, selon ses vuvuzélas, à la réconciliation nationale ( ?), et du second à la réhabilitation des infrastructures routières, il voulait ainsi au cours du quinquennat suivant qu’il usurpera à coups de fraudes électorales, porter toute son attention sur la satisfaction des besoins des populations qu’il régente depuis dix bonnes années. Et Dieu sait que leurs besoins sont nombreux. Les Togolais voudraient simplement manger à leur faim, connaitre une vie moins chère, avoir les moyens de satisfaire leurs besoins fondamentaux et essentiels, pouvoir se faire soigner convenablement dans les hôpitaux, faire éduquer leurs enfants à l’école, bref connaitre un mieux-être. Les griots de Faure Gnassingbé chantent que c’est cette promesse qui aurait séduit les électeurs – hum – et ils l’ont adoubé (sic).
On retiendra aussi que le Premier ministre de décor qu’il a nommé plus tard, Selom Komi Klassou alias « Sur instructions du chef de l’Etat …», a calqué son programme de gouvernement sur cette promesse de mandat social. Les grandes lignes donnaient en effet (sur le papier) une connotation suffisamment sociale au mandat.
Le bon sens voudrait qu’avant de faire une telle promesse, une étude soit menée pour connaitre les préoccupations des populations. Et pour un homme qui est au pouvoir depuis 10 ans, on devrait s’attendre à ce qu’il connaisse logiquement ces besoins de ses gouvernés. Mais apparemment, ce n’est pas le cas.
Des ministres déployés près d’un an après pour sonder les populations
Les Togolais devraient le constater sur les petits écrans, ces derniers temps, des tournées tous azimuts ont été menées par des ministres dans leur région d’origine pour un exercice de collecte des besoins des populations en matière de services sociaux et d’infrastructures économiques de base. Ces descentes sur le terrain sont mises sur le compte de la mise en œuvre du Programme d’urgence de développement communautaire (Pudc).
Les ministres des Mines et de l’Energie, et des Enseignements primaires, secondaire, chargé de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle, Abli-Bidamon Dèdèriwè et Georges Aïdam, étaient le week-end dernier dans les Plateaux-Est où ils ont échangé avec différents acteurs sur les besoins des populations en services sociaux et infrastructures économiques de base dans les préfectures de l’Ogou, Anié, Est-Mono et de Haho. Etaient présents à la rencontre des préfets, des chefs de services, des leaders d’opinion et des représentants de la société civile. A en croire les émissaires du gouvernement, son objectif principal est de procéder sur le terrain à la collecte des besoins des populations les moins desservies en matière de services sociaux et d’infrastructures économiques de base afin d’y améliorer leur accès.
Comme pour prouver que cette descente sur le terrain était plus politique qu’on ne pouvait le penser, les envoyés ont transmis aux populations les « chaleureuses salutations du chef de l’Etat togolais Faure Gnassingbé » et n’ont pas manqué de relever que le Pudc est une de ses nombreuses (sic) initiatives pour leur venir en aide.
A en croire Ali Tagbaa, le Directeur général de l’Agence nationale d’appui au développement à la base (Anadeb) et coordinateur du Pudc, ce projet s’intéresse aux populations pauvres vivant dans les zones faiblement desservies par des interventions de l’Etat et vise à accélérer significativement leur accès à des infrastructures, équipements et services sociaux et économiques à la base. Le Pudc couvrirait plusieurs domaines : hydraulique et assainissement, aménagement, équipement agricole et pistes rurales, éducation, santé, énergie, renforcement des capacités des acteurs locaux, etc.
Le même exercice empreint de militantisme était fait dans les préfectures d’Amou, de Wawa, d’Akébou et du Moyen- Mono par les ministres des Infrastructures et des Transports, et de l’Urbanisme, Ninsao Gnofam et Fiatuwo Sessenou. Ce dernier, fidèle à ses habitudes, s’était encore illustré avec zèle. Une réunion de partage des informations recueillies s’est tenue ce mardi entre une équipe interministérielle.
Le mandat social, une escroquerie qui ne dit pas son nom
C’est le moins que l’on puisse dire. Nombre de Togolais avertis des paroles sans suites de Faure Gnassingbé avaient relevé, par rapport à ce fameux mandat social, une promesse de plus sans lendemain pour bluffer les électeurs et recueillir leurs suffrages. Et ils avaient visiblement raison.
Pour un mandat social annoncé, le commun des citoyens devrait s’attendre au début de sa mise en œuvre juste au lendemain de la proclamation de la victoire de Faure Gnassingbé ou de son entrée en fonction. Certaines décisions avaient été clamées par les griots comme s’inscrivant dans le cadre de l’exécution du fameux mandat social, comme l’annonce du projet de construction de logements sociaux dans l’enceinte du Lycée d’Adidogome, l’adoption d’une nouvelle grille indiciaire pour les travailleurs de la Fonction publique. Mais, visiblement, c’est maintenant que le pouvoir envoie des émissaires sur le terrain pour recueillir les besoins des populations et mettre en œuvre le fameux mandat social – les vuvuzélas du pouvoir brandissent justement ce Pudc comme une matérialisation de cette promesse. Près d’un an après l’élection présidentielle qui a vu Faure Gnassingbé proclamé vainqueur. Le temps de recueillir ces informations, les traiter et donner éventuellement satisfaction aux populations dans le besoin par des actes concrets, il faut sans doute compter des mois ou années, connaissant l’apathie légendaire du régime en place.
Autre inconséquence, pour un régime qui est au pouvoir depuis deux quinquennats, dix ans au total, on peut s’étonner qu’il ne connaisse pas les besoins des populations que Faure Gnassingbé régente depuis lors, et c’est aujourd’hui qu’il faille envoyer des équipes sur le terrain pour les collecter. La promesse de mandat social se révèle comme une escroquerie intellectuelle qui ne dit pas son nom.
Source : [18/02/2016] Tino Kossi, Liberté