« Il faut des monuments aux cités de l’homme, autrement où serait la différence entre la ville et la fourmilière ? » – Victor Hugo
Une stèle dévoilée depuis cette semaine devant l’entrée de l’aéroport international Gnassingbé Eyadema à Lomé, nourrit le fantasme des Togolais. Sur le monument en effet, on voit une femme, « La Venus », levant son fils en direction du soleil levant. Qui est cette femme d’une grande beauté baptisée à juste titre « La Vénus » du Togo et l’enfant qu’elle porte? Personne ne le sait. Dans la mythologie romaine, Vénus est le symbole de la déesse de la beauté et de l’amour.
Le joyau attire la curiosité des passants. Faute d’explication officielle, chacun y va de ses interprétations et commentaires. Pour certains, La Vénus du Togo représenterait Maman N’danidaha qui confierait son fils Gnassingbé Eyadema à Yéwhé. Et quand on connaît l’importante place qu’a occupée cette femme dans la vie de Gnassingbé Eyadema qui a dirigé le Togo pendant 38 ans, il y a des raisons d’accorder du crédit à cette interprétation. Pendant ce long règne, Maman N’danidaha était vénérée comme un dieu. Elle est d’ailleurs appelée la « vénérée Maman N’danidaha » pour avoir donné au Togo un homme d’Etat de carrure internationale.
La vénérée Maman nationale a bénéficié de son vivant comme à sa mort du culte de la personnalité. Des chansons d’éloge sont composées à sa gloire. A Lomé, une avenue porte son nom, histoire de l’immortaliser. Au temps d’Eyadema, les dates anniversaires de son décès sont célébrées comme une fête nationale. Des festivités sont organisées auxquelles sont invités des chefs d’Etat africains et d’illustres personnalités. Par exemple, en 2004, un an avant la mort de Gnassingbé Eyadema, celui-ci avait organisé à Pya que d’anciens barons du régime avaient érigé en terre sainte du Togo, une cérémonie grandiose pour le « 20ème anniversaire du décès de Maman N’danidaha ». Au nombre des invités de marque, figuraient Laurent Koudou Gbagbo, ex-président ivoirien, Ibrahim Boubacar Keita, président de l’Assemblée nationale du Mali qui étaient aux premières loges. On comptait également parmi les invités Lansana Kouyaté, ancien Secrétaire de la CEDEAO, Jacques Obia, ambassadeur du Congo, président du comité des ambassadeurs ACP ou encore Michel-Ange Scarbonchi, ancien député européen.
Pour d’autres encore, la stèle représente l’actuel président de la République Faure Gnassingbé et sa mère. Les deux personnalités les plus importantes (sic) actuellement au Togo. Un fils que Maman Sabine conférerait à l’onction suprême du Dieu Soleil. Puisque chez les Gnassingbé, on a une conception messianique du pouvoir. On le considère comme un don divin. Et donc depuis la nuit des temps, les élections au Togo ne sont qu’une formalité. On connaît cette formule fétiche que Gnassingbé Eyadema aimait répéter : « Si ce que je fais est bon, que Dieu me laisse continuer mon œuvre ; et si ce que je fais est mauvais, qu’il me barre la route ». C’est Dieu qui aurait donné le Togo à la famille Gnassingbé et il n’y a donc que Dieu qui puisse le lui retirer.
L’un des griots du régime affirmait à l’occasion du 50è anniversaire de Faure Gnassingbé qu’« il n’y a pas d’autorité qui n’émane de Dieu » et d’implorer le « Seigneur à lui donner la santé, la force et la sagesse afin qu’il puisse continuer ce qu’il ne cesse de faire » le Togo. Pour les courtisans du régime, Faure Gnassingbé est « l’élu de Dieu » pour diriger le Togo.
Certains cependant appellent les Togolais à la vigilance, car ils estiment qu’au Togo des Gnassingbé, rien n’est fortuit. Pour ceux-ci donc, tout est mis en œuvre pour endormir spirituellement le peuple par « la magie noire » qui serait dissimulée sous ces monuments.
Source : Médard Amétépé, Liberté