A la recherche d’un ailleurs sécurisant, le quinquagénaire Blaise Agbézoudor avait fui le Togo après les douloureux et funestes événements du 25 janvier 1993 survenus à la Place Fréau (aujourd’hui Place Anani Santos). Il s’est installé sur le continent européen. Nostalgique du pays qui l’a vu naître, il est de retour au bercail, accompagné de Loïck, son fils aîné de vingt et un an, issu de sa liaison avec une citoyenne française d’Annemasse dans le département de la Haute-Savoie.
Un retour au bercail qui coïncide avec la célébration du 61è anniversaire de l’accession du Togo à la souveraineté internationale. Jeune étudiant en histoire, Loïck est fort enthousiasmé de fouler pour la première fois le sol de son pays d’origine. Pour ce retour aux sources, après avoir exprimé son grand bonheur de rencontrer les membres de sa famille paternelle, il émit le vœu de visiter le Monument de l’Indépendance. Son père lui en avait souvent parlé. Ils y étaient mardi.
Située en plein centre-ville de Lomé dans le quartier administratif entre l’Hôtel 2 février et le Palais des congrès, l’œuvre est le symbole de l’émancipation des populations togolaises de la tutelle française intervenue lors du vote historique du 27 avril 1958. L’honneur de la construction du majestueux édifice est revenu à l’architecte et sculpteur français Georges Coustère et de son frère François. Dans le vide du milieu, « un homme qui se déchaîne, qui se libère. Et cet homme représente le peuple togolais ».
Y ont contribué le peintre et sculpteur togolais Paul Ahyi, aussi concepteur du drapeau national. Il avait prévu de faire décorer en verre de couleur l’ouvrage afin d’égayer les montants en béton, ce qui n’a jamais été réalisé. Le second, Pierre Djato Monsila, un céramiste est allé chercher en pays Bassar, le tabouret sacré sur lequel est assise la femme qui, « dans un geste d’élévation, tient dans un vaste la flamme de l’indépendance qui n’est allumée que la veille des événements importants ». Laissé à l’abandon jusqu’au début des années 90, le Monument de l’indépendance, qui porte gravé en lui ces paroles :
« En hommage au peuple du Togo
Peuple togolais
Par ta foi, ton courage et tes sacrifices,
La nationale togolaise est née », a subi une cure de jouvence lors du cinquantième anniversaire de l’indépendance. A l’intérieur, un sol revêtu et de larges allées et espaces verts bien entretenus pour de la promenade, avec des lampadaires mais aussi des fontaines et le tout entouré d’une clôture en or noir.
Plus qu’un monument historique et commémoratif d’une date symbole, « le Monument de l’indépendance fait partie des plus prestigieux de la Ville de Lomé ». Il attire les curiosités et les admirations des Togolais tout comme des étrangers de passage. Comme d’autres visiteurs du site avant lui, Loïck a pris de photos souvenirs de cet emblème de la capitale togolaise.
Qu’il aurait aimé visiter le Grand marché de Lomé. Pauvre de lui, il n’en aura pas l’aubaine. L’édifice est parti en fumée lors du mystérieux incendie dans la nuit du 12 au 13 janvier 2013. Des Togolais tout comme des étrangers restent nostalgiques d’Adawlato ou Assigamé, l’un des plus grands centres commerciaux de la sous-région ouest africaine et fort célèbre par ses « Nanas Benz ».
Mardi 27 avril 2021, tous les Togolais de l’intérieur comme ceux de la diaspora, se sont rappelé la date symbole. Quoique désormais ouverte, sa célébration bien malheureusement mitigée. Au-delà de l’accession à la souveraineté internationale, les populations togolaises sont au quotidien en lutte plus de soixante ans après pour leur véritable indépendance.
© Ekoué Satchivi